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MONTREDON – Site de Sommières et Son Histoire

A un kilomètre de Sommières à peine, la route départementale 35, conduisant des Cévennes à la mer par Anduze et Quissac, s’étrangle sur plusieurs centaines de mètres entre Vidourle et le pied d’une colline couverte de pins magnifiques, de chênes verts, et d’yeuses imposants.

Lorsque l’hiver a dépouillé la végétation de ses feuillages, un oeil averti peut distinguer au sommet du mamelon, des pans de murs et quelques habitations en ruines.
L’accès n’est pas facile au milieu des ronces et des clapas ; soudain voilà devant nous les restes de l’antique baronnie de Montredon (Mons Rotundus) et de son château féodal.

Un grand mur encore debout, perchoir pour les corneilles, présente l’amorce d’une voûte et de chapiteaux taillés dans la pierre blanche du pays ; quelques fenêtres béantes baillent au ciel bleu. Une « crotte » naguère utilisée comme bergerie témoigne de la robustesse des constructions. Une touffe de figuiers cache un escalier qui s’ouvre sur le vide.

A quelques dizaines de mètres de là, face à l’ouest, d’anciennes habitations encore occupées il y a moins d’un siècle s’effondrent, s’éventrent. De modernes constructeurs récupèrent les tuiles et les poutres noircies ; les chasseurs « déclapassent » les lapins de garenne ; la truffe noire mûrit au milieu des pierres chauffées par le soleil. Par un curieux anachronisme, une antenne-relais de télévision se dresse près de là.

Du haut de la colline, le spectacle est admirable, vaste et varié. Voici au nord la plaine de Campagne et ses villages bâtis sur la périphérie : Salinelles et son église romane, Lecques, Aspères dominé par les vestiges de son abbaye bénédictine, Campagne, Garrigues. En arrière plan le Bois de Paris (bois des paries ; fortifications, murailles) et les premiers contreforts des Cévennes avec, dans le lointain, le Mont Aigoual encapuchonné de neige, l’hiver. Et puis à gauche la Pène, le Pic St Loup, en forme de dent, l’Hortus réputé pour son miel. Au sud, la vue porte jusqu’à St Hilaire de Beauvoir et Beaulieu. Voici la ligne de platanes bordant la route de crêtes entre Boisseron et Restrinclières.

La tour du vieux château féodal de Sommières veille sur la petite ville pressée à ses pieds et son pont romain, que sur-plombe Villevieille, la Villavetus du Moyen Age avec son château historique où St Louis aurait séjourné en 1270.

Plus à l’est, l’horizon s’élargit vers la Vaunage derrière les collines de Souvignargues. Dans le creux se développe la noble façade du château de Pondres.
Enfin à nos pieds, le lit du terrible Vidourle. Partout la garrigue se partage le territoire avec la vigne et les oliviers. Partout les plantes à essences sentent bon notre midi.

J’ai souvent dans mon enfance entendu raconter l’histoire du château détruit par St Louis, après un siège terrible, et celle de Blanche de Castille accrochant son écharpe aux ronces du chemin.
Mon grand-père m’a souvent parlé du petit village où vivaient encore 70 habitants à l’époque où il était élève au Collège de Sommières (1893). Et comme bien des gens du pays, j’ai accepté ce que la tradition nous enseignait oralement.

Les hasards de ma profession m’ont fait nommer à Aspères, et depuis onze ans, j’ai comme ligne de fond à ma vie quotidienne, la plaine dominée par le Mont Rond et ses ruines… J’ai cherché à savoir, mais les bibliothèques sont muettes. J’ai donc entrepris de fouiller dans la poussière des archives. Nombreuses sont les lacunes. Et j’espère qu’un jour quelqu’un fera toute la lumière avant que les ruines elles mêmes ne disparaissent.

I – BARONNIE DE MONTREDON

Classification des forteresses

Le livre de Justice et de Plet (XIIIe siècle) nous donne pour cette époque la hiérarchie des fiefs titrés : « Duc est la première dignité et puis Comte, et puis Vicomte, et puis Baron et puis Vavasseur ».

Si l’origine des dignités supérieures de la féodalité (duc, comte, vicomte) ne paraît pas souffrir d’obscurité, si elles se réduisent en effet aux appropriations individuelles par leurs bénéficiaires des fonctions supérieures de l’administration Carolingienne, que Charles le Chauve fut contraint de reconnaître formellement et d’accepter, à l’assemblée de Kiersy sur Oise en 877, par contre, la controverse paraît encore subsister en ce qui concerne les dignités inférieures, soit qu’elles fussent pour la société d’alors l’émanation de la nécessité de se défendre à une époque d’anarchie et de violences « où le château fort était la condition même de la force, la possibilité de se défendre soi et les siens », soit qu’elles fussent, comme le soutient l’école domaniale, « le produit naturel et direct de la Grande Propriété foncière, à une époque où la notion même de l’état et de l’autorité publique avait pratiquement disparu ».

Quoiqu’il en soit, on assiste à la multiplication des châteaux forts, dès la mort de Charlemagne, sous le règne de Louis le Débonnaire et de Charles le Chauve, qui, avant de consentir au fameux édit de Kiersy, avaient vainement tenté de les détruire.

L’édification de ces forteresses se développe avec une extrême rapidité sous les derniers Carolingiens et ne cesse de se continuer aux XIe siècle, XIIe siècle, et même encore XIIIe siècle. Certains possesseurs de ces châteaux, les plus puissants, qui jusqu’alors n’avaient pas encore eu de titre spécial qui leur fut propre, prirent ou reçurent généralement au XIe siècle celui de baron qui originairement désignait l’homme fort. (Guilhiermos p. 155 et suiv.)

Après les barons venaient enfin les simples seigneuries justiciaires, c’est-à-dire celles qui comportaient les droits de justice, mais sans aucune dignité spéciale qui fut attachée. Elles étaient nées la plupart, semble-t-il, de la concession ou de l’usurpation.

En ce qui dans nos régions, concerne plus spécialement l’appellation de baronnie, Mazauric écrit qu’à l’exemple des hauts fonctionnaires Carolingiens « les administrateurs des anciennes vigueries avaient rendu leurs fonctions héréditaires. Ce fut l’origine des grandes châtelleries ou baronnies qui à leur tour groupèrent sous leur dépendance un grand nombre de petits châteaux, « villas » ou seigneuries de troisième ordre ».
(Hist. du château des Arènes de Nîmes – Mazauric p. 49.)
L’auteur est ainsi conduit à distinguer dans les dignités inférieures de la féodalité les « milites majores » et les « milites minores ».

Les milites majores :

sont, selon Mazauric les descendants des grands viguiers dont les charges étaient devenues héréditaires, ou vassaux directs des comtes de Nîmes. Ce sont eux qui prendront plus tard le titre de baron. Les familles d’Anduze, Sauve, Yerle, Roquefeuil, Alès, Sommières, s’étaient déjà rendues indépendantes. Mazauric classe dans les « milites majores » : les Seigneurs du Caylar, de Posquières (Vauvert), de Calvis-son, d’Uzès, de Sabran, de Barjac…

Les milites minores :

comprenaient :

a) les petits châtelains dont le pouvoir s’étend sur la juridiction d’un château d’importance secondaire ;

b) les hommes préposés à la garde d’une tour ou d’une petite forteresse faisant partie du système défensif de la ville de Nîmes ;

c) les gentilshommes campagnards, propriétaires de « Villa » ou d’une partie de « villa »

d) enfin les hommes libres ayant choisi la carrière des armes et il cite les familles de Bernis, Vézenobres, Montmirat, La Calmette, Collias, Clarensac, Beauvoisin, Aimargues, Gallargues, Meynes, Montfrin, Aramon, Boucoiran, Montredon, Lecques, Montpezat, Souvignargues….
On remarquera, à quelques variantes près, les similitudes entre la classification de Mazauric et la classification qui nous est rapportée par le 38e canon du Concile tenu à Toulouse en 1229.
Les Barons ou Grands Vassaux, c’est-à-dire les vassaux immédiats du roi ou d’un autre Grand Vassal, leur supérieur.
Les seigneurs des châteaux qui avaient droit de justice.
Les simples Gentilshommes ou « milites », pour les distinguer des Bourgeois des villes qui étaient sujets aux chevauchées et qu’on nommait « pedites » parce qu’ils combattaient à pied.

II – BIOGRAPHIE DES MONTREDON

L’état fragmentaire et l’incertitude des renseignements recueillis ne permettent pas d’employer le mot « Généalogie ».
Il n’est peut-être même pas certain que les renseignements qui suivent se rapportent tous à la famille des Montredon qui nous préoccupe.

On remarquera la fréquence du prénom Guillaume porté par 27 personnages sur 38. Cette constatation a incité Mazauric à émettre l’opinion que la famille de Montredon était peut-être apparentée aux Guillem de Montpellier. Il est difficile de vérifier cette hypothèse. Quoiqu’il en soit, même s’il n’existe pas de lien de parenté entre les Montredon et les Guillhem de Montpellier, il est indiscutable qu’il existait des liens étroits entre ces deux familles puisqu’en 1114 le testament de Guillem de Montpellier démontre que ce dernier cédait la baronnie en fief à Guillaume Bertrand de Montredon .

On notera en second lieu que la famille des Montredon fournit un certain nombre de dignitaires de l’église, évêques et archevêques et qu’elle donna également plusieurs chevaliers des Arènes. On sait, en effet, que la châtellerie des Arènes avait un rayon d’action très étendu. Dans le serment prêté en 1263 au comte Raimond de Saint Gilles, les chevaliers des Arènes s’engagèrent à défendre le Comte contre toute usurpation commise entre le Vidourle et le Rhône :
« Si quis vel si qua terram tuam auferret vel auferre vellet a Vidorle usque ad Rhodanum nos perpetuo bona fide et absque fraude tibi at tuis adjutores erimus fideles ». (Layettes Trésor des Chartes 1 – p. 88)
Ce caractère explique la présence d’un grand nombre de nobles d’origine étrangère à la vicomté de Nîmes.

ad anno 985 – Arnaud de Montredon
Selon Ménard, il fût évêque de Nîmes (voir Ménard « Evêques de Nîmes ») mais ne figure pas sur la chronologie des évêques de Nîmes, d’après laquelle en 947 Bernard II d’Anduze et en 988 Frotaire 1er étaient évêques de Nîmes.

ad anno 1020 – Pons Guillaume
Selon Mazauric (Histoire du Château des Arènes de Nîmes p. 98.) il aurait été chanoine de la cathédrale de Nîmes jusque vers le milieu du siècle.

ad anno 1095 – Bertrand de Montredon
Il aurait été consacré par Urbain II, évêque de Nîmes. Il assiste en 1095 au Concile de Clermont qui décida de la croisade de Raymond de Saint Gilles, Comte de Toulouse. (Voir : Labbe-Conciles X 506 et suiv. Germain – Histoire Eglise de Nîmes I – p. 159).
Promu archevêque de Narbonne en 1096, aurait été rem-placé sur le Siège de Nîmes par Raymond-Guillaume de Montpellier qui interviendra dans le différend entre Psalmodi et Saint Victor de Marseille, (Germain Hist. de Nîmes I – p. 161. Liste des évêques de Nîmes – Arch. écclesiast. du Gard. Série G).
Assista à la bénédiction de l’île de Maguelonne par Urbain II le 29 Juin 1096.

Dans la chronologie des évêques de Nîmes : Bertrand 1er évêque de Nîmes aurait reçu d’Urbain II le pallium en 1096. Il aurait été déposé en 1106 par sentence du Pape Pascal II et ensuite privé de son archevêché après l’avoir possédé près de 10 ans. Il en serait mort de chagrin. (add. et notes du livre XVI de l’Histoire du Languedoc reproduisant la vie de ce prélat par Laffont dans son Histoire des archevêques de Narbonne).
On ignore le motif pour lequel Bertrand fut déposé. Il fût remplacé sur le siège de Narbonne par le Cardinal Richard Abbé de St Victor de Marseille qui dut être élu sur le siège de Narbonne le 5 nov. 1106. (Mabillon – ad anno 1106 n° 7 – 1104 n° 10 – 1105 n° 7).

ad anno 1095 – Eléazar de Montredon
Il prit part à la Croisade de Raymond de Saint Gilles. Adhémar, évêque du Puy, accepte de mauvaise grâce, à la demande instante et réitérée du Pape Urbain II de prêcher la Croisade. (Ille itaque licet invitus suscepit… d’après Roberti Monachi. Historiam Hieroselymitanam liber 1 – p. 2). Il détermina Raymond IV de Toulouse dit Raymond de Saint Gilles à se croiser et avec lui de nombreux seigneurs du Bas-Languedoc :
Guillaume de Sabran du diocèse d’Uzès
Decan de Posquières (ou Vauvert)
Raymond Pelet d’Alès
Guillaume V de Montpellier

Guillaume V de Montpellier s’illustra en particulier au siège de Marrah, ville située entre Hamath et Alep, où il commandait à ceux qui étaient dans une grande tour que Raymond Comte de Saint-Gilles avait fait construire pour affaiblir la résistance de défenseurs de la Ville. (Catel. Mémoires de l’Histoire du Languedoc p. 660 d’après les chroniques de Guillaume de Malmesbury.).

Avec Guillaume V de Montpellier partirent :
Guillaume Raymond, fils de Raymond Gaucelin de Lunel,
Pons et Bernard de Montlaur,
Guillaume de Fabrèges,
Othon de Carnon,
Guillaume Bertrand et Elzéar de Castries,
Eléazar de Montredon.
(Michaud – Histoire des Croisades t. 1 p. 136 Gariel – Séries proesulum Magalonensium 2e édit. p. 128 Hist. Gén. Lang. Livre 15 n° 56).

ad anno 1096 – Pierre Guillaume
Selon Mazauric, il aurait été archidiacre de Nîmes. Bernade, femme de Bertrand Guillaume, donne au chapitre son mas de Caveirac.

ad anno 1098-1112 – Raimond Guillaume
D’après Mazauric, c’était un cousin de Guillaume de Montpellier, il fût évêque de Nîmes.

ad anno 1100 – Bernard Guillaume
Selon Mazauric (op. cit. p. 98) Bernard Guillaume aurait également été chanoine de Nîmes.

ad anno 1103 – Guillaume Bertrand
Témoin d’un accord intervenu entre Guillaume de Montpellier et Guillaume évêque de Nîmes. (Hist. Lang ad anno 1103.).

ad anno 1109 – Pons Guillaume
Témoin de plusieurs actes à Nimes.

ad anno 1112 – Bernard Guillaume
Bernard Guillaume est Chanoine de Nîmes et Pierre Guillaume sacriste.

ad anno 1114 – Guillaume Bertrand
Reçoit en don le fief de Montredon qu’il tient de Guillaume de Montpellier.
Testament de Guillaume de Montpellier :
« … fiscum quem Guillehmes Bertrandus de Montredon habet de me, quem fiscum demitto et dono ipsi eidem Guillehmo Bertrando et posteritate suae… et ipsi teneant eum de Magalonensi comite. » (Hist. Lang. ad anno 1114 – preuves 26.).

ad anno 1115 – Mention d’un certain Raimond Guillaume de Montredon

ad anno 1118 – Bertrand
Selon Mazauric, il est témoin de l’acte par lequel Bernard Guillaume cède la Viguerie de Montpellier à son fils Guillaume Aimon.

ad anno 1121 – Pons Guillaume
L’acte de mariage de Rostaing de Posquières nous apprend que Pons Guillaume possédait la moitié du Château de Beauvoisin.
(Hist. Lang. ad anno 1121 – preuve n° 49.).

ad anno 1130 – Pons Guillaume
Le même probablement est témoin d’un accord intervenu en avril 1130 entre Bernard IV Comte de Melgueil et Guil-laume VI de Montpellier. (Mazauric. Hist. Lang. ad anno 1130 preuve n° 80, Cartu-laire de Maguelonne p. 116.).

ad anno 1130 – Raymond de Montredon
D’abord chanoine de la Cathédrale de Nîmes, puis Archidiacre à Béziers, il devient évêque d’Agde. Il devient, enfin, arche-vêque d’Arles à la fin de 1142 et meurt en 1155.
Une lettre de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, au pape, en 1148 nous apprend qu’il était né dans le diocèse de Nîmes, qu’il fut destiné de bonne heure à l’état écclésiastique et offert par ses parents à la cathédrale de Nîmes dont il devint Chanoine.

En 1143, Raymond, alors archevêque d’Arles , négocie avec Alphonse Comte de Toulouse, un accord sur la terre d’Argence, partie du diocèse d’Arles alors située sur la rive droite du Rhône. (Gall christ. nova t. 1 p. 506 – Hist. Lang livre 61 anno 1143.).
Selon la Gallia Christ. nova Raymond étant évêque d’Agde aurait succédé à Aldebert sur le siège épiscopal de Nîmes. (Gall. Christ. nova t. 1 – p. 560. Gall. Christ. t. 11 – p. 59.).
Cependant, Aldebert d’Uzès était évêque de Nîmes en 1141 suivant la chronologie des évêques de Nîmes et Guillaume II d’Uzès lui succéda en 1183.

ad anno 1135 – Guillaume
Selon Mazauric (p. 99) est témoin d’un accord entre le Comte de Provence et Guillaume de Montpellier.

ad anno 1142 – Pons Guillaume
Selon Mazauric, Pons Guillaume fils de Ricard rend hommage au vicomte pour le château de Bernis. Selon cet auteur, ce devrait être vraisemblablement le même personnage que celui qui en 1121 possédait la moitié du château de Beaivoisin.

ad anno 1143 – Pons Guillaume
Selon Mazauric, Pons Guillaume, sa femme et ses fils : Raimond, Guillaume, Pons et Pierre, fondent l’abbaye Cistercienne de Franqueveaux.

ad anno 1147 – Pons Guillaume
Selon Mazauric, témoin d’un acte de donation à l’abbaye de Franqueveaux.

ad anno 1158 – Bernard
Il était prieur de Psalmodi. Il est témoin d’une charte de Raymond Comte de Toulouse en faveur de l’abbaye de Psalmodi. (Hist. Lang. ad anno 1158 – preuve 168.).

ad anno 1161 – Pierre Guillaume
Selon Mazauric – Il est témoin d’une inféodation faite par l’abbesse de St Sauveur de Nîmes.

ad anno 1162 – Pons Guillaume
Selon Mazauric – Il est témoin d’une vente de « graveirons » à la Fontaine de Nîmes.

ad anno 1166 – Bertrand Guillaume
Chevalier des Arènes de Nîmes, prit part à la mutinerie des Arènes en 1166. Cette mutinerie prit fin par un accord dont fait mention la chronique de l’Histoire de l’Eglise de Nîmes :
« … MCLXVI – Concordia militum et burgensium Nemau-sensium fucta est » (Mazauric – P. 100.).

ad anno 1167 – Pons Guillaume
Selon Mazauric – Pons Guillaume évêque est témoin d’une vente faite à l’Abbaye de Saint-Sauveur.
ad anno 1174 – Pons Guillaume
Chevalier des Arènes de Nîmes, est témoin de diverses chartes dont une reconnaissance en faveur de Bernard Aton VII, Vicomte de Nîmes. (Layettes t. 1e – P. 107 a.).

ad anno 1185 – Pons Guillaume de Montredon
Témoin d’une reconnaissance du château d’Assas faite à Raymond V, comte de Toulouse, par Rostaing et Pierre d’Assas.

ad anno 1196 – Raimond Guillaume
Selon Mazauric (p. 100), fut avocat.

ad anno 1204 – Hugo de Montredon
Témoin du contrat de mariage entre Marie de Montpellier et Pierre Roi d’Aragon. (Layettes – t. 1er – p. 253-6.).

ad anno 1209 – Etienne Guillaume
Selon Mazauric – achète des terres à Mérignargues et Cais-sargues.

ad anno 1210 – Raimond
Arbitre le désaccord survenu entre les Consuls de Nîmes et les Chevaliers des Arènes qui étaient humiliés d’obéir aux Consuls de la Ville et qui avaient décidé de s’emparer par les armes de la Ville de Nîmes.
La sentence arbitrale fut rendue le 23 Août 1210. (exemple typique de la lutte engagée par les Villes pour leur indépendance communale). (Mazauric- P. 248-252.).
Le même Raimond participe au Conseil des Chevaliers des Arènes qui ont abandonné Nîmes et le Château des Arènes pour ne pas prendre part à la révolte contre le comte en 1210. (Hist. Lang. t. 20 – ad anno 1210 preuve.).

ad anno 1214 – Guillaume
Maître des Templiers en Espagne – Eleva dans la forteresse de Monçon Jacques Roi d’Aragon qui avait été prisonnier de Simon de Montfort.
Innocent III dans une lettre adressée aux habitants de Montpellier leur demande de veiller à la conservation des biens du Roir d’Aragon, à qui, dit la lettre, ils avaient prêté serment de fidélité et il leur conseille de s’adresser à Guillaume de Montredon, Maître des Templiers en Espagne, chargé du soin de la personne et des intérêts du Roi. (D’aigrefeuille : – Hist. de la Ville de Montpellier t. 1 Livre 5 p. 118. – Séries praes. Mag p. 223. – Litterae Jacobi Aragonum regis quibus Consules et universitatem Montispesuli in sua gratia recepit eisque omnem rancorem remittit, données à Albi le 28 sep-tembre 1218 et adressées à Guillaume de Montredon, « Militae Temple Magister ». (Layettes t. 1er – p. 471.).
Mazauric n’est pas affirmatif de savoir si ce Guillaume de Montredon appartient à cette famille. (Mazauric p. 100).

ad anno 1216-1217 –
Selon Mazuric, les actes de la Cour Consulaire mentionnent :

 Pierre Guillaume Associé du Chevalier des Arènes, J. Cellavieille,

 Pons Guillaume le Sourd, de la milice des Arènes créée par Simon de Montfort,

 Raimond Guillaume et Guilha Guillaume qui avaient passé le Rhône pour suivre le parti du Comte de Toulouse et furent faits prisonniers,

 Guillaume de Montredon
ad anno 1218 – Etienne Guillaume
Selon Mazauric – Reçoit en alleu une terre à Mérignargues.

ad anno 1221 – Pierre
Selon Mazauric – Est témoin de la Charte de Calvisson.

ad anno 1226 – Pierre Guillaume
Le chevalier des Arènes, Pierre, jure le pacte d’union entre les habitants de Nîmes et les Chevaliers des Arènes pour résister aux préparatifs de guerre de Louis VIII, Roi de France. (Ménard – Hist. Nîmes – édit. 1750 – p. 69-70. Mazauric – p. 286.).

ad anno 1228 – Feu Bernard Guillaume
Selon Mazauric – Il avait épousé Ponce de la Tour de Nîmes.

ad anno 1244 – Bernard Guillaume
Selon Mazauric – Bernard Guillaume chevalier dirige dans la Vaunage une chevauchée ayant pour but la collecte d’impôts ordonnée par le Viguier Etienne de Codols.

Note :
Etienne de Codols (1230-1248) fut viguier de Nîmes et de Calvisson. Il se rendit odieux par sa cupidité, dit Mazuric. Il fut accusé de s’être emparé en fraude de l’important héritage de Bernard Lion.

ad anno 1317 – Bertrand
Abbé de Cendras, il mourut le 11 des Kal. de Sept. 1317 (22 août 1317).
« Anno domini MCCXVII, XI Kalendas septembri obiit Bertrandus de Montrorondo, Abbas Huius Monastrérii. » (Notices sur l’abbaye de Cendras par Charnet dans le Bulletin du Comité de l’Art Chrétien n° 8 – (diocèse de Nîmes.).

ad anno 1388 – Guillaume
Il était prieur de Candillargues et de Mudaison. (Arch. du Gard – G. 804.).

ARMOIRIES

 Dictionnaire de la noblesse : La Chenaye Desbois – Montredon en Languedoc – famille noble qui porte pour armes : de gueules, au lion armé et lampassé d’or.

 Ailleurs :D’Azur au lion d’or à la bordure componée d’argent et de sable.

III – DE LA VASSALITÉ DE MONTREDON

A – Montredon vassal des Guillaume de Montpellier au début du XIIesiècle

Au début du XIIe siècle la vassalité de Montredon s’établit par le testament que Guillaume V de Montpellier rédi-gea en 1114 avant de partir prendre part à l’expédition dirigée par Raymond Bérenger, Comte de Barcelone contre les Maures et les Sarrazins, maîtres des Baléares, qui infestaient toute la Méditérannée.

Guillaume rédigea son testament pour le cas où tous ses enfants viendraient à décéder avant l’âge de 14 ans révolus. Il décéda seulement en 1122 après avoir rédigé une seconde fois ses dernières volontés. Il laissait six enfants de son épouse Ermessinde, 3 fils et 3 filles. (2e testament ad anno 1121 – H.G.L. Ce testament est le dernier acte que l’on possède de Guillaume V de Montpellier. Preuves XLVII p. 378.).
On relève dans le texte du testament les expressions suivantes bien connues et de pratique courante dans le langage féodal.
Alodium ou alleu
Hominium ou Hommagium, hommage ou contrat féodal. On sait qu’il avait des formes solennelles.
Feudum ou fevum, le fief.
Reste l’expression Fiscum dont se sert Guillaume V de Montpellier à propos de Montredon.

A l’époque franque on appelait fiscus une circonscription des domaines du Roi, placée sous l’autorité d’un fonctionnaire particulier, (Judex). Le Judex en était le régisseur et en recueillait les revenus ; il exerçait seul le pouvoir judiciaire sur les habitants et percevait s’il y avait lieu, les revenus publics. (Capitulaire « de Villis » C IV 52 et suiv. et le commen-taire de Guérard.).
Si les Guillhem de Montpellier ont été les vassaux des Comtes de Mauguio, des Evêques de Maguelonne et des Papes à partir d’avril ou de mai 1085, à la suite de la remise de l’Evêché au St Siège, ils furent suzerains de nombreuses seigneuries. On en compte plus de 30 au moment où ils arrivent à l’apogée de leur puissance. (Baumel T 1, p. 44-45.).

B – En 1205 Montredon est sous la garde d’Eléazar d’Aubais viguier du comte de Toulouse

En 1194 Raymond Comte de Toulouse unit le Comté de Maguelonne au Comté de Toulouse .
En effet, en 1205 à Florensac intervient un accord entre le Comte de Toulouse et Pierre Roi d’Aragon sur un projet de mariage entre Sancie, fille de Pierre d’Aragon et de Marie de Montpellier, et le fils du Comte de Toulouse .

En garantie de son engagement le Comte de Toulouse assignait à Pierre Roi d’Aragon les châteaux de Calvisson, d’Aubais et de Montredon dont Eléazar d’Aubais avait la garde. (H.G.L. T8 p. 22).
En fait cet accord ne fut pas réalisé car Sancie décéda en enfance.

En mai 1184, Guillaume Seigneur de Montpellier avait fait la paix avec le Comte de Toulouse et lui avait rendu hommage en présence de Jean de Montlaur évêque de Maguelonne, après avoir assujéti au Comte de Toulouse tous ses domaines. (Garul p. 233).

On observera qu’antérieurement à 1205, Eléazar d’Aubais prenait le titre de Viguier du Comte de Toulouse dans diverses chartes du Comte de Toulouse , en 1197 dans une charte de privilèges accordés aux ecclésiastiques de Nîmes et en 1199 dans une charte réglant l’élection des consuls de Nîmes.
Or, on sait qu’en 1114 Montredon était vassal des Guillem de Montpellier. Comment se fait-il dès lors qu’en 1205 Montredon soit sous la garde d’un Viguier du Comte de Toulouse alors, précisément, qu’en 1204, après le mariage de Marie de Montpellier, héritière des Guillem, avec Pierre d’Aragon, toute la seigneurie de Montpellier est unie au royaume d’Aragon et qu’elle restera dans cette union jusqu’en 1349 époque où Jacques de Majorque vendra Montpellier au roi de France Philippe VI pour 120 000 écus d’or.
Après 1349, la Seigneurie de Montpellier sera alors incorporée à la Sénéchaussée de Beaucaire.

Note  :
Faudrait-il donc admettre que la Seigneurie de Montpel-lier ait été amputée d’une partie de ses domaines par Raymond Comte de Toulouse ?
On notera également qu’un Hugo de Montredon est témoin du contrat de mariage de Pierre d’Aragon et de Marie de Montpellier. (Layettes T. 1 p. 253-256.).

C – Montredon dès l’époque où Pélerin Latinier était sénéchal de Beaucaire et de Nîmes (1226-1238) faisait partie de la viguerie de Sommières

Pélerin Latinier fut, comme on le sait en effet, le premier Sénéchal royal de Beaucaire et de Nîmes. Louis VIII (1223-1226) l’avait installé dans cette charge qu’il conserva pendant la minorité de Saint Louis et la première régence de Blanche de Castille.

La Sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes se subdivisa de bonne heure en plusieurs vigueries : Aigues-Mortes, Alès, Anduze, Beaucaire, Lunel, Sommières, Nîmes, Le Vigan, Meyrueis.

Dès l’époque de Pélerin Latinier, Montredon aurait fait partie de la Viguerie de Sommières. « Poncius Gaucelnius vicarius de Montredon sub domino Peregrino Senescallo Bellicandri et Nemausi ». (Recueil des Historiens des Gaules et de la France t 24 p. 438). Pons Gaucelin fut un fonctionnaire prévaricateur. Les querimoniae Nemausensium (Restitution Delisle) nous fournissent la preuve de nombreuses exactions commises par ce fonctionnaire.
Pons Gaucelin était Viguier de Sommières et des villages environnants. (sur la liste de ces villages voir Rec. Hist. Gaul. et de FR. tome 24 aux pages 437 – J.K.L. – 438 A B C E – 439 B.).
On peut se poser deux questions :
1) A quelle date fut créée la Viguerie de Sommières ?
2) Pons Gaucelin fut-il réellement Viguier de Sommières sous Pélerin Latinier ?

Origine de la Viguerie de SOMMIERES

Selon Michel (l’administration Royale dans la Sénéchaussée de Nîmes et de Beaucaire au temps de Saint Louis) la Viguerie de Sommières fut créée après la ruine de la Maison d’Anduze, de Sauve et de Sommières.
Les domaines de Pierre Bermond furent vraisemblablement confisqués par Louis IX en 1243. En effet nous possédons une lettre du Roi, datée de Vincennes d’avril 1244 adres-sée au Sénéchal de Nîmes, Oudard de Villars, lui ordonnant d’assigner à Pierre Bermond 600 livres de rente sur la Terre d’Hierle « in terra Eridiae » Archiprêtré du Vigan, Meyrueis, avec le château de Rochedur que l’on désarmerait préalable-ment mais avec l’interdiction absolue d’entrer à Sommières, Alès, Anduze. (Olim – p. X – 1 – Lettres de Saint Louis).
L’échange du reste de ses possessions, en 1248, fut signé à Aigues-Mortes (Le Caylar) (Boisson p. 57.).
Il semble que Pierre Bermond, qui eut dans la Croisade des Albigeois un assez vilain rôle vis à vis de Raymond Comte de Saint Gilles, qui était à la fois son suzerain et son beau-père, prit part en 1240 à la révolte du Bas-Languedoc avec Trencavel. Il avait été excommunié en 1240 par l’évêque d’Arles avec d’autres Seigneurs révoltés, à savoir :

– Le Seigneur de Lunel
– Rostaing et Guillaume Sabran
– Rostaing de Pujaut
– Arnaud de Montpezat
– Les habitants de Beaucaire

mais nous ne savons rien de sa révolte.

Pons Gaussellin était-il réellement Viguier à l’époque où Pélerin Latinier était Sénéchal de Nîmes et de Beaucaire ?

Les chronologies des Sénéchaux de Beaucaire et des Viguiers de Sommières sous le règne de Saint Louis ont été établies par Michel.
La comparaison de ces deux chronologies présente une contradiction ou plus exactement un anachronisme à propos de Pons Gausselin.
Le premier Viguier royal, selon Michel, aurait été W. de Agantico et non Pons Gausselin dont il situe l’administration de 1239 à 1241, c’est-à-dire sous le Sénéchal Pierre Lefèvre d’Athies, dit Petrus Faber (15 juillet 1239 – 27 juin 1241).
Néanmoins W. de Agantico nous est connu plus spécialement pour avoir encouru le reproche de ne pas avoir appliqué dans l’administration de sa Viguerie les lettres de Saint-Louis sur les juifs, qui sont postérieures à 1230. (Rec. des Histo-riens des Gaules et de la France t. 24 p. 440 I.).

On pourrait déduire de cette circonstance que Pons Gausselin aurait pu être Viguier antérieurement à 1230.
Quoi qu’il en soit Pons Gausselin nous est connu pour les exactions dont il se rendit coupable et que rapportent les « Querimoniae Nemausensium » de 1247-1248 restituées par Léopold Delisle dans les « Enquêtes Administratives du règne de Saint-Louis ». (Rec. des Hist. des Gaules et de France t. 24.).
Exactions qui allèrent jusqu’à l’extorsion de Fonds :
« 16 Kal Décembris – Significat vobis dominus Bernardo et Bernardo sacristae et heleniosiario Nemausensibus, Sperandeus de Ferreriis (Fort les Ferrières, commune de St Laurent le Minier) de destrictu et vicaria quod Poncius Gaulcelmus, vicarius de Montredon, sub domino Peregrino Senescallo Bellicandri et Nemausi, sine examinatione juris et praesencia judicii extorsit ab eo IV libras raimundensium… » (Quaerimoniae – 1247 – 1248 page 438 H.).
Le mandement des Commissaires du Roi au Sénéchal de Beaucaire énumère d’ailleurs les diverses restitutions à faire aux victimes de ces extorsions dont les quittances administratives sont en partie venues jusqu’à nous. (Trésor des Chartes J 473 I n° 13. Layettes (Teulet et de la Borde) t. III p. 226.).
« Litterae fratris Pontii de Sancto Aegidio et aliorium Ludovici régis mentiorum quibus ducentos libras Tieronensium a Senescallo Belliquandri se recepisse confitentur pro restitutionibus quibusdam apud sumidrium impendientes ». (Layettes III p. 291 J. 473 – quittance I n° 13 bis, Sommières 1er Avril 1256 – Restitutions.).

On sait en effet que Saint Louis dès 1247 expédia en Languedoc des commissaires pour recevoir les plaintes des habitants des provinces nouvellement rattachées à la couronne, contre ses officiers, et restituer les biens mal acquis et usurpés.
Ces commissaires avaient le titre de Lieutenants du Roi. Cette procédure fut renouvelée en 1254. Les travaux de ces « enquesteurs » ont été étudiés par Boutaric dans « Saint Louis et Alphonse de Poitiers ».

Un très grand nombre de décisions prises sont encore aux Archives Nationales.

d’après Michel :

Sénéchaux Viguiers
Pélerin Latinier W de Agantico – 1230-1238
1226-26 Oct. 1238 Rodolfus de Marino vers1238
Berengarius Grassus 1226-1239
Jacobin Latinier 1239 Baldonius vers 1239
Pierre d’Athies Pons Gausselin 1239-1241
Juil. 1239 – 27 Juin 1241
Pierre d’Ernancourt Gregorius 1241-1243
1241-16 Mars 1243
Oudar de Villers W de Péano –
21 Avril 1243-Août 1253 Maurellus avant 1248
Pierre de Gâche avant 1254
Guillaume d’Authon
1254-23 Janv. 1258
Geoffroi de Roncherolles
27 Juin 1258-1260
Geoffroi de Courfrand
8 Sept. 1260-21 Mars 1263
Gui de Rochefort
25 Sept. 1262-14 Août 1264
Arnaud de Courfrand
18 Août 1264-3 Sept. 1265
Philippe de Sausse Bernard Pétrus Civerius avant 1270
– 1266-1272 Pétrus Anerii – 1271
Pétrus de Carte – 1271

DESTRUCTION DE MONTREDON

A – Destruction par ordre de Blanche de Castille

C’est la version du « Manuscrit Ponthier » conservé aux archives de Sommières, qui a été reproduite par E. Boisson dans son ouvrage consacré à l’histoire de Sommières.
1 – Le manuscrit Ponthier ; ou chronique anonyme intitulée « Cahier contenant en abrégé les Antiquités et Annales de la ville de Sommières en Languedoc qu’il a tiré d’un livre composé par le sieur Louis Bruguière, directeur de poste » 1748.

Le manuscrit Ponthier se contente de rapporter la tradi-tion populaire qu’il admet ou semble admettre, sans analyse critique.

Le plus généralement, il est dépourvu de base historique et de références à des textes contrôlés ou contrôlables.

Cette chronique, encore inédite, longtemps égarée, retrouvée en 1808-1809 dans l’inventaire de la succession Ponthier à Nîmes est actuellement aux archives municipales de la ville de Sommières.

Il resterait à savoir qui est ce Louis Bruguière, et si son ouvrage a été imprimé. En tout cas, il est, ou paraît, à tout le moins, actuellement perdu.

Le manuscrit Ponthier relate comme suit la destruction de Montredon : « Nous apprenons que du règne de Saint Louis, du temps qu’il était occupé à la conquête de la Terre Sainte, ses sujets portés à la rébellion commirent de grands désordres, particulièrement cinq frères qui étaient coseigneurs de la baronnie de Montredon , de laquelle la dépendance était d’une plus grande étendue qu’elle n’est aujourd’hui, plusieurs villages en ayant été démembrés, n’y ayant à présent que huit qui composent la dite baronnie, lesquels sont Montredon, St Amant, Le Petit Galargues, Buzignargues, Garrigues, Campagne, Aspères et Salinelles.
Ces cinq frères furent châtiés par la reine Blanche, en l’absence de son fils ; cette princesse fit faire le procès à ces cinq frères, confisqua et réunit au domaine royal cette baronnie, fit démolir le château de Montredon et rasa ses murailles qui étaient très fortes ».

Note
A la fin du XIIe siècle le Languedoc était couvert de châteaux forts dont beaucoup passaient pour inexpugnables. (Arch. Lozère – G. 740.).
« Castra autem et fortalicia …. contenta sunt ….. » au diocèse de Nîmes, entre autres le document cite Montredon.
Par le traité de PARIS (1229) Louis IX ordonna au Comte de Toulouse et aux autres seigneurs maintenus dans leurs possessions de raser les fortifications de leurs villes ou de leurs châteaux.

Ce fut là, l’origine des « bastides ».

Saint-Louis conserva néanmoins les plus importantes et y installa des gouverneurs et des garnisons pour les garder. Il est parvenu jusqu’à nous un état des places, de leurs gouverneurs et de leurs garnisons pour la seule Sénéchaussée de Carcassonne pendant l’année 1259. (Hist. Lang. Livre 26 n° 96 et ad anno 1260 – preuve 119.).

2 – De la ville de Sommières depuis son origine jusqu’à la Révolution 1789 par Emile Boisson – Notaire à Sommières, imprimé en 1849 à Lunel chez E. Hamelin

L’ouvrage de Boisson reproduit telle quelle la version du Manuscrit Ponthier sans la discuter.
Boisson reprend à son compte la version du manuscrit Ponthier qu’il cite en entier et ajoute :
« Notre chronique précise une circonstance qui nous a paru digne d’intérêt sous un double rapport, en ce qu’elle rend d’abord témoignage de l’esprit d’humanité et de justice du roi et en ce qu’elle donne ensuite l’explication d’un état de choses qui a pris naissance dans cette même circonstance et qui a duré jusqu’à nos jours.

Les cinq frères qui s’étaient révoltés en avaient un, fort jeune, qui à raison de son âge, n’avait pu donner dans la rébellion.
Le roi le prit sous sa protection et lui conserva la sixième portion de la baronnie ».
« De là vient, continue la Chronique, que sa Majesté a les cinq portions et que la sixième appartient à des seigneurs particuliers (héritiers ou représentants du jeune fils) qui commençaient leur sixième chaque cinquième année au 14 du mois de Février ». (Boisson p. 71 – 72.).

B – Destruction par ordre de Saint-Louis

(Statistique du département du Gard) par Hector Rivoire – Tome II – verbo Salinelles p. 706-707.).

Dans l’ensemble, peu précis, Rivoire adopte sans discussion les affirmations de la tradition au point de vue historique.
La baronnie de Montredon « offre une particularité qui remonte au XIIIe siècle : à cette époque, puissante comme elle l’était dans la contrée, elle osa se mettre en rébellion flagrante contre l’autorité royale. Louis IX usant de son droit, fit assiéger la petit forteresse de Montredon, s’en empara, la démolit et réunit ce fief à la couronne. Elle en a fait partie jusque sous le règne de Louis XV qui la transmit, en supplément d’échange de la principauté des Dombes au Comte d’Eu, qui la vendit peu de temps après au président de Montglas. Lors de la révolte contre la puissance royale, que nous venons de rapporter, la famille des barons de Montredon était composée de six frères dont un en bas âge ; par un acte de clémence, Louis IX ne déshérita pas ce rejeton et lui laissa la sixième partie des droits féodaux que possédait l’ensemble du domaine. Les descendants de ce jeune baron jouirent du même privilège et ce sixième de Seigneurie fut porté plus tard dans la famille de Villevieille qui le vendit au XVIIe siècle en le morcelant. Le propriétaire de la terre seigneuriale de Salinelles se trouva au nombre des acquéreurs ».

Note I :
Arrêt du Conseil d’Etat – pv minutes de lettres et affiches de l’intendance relatifs à l’adjudication et à la vente de la terre seigneuriale de Fourques, à la vente des 5/6 des justices des paroisses d’Aspères, Campagne, Garrigues, Galargues le Petit et Salinelles. 1775-1780 (arch. du Gard C2).

Note II :
En 1661, le roi était possesseur de la baronnie de Montredon dans laquelle se trouvait Salinelles ; il possédait la directe foncière et universelle, la justice haute, moyenne et basse : cela résulte d’un arrêt du 3 Octobre 1602 du Parlement de Toulouse et d’un arrêt du Conseil d’Etat du 24 janvier 1786.

Le roi possédait les 5/6 de la justice et fiefs en qualité de Baron de Montredon.
Le dernier sixième de la justice et fief dans toute l’étendue de la Baronnie de Montredon appartenait à la maison de Villevieille.
La maison de Villevieille vendit le 22 septembre 1696 aux communes de Garrigues et Campagne, faisant partie de la baronnie, son sixième de la justice et fief des dits lieux.

« La maison de Villevieille vendit le 23 décembre 1695 à Jean de Brun son 1/6 de Justice et fief du lieu d’Aspères, faisant partie de la baronnie et que la veuve et héritier bénéficiaire du dit Jean de Brun revendit ce 1/6 à la commune d’Aspères, comme ayant droit de M de Villevieille par un acte du 14 juin 1697, reçu Persin, notaire à Sommières. Le 1/6 de Justice et fief sur la partie occidentale au Vidourle du lieu de Salinelles que les possesseurs de la terre acquirent vers ce temps là et qui fut vendu à Mr Meynier avec la dite terre, ne peut provenir que de la vente, à pièces et à morceaux, que faisait la maison de Villevieille de son 1/6 de justice et fief, sur toute la baronnie de Montredon, à tous ceux à qui il convenait de les lui acheter. »
(A juger – pour les mariés d’Espinassous contre le Maire de Salinelles – Nîmes 31 mars 1837.).

C – Destruction suivant Germer Durand

(« Dictionnaire topographique du département du Gard » par Germer Durand. Verbo. Salinelles.).

Cet ouvrage présente de nombreuses et graves erreurs signalées par Michel dans « l’Administration royale dans la Sénéchaussée de Beaucaire, au temps de Saint-Louis » à Paris 1910.

« Montredon était une baronnie, les seigneurs de Montredon s’étant mis en révolte contre l’autorité royale, leur forteresse fut démolie et leur fief réuni à la couronne dont il a fait partie jusqu’au moment (6 juin 1772) où Louis XV le donna en supplément d’échange de la principauté des Dombes, au Comte d’EU qui le vendit bientôt après au président de Monglas ».

On remarquera, au passage que si les circonstances de la destruction de Montredon selon Germer Durand rappellent les versions déjà citées, par contre rien n’indique si elle fut l’oeuvre de Louis IX ou de Blanche de Castille.

D – Etude critique de la destruction de Montredon

La synthèse des versions plus haut rapportées permet de retenir un ensemble de faits.

1 – Le pariage de Montredon :

Le manuscrit Ponthier, l’histoire de Sommières par E. Boisson et enfin Rivoire rapportent que la baronnie était à l’époque de sa destruction indivise entre 6 frères.

C’est le pariage, coutume dérivée du droit romain. Dans le Midi, pays de droit écrit l’absence de droit d’aînesse explique la division au sein de chaque famille féodale. On observe un partage égal entre les héritiers, en cas de succession, comme si le fief était une quelconque propriété. Les biens nobles en arrivaient ainsi à un morcellement tel que seule l’exclusion des filles de la succession et l’adoption des coutumes du Nord, pouvaient y mettre un terme. Les grands fiefs, devant ce danger, adoptèrent dans le Midi, le droit d’aînesse mais par contre, les petits fiefs continuèrent à se morceler à chaque génération.

Mazauric, dans l’Hist. du Château des Arènes de Nîmes cite à titre d’exemple, des Seigneuries partagées en 1/6, 1/8, et même 1/16.

Cependant, en fait, le fief ne se partage pas en autant de fiefs que d’ayants droit, (donc chacun dépend du suzerain ou du frère aîné, chef de famille), mais reste en indivision entre tous les héritiers.

(- Molinier Etude sur l’administration féodale dans le Langue-doc

 F. André : Le pariage de Mende.

 Belperron : La croisade contre les Albigeois.).

Il résultait de cet état de fait que le lien de vassalité (fidélité due par le vassal et protection par le suzerain) qui a constitué le fondement moral de l’organisation féodale avait tendance à disparaître dans le Midi.

Belperron y voit une des causes de l’impuissance où ont été les comtes de Toulouse d’organiser une véritable unité de leurs possessions qui restèrent jusqu’à leur annexion à la cou-ronne une véritable mosaïque de petits états plus ou moins indépendants en perpétuelle guerre entre eux ou contre leur suzerain.

Quoiqu’il en soit, on peut admettre, à partir de cette notion de pariage, qu’effectivement la confiscation par l’autorité royale des droits seigneuriaux de Montredon a pu ne porter que sur les 5/6 de l’ensemble de ces droits.

Au demeurant, nous trouvons sur ce point des décisions de justice :

 Arrêt du Parlement de Toulouse maintenant Raymond de Pavée, Seigneur de Villevieille et co-Seigneur de Montredon dans la sixième partie de la justice de Montredon (7 Sept. 1666).
(Arch. Haute-Garonne – B 890 – folio 323)

 Arrêt du Conseil d’Etat sur la vente du 5/6 de la justice de Montredon (1775-1780) – (Arch. du Gard – C.2)

2 – Les circonstances :

Tous les auteurs, y compris Germer Durand, parlent de rébellion à l’autorité royale. Il y aurait donc eu application de la théorie de la commise.

On sait que l’annexion des grands fiefs à la couronne découla de principes juridiques.

 La réversion :
cas où le vassal mourait sans héritier et sans testament.

 La confiscation  :
Ce fut dans la pratique, le moyen le plus profitable.
« Toutes les fois qu’un vassal du roi commettait un crime capital entrainant confiscation de tous ses biens, alors même qu’on ne pouvait y voir un cas de commise, les fiefs du condamné relevant de la Couronne, étaient nécessairement confisqués au profit du roi ». (Esmeris – Hist du Droit p.312).

 La commise :
C’est par l’exercice de la commise que furent acquises par Ph. Auguste, en 1203, les possessions de Jean Sans Terre (Maine – Normandie etc….)

Selon Esmeris p.192 – 193 elle pouvait être prononcée directement, et d’emblée dans les cas graves c’est-à-dire quand on pouvait considérer que le vassal avait brisé sa foi :

 lorsqu’il désavouait son seigneur.

 lorsqu’il prenait les armes contre lui sans que le suzerain lui eut dénié sa justice.

 lorsqu’il refusait de se soumettre à la justice du suzerain.
Si le vassal n’avait commis qu’un manquement simple à l’une de ses obligations, le suzerain faisait procéder à la saisie du fief du vassal négligent. Probablement sans décision de Justice.

La commise intervenait si cet état de fait persistait un certain temps généralement un an et un jour.

Le manuscrit Ponthier et Boisson parlent en outre des grands désordres commis par les seigneurs de Montredon. Qu’entendre par là ? S’agirait-il d’actes de brigandage, de pillage ? Le fait ne présenterait aucune invraisemblance. Sur les habitudes de pillage des Barons et Seigneurs féodaux dans la Sénéchaussée de Beaucaire, voir : R. Michel « L’Administration Royale dans la Sénéchaussée de Beaucaire au temps de Saint-Louis » (p. 113), Archives de la Lozère Série G 29 et Mémoire du pariage de Mende par F. André.

 Les barons se livraient les uns aux autres des guerres perpétuelles. (pariage de Mende p.282 et suiv.).

 Ils couraient sus aux marchands (ibidem p.239 à 241, p. 255 et suiv.).

 Ils s’emparaient des troupeaux (ibidem p. 240).

 Véritables brigands ils transformaient leurs châteaux en cavernes de voleurs « spelunca latronum ».

Ce n’étaient pas seulement les barons du Gévaudan qui se comportaient ainsi, mais également ceux des terres voisines. (Mémoire du Pariage p. 91 et 421.)

Pierre Bermond et Bernard d’Anduze se servent des mêmes expressions dans les coutumes d’Alès de 1217.

Au demeurant, la gravité de ces brigandages était assez importante pour qu’un Concile tenu à Montpellier en décembre 1195, sous la présidence du légat du pape, ordonnât en 20 canons la paix dans la région, déjà ordonnée par le Comte de Toulouse, excommuniant ceux qui la violeraient, mit leurs biens en interdit, déliant leurs vassaux du serment de fidélité, ana-thémisant les hérétiques, les Aragonais (alias brigands) et leurs compagnies (ou mainades) etc. (Baluze Concil Gall Narb. p. 28 et suiv.).

3 – Sur l’époque :

Selon le manuscrit Ponthier et Boisson la répression aurait été l’oeuvre de Blanche de Castille régente du royaume, à l’époque de la 1ère croisade de Saint Louis.

La régence avait été organisée par des lettres patentes de Louis IX données à Corbeil le 24 Juin 1248 – Blanche décéda, on le sait, le 1er décembre 1252. La répression aurait donc eu lieu de 1248 à 1252. On notera que la régence de Blanche ne fut marquée par de grands soulèvements contre l’autorité royale, comme le fut sa première régence pendant la minorité du roi. Cependant la révolte des Pastoureaux, véri-table révolution politique et sociale eut pour théâtre le Nord de la France. Mais il semble que la régence fut calme dans le Midi.

Une autre version (Rivoire) met la répression au compte de Saint-Louis, sans qu’on puisse en situer l’époque.

G. Durand ne donne aucune précision sur l’auteur et l’époque de la répression.

Nous devons relever les variations et divergences de ces versions. Reste à exposer des arguments contre la destruction de Montredon, telle qu’elle ressort des récits rapportés.

4 – Arguments contre la destruction de Montredon suivant la tradition :

a) Montredon faisait partie dès 1226 de la Viguerie Royale de Sommières.
b) Des auteurs tels Gariel, d’Aigrefeuille ou Germain, considèrent que Montredon était avant 1248, le siège de la cour du Petit Scel. (d’Aigrefeuille « Observations sur les anciennes Juridictions de Montpellier » à la suite de son His-toire de Montpellier, p. 566.)
« Le premier siège de cette Juridiction fut établi par St Louis au château de Montredon endeçà du Vidourle, avant qu’il eut acquis le château de Sommières de Pons de Bermont à qui il donna le Cailar en échange. Il transféra aussitôt la Cour du Petit Sceau sur le Pont de Sommières. Enfin le roi St Louis ayant acquis en 1248 de Raymond Abbé de Psalmody, le territoire d’Aigues-Mortes par échange des Condamines de Som-mières, il y forma un port de mer et une ville qu’il enferma de murailles et peu de temps après, il y transféra le petit sceau qui était à Sommières, parce que Aigues-Mortes devint le lieu des embarquements et des débarquements pour la Terre Sainte. La Cour du Petit Sceau resta à Aigues-Mortes jusqu’en 1292 où Philippe le Bel ayant acquis Montpellier, y transféra ce siège dans la rue qui va maintenant des Jésuites à l’Esplanade ».

A. Gouron, dans sa brochure « L’origine du Tribunal du Petit Scel de Montpellier », et Baumel dans son « Histoire de la Ville de Montpellier », (t. II p. 179,180) prétendent que l’établissement du Petit Scel à Montredon est une légende. Cette flatteuse tradition ayant pour but de montrer l’antériorité du Petit Scel de Montpellier sur les autres sceaux du Midi de la France.

A. Gouron, s’appuie sur le fait que les Archives de Sommières ainsi que celles d’Aigues-Mortes sont absolument muettes sur la création et le fonctionnement du Petit Scel.
De plus, ni Sommières, ni à plus forte raison Montredon, ne représentaient un centre commercial important et la circulation des marchandises se faisaient le long d’un axe Lunel, Pos-quières, St Gilles.

Si la Cour du Petit Scel siéga à Montredon jusqu’en 1248, ou si la tradition le rapporte, il semble difficile d’admettre que la forteresse ait été démolie avant cette date. Ce qui n’exclut pas la confiscation par le pouvoir royal.

c) Montredon était après 1248 l’objet de travaux militaires.

Le texte de Restitution du 20 septembre 1255 établit en effet que la Cour de Calvisson avait ordonné des travaux des-tinés à renforcer la valeur militaire de la Citadelle :
« Item Raimundus de Monterotundo petit emendam cujusdam columbarii sui quod fecit dirui, curia Cavitionis domini regis, ut castrum esset securius ». (Trésor des Chartes 1473 n°13 – 20 septembre 1255 – Recueil des Historiens des Gaules et de la France T. XXIV p. 532.).

Ce qui n’aurait pas été fait si le château avait été démoli les années précédentes.

d) La mission de Jacomard de Baldio.

Jean Duc de Berry avait ordonné en 1361 à Jacomard de Baldio de faire réparer si possible, si non de le détrui