La Féodalité
Avant d’aborder ce sujet, il ne me parait pas inutile de faire un bref rappel de ce qu’était la féodalité en France au moyen âge et plus particulièrement dans le Midi. C’était un régime social et politique qui se développa depuis le déclin de la monarchie carolingienne et qui régna du Xème au XIIIème siècle.
Le mot féodalité vient du latin « feodum » fief, concession qu’un vassal détient d’un seigneur, à charge pour lui de remplir certaines obligations. Le roi était le suzerain supérieur de tous les grands féodaux et il existait une hiérarchie dans laquelle chaque seigneur était vassal d’un seigneur plus puissant. Un serment liait le vassal à son suzerain, le premier ayant des obligations strictes à l’égard du second, en particulier lui rendre hommage. Le suzerain, de son côté, devait assistance à son vassal.
Dans la pratique, il en était tout autrement, particulièrement en Languedoc, qui avec ses institutions propres et une civilisation originale, vivait en marge du reste de la France.
L’influence des Rois de France y était faible et intermittente et les comtes de Toulouse se considéraient comme les souverains de tous les territoires composant le Languedoc. En revanche, leur autorité était contestée par de nombreux vassaux turbulents et ils devaient, pour la faire respecter, avoir recours aux armes.
Dans la France méridionale on assiste, à partir de 1050, à un accroissement du nombre des châteaux où des « milites » et des « caballarios » tiennent garnison. On voit fleurir une multitude de petites seigneuries. La propriété et la souveraineté se confondent. Il suffit de détenir un coin de terre de ses prédécesseurs pour y exercer des droits régaliens, lever des impôts, rendre la justice, parfois battre monnaie.
Le seigneur se doit toutefois d’assurer la protection de ses sujets, de faire régner l’ordre sur son territoire et d’empêcher tout ce qui pourrait troubler la paix publique.
La plupart du temps, à la mort des seigneurs, leurs biens sont partagés entre leurs descendants. En effet, dans le Midi, pays de droit écrit, l’absence du droit d’aînesse explique la division au sein de chaque famille féodale. De là résulte un important morcellement.
Pour mettre fin à ce morcellement il convenait soit d’exclure les filles de la succession, soit d’adopter le droit d’aînesse qui existait dans le nord du royaume. Toutefois, bien que partagé, le fief reste en indivision ; l’aîné étant chef de famille doit être considéré comme le suzerain de ses frères. En cas de décès, sans descendant de l’un d’eux les biens qu’il possédait reviennent à la branche aînée. En 1060, le droit d’aînesse fut établi. Dans les grands fiefs cette coutume fut adoptée mais les petits fiefs se morcellent à chaque génération et ces partages engendrent le plus souvent des luttes fratricides.
Dans la région orientale du Languedoc et particulièrement dans l’actuel département du Gard la noblesse semble avoir été assez pauvre. Les textes ne nous montrent pas de vie de cour comparable à celle qui s’épanouissait dans les villes plus occidentales du midi. La noblesse avait conservé, en partie, la rudesse primitive des barons féodaux.
Le sort des paysans qui constituaient la majorité de la population n’était guère enviable. Ils étaient les victimes à la fois des luttes des gentilshommes locaux, mais également des incursions des routiers qui ravageaient le pays.
« La charte des coutumes d’Alais » de 1200 nous parle des périls et des dommages infinis, des ruines, des morts et des souffrances sans nombre qui résultent des discordes seigneuriales :
« quare infinita péricula, dampna, incendia et tormenta, propter dominorum discordias, passi sunt, atque innumerabiles penas, ruinas et mortes ».
Ces luttes sont caractéristiques de la période féodale, mais ne sont pas spéciales à la région. Toutefois, elles se poursuivent dans le Sud de la France alors que la pacification s’était faite dans le Nord.
Quand ils n’étaient pas en guerre entre eux les seigneurs couraient sus aux marchands, s’emparaient des troupeaux et véritables brigands transformaient leurs châteaux en cavernes de voleurs. Cette petite noblesse était également peu respectueuse du droit des églises, qu’elle ne se faisait pas faute de piller et de mettre à sac.
Le Comte de Toulouse
Après avoir constaté ce morcellement, cet émiettement féodal, on se demande comment une quelconque unité a pu se réaliser dans le Midi. Elle se fit, peu à peu, sous l’impulsion des comtes de Toulouse. Cette unité ne fut pas seulement territoriale mais également culturelle grâce à l’usage de la langue d’oc qui va donner son nom au pays.
A l’origine du grand Comté de Toulouse, au XIème siècle, nous trouvons Raimond de Saint-Gilles, fils cadet du Comte de Toulouse, Raimond Pons, qui reçut en héritage de sa mère le Comté de Saint Gilles et la terre d’Argence (en Camargue). Il recueille également la succession de la branche Rouergue : le Rouergue, le Gévaudan et la Gothie (Aude, Hérault, Gard).
Il épouse l’héritière du marquisat de PROVENCE (au Nord de la Durance). En 1088, il se proclame Comte de TOULOUSE et réunit sous son autorité le Toulousain, l’Albigeois, le Quercy, le Rouergue, la Gothie, le Gévaudan et le Marquisat de Provence, soit la plupart des régions du Sud de la France.
Il s’efforce ensuite, et ce ne fut pas une mince affaire, de faire reconnaître son autorité par les seigneurs ses vassaux, et d’obtenir que ceux-ci lui rendent hommage. Ils avaient acquis des habitudes d’indépendance qu’ils ne voulaient pas aliéner.
RAIMOND de Saint-Gilles que l’histoire a retenu sous le nom de RAIMOND IV répond à l’appel du Pape URBAIN II et participe à la première croisade en ORIENT. Il se couvre de gloire et son comportement lui permet d’accroître son prestige parmi les barons occitans.
Ses successeurs poursuivent son œuvre et consolident leur autorité. RAIMOND V, particulièrement, qui gouverne à partir de 1148, se consacre à l’exercice du pouvoir et à l’amélioration de l’administration de ses états. Il met en place des grands officiers ainsi que des agents subalternes, les bailes ou baillis, pour gérer le domaine, des viguiers pour s’occuper des tâches administratives et judiciaires.
Les Seigneurs du Languedoc occidental
Dans notre région, comme partout ailleurs et peut-être davantage, ont été édifiés de nombreux châteaux, certains subsistent de nos jours, et dont on aperçoit les ruines. Leurs propriétaires se sont érigés en seigneurs plus ou moins importants selon l’étendue du territoire qu’ils possédaient.
Dans la basse Cévenne, au XIIème siècle, deux puissantes maisons seigneuriales dominent particulièrement :
La maison des PELET établie à ALAIS détient la moitié de la ville et un grand nombre de châteaux forts dans les environs. Elle regroupe sous son autorité de puissants seigneurs tels ceux de BOUCOIRAN, de NAVES, de ROUSSON, de REMOULINS.
L’autre famille est à la tête des baronnies d’ANDUZE et de SAUVE et son autorité s’étend sur un vaste territoire. Il comporte l’ANDUZENC et le SALAVES et de nombreuses possessions dans le GEVAUDAN ainsi que dans les actuels départements du GARD et de l’HERAULT.
Ces baronnies n’ont pas été morcelées au fil des successions « en la baronnie d’ANDUZE les filles ne succèdent pas, lorsqu’il y a des mâles et les deux baronnies (ANDUZE et SAUVE) ne se divisent point ».
L’aîné est le suzerain de ses frères auxquels sont confiés des apanages : domaines qui à leur mort reviendront à la branche aîné.
Il est à noter que le plus souvent les cadets deviennent moines, abbés ou évêques. A une certaine période on trouve jusqu’à trois membres de la famille d’ANDUZE, moines, dans une même abbaye.
Les premiers documents faisant mention de la famille d’ANDUZE datent du Xème siècle. On relève le nom d’un ALMERADE d’ANDUZE vers 950 environ. L’arbre généalogique de la famille a été retracé à partir de ce dernier dans le premier cahier de notre association. Nous nous bornerons à le reprendre à partir de BERNARD VII d’ANDUZE chef de la famille vers la fin du XIIème siècle (voir annexe). En plus des baronnies d’ANDUZE et de SAUVE, il possède une moitié d’ALAIS, LARGENTIERE, PORTES, SOMMIERES, des domaines dans les diocèses de VIVIERS et d’AGDE.
Compte tenu de ses possessions, c’est un puissant seigneur, vassal toutefois du Comte de Toulouse. Il semble avoir été le premier baron de la maison d’ANDUZE a avoir adopté le lion pour emblème.
Il gouverne de 1180 environ jusqu’en 1223. Il gère ses possessions à partir de son château d’ANDUZE, il lève des impôts, rend la justice, perçoit les péages, fait respecter la paix dans ses domaines. Et, privilège rare, il fait battre monnaie en son château de SOMMIERES. Soucieux d’étendre la liberté de ses sujets, il accorde des privilèges, « les coutumes » aux cités. En 1187, aux habitants d’ANDUZE, en 1200 à ceux d’ALAIS et en 1222 à ceux de SOMMIERES, il n’est pas douteux que son influence a été considérable. Généreux, il fit de nombreuses donations aux abbayes. Erudit, il est l’ami et le protecteur des troubadours. C’est lui que choisit GUILHEM, seigneur de MONTPELLIER, dans son testament du 4 Novembre 1202, comme protecteur de ses enfants.
BERNARD VII profite du mariage de ses enfants pour accroître encore l’importance de la maison d’ANDUZE :
BERNARD VIII d’ANDUZE épouse VIERNE du LUC, dame du LUC, de PRADELLES, DE JOYEUSE et de GENOLHAC.
SIBYLLE, vers 1200 épouse RAIMOND PELET d’ALAIS.
Quant à PIERRE BERMOND VI, l’aîné, il unit la famille d’ANDUZE à celle du plus puissant seigneur du Midi : vers 1200, il épouse CONSTANCE, fille de RAIMOND VI, Comte de TOULOUSE.
L’on peut estimer, à juste titre, qu’à cette période, la famille d’ANDUZE avait atteint son apogée. Mais « la roche Tarpéienne est près du Capitole ». La ruine de cette maison fut consommée en quelques décennies.
La croisade contre les albigeois
Il n’est pas possible d’étudier l’histoire des seigneurs d’ANDUZE indépendamment de celle du LANGUEDOC, car elle y est étroitement mêlée. Les événements qui se déroulèrent dans le Midi, pendant la première moitié du XIIIème siècle, eurent des conséquences graves pour toute la population et des répercussions dans les seigneuries de la région.
Le 14 Janvier 1208, Pierre de CASTELNAU, légat du Pape, est assassiné à St GILLES par un écuyer du Comte de TOULOUSE, RAIMOND VI. Ce dernier, la veille, avait eu une entrevue avec Pierre de CASTELNAU qui lui avait demandé de se joindre à la ligue des seigneurs constituée pour combattre « l’hérésie » qui sévissait dans le Toulousain et l’Albigeois. RAIMOND VI, soucieux de ne pas combattre ses sujets avait refusé ; une vive querelle s’en était suivie et le légat l’avait excommunié. On excommuniait beaucoup à cette époque là.
Il ne semble pas toutefois que le meurtre de Pierre de CASTELANU ait été ordonné par RAIMOND VI.
Le Pape INNOCENT III en apprenant cet assassinat rentra dans une violente colère qui, dit-on, « le laissa deux jours sans voix ».
Le 10 Mars 1208, il lance un appel à la croisade contre les hérétiques et le Comte de Toulouse contre lequel il renouvelle l’excommunication. Il offre leurs biens à ceux qui iront les combattre et assortit son offre d’une indulgence pour ceux qui participeront à cette croisade. Cette indulgence était identique à celle octroyée aux croisés qui allaient combattre en Terre Sainte.
Le Roi de France, Philippe Auguste, que le Pape avait invité à prendre la tête de la croisade trouve un prétexte pour se dérober. Il refuse même de désigner un chef pour le remplacer.
C’est SIMON de MONTFORT, Comte de LEICESTER qui va prendre le commandement des croisés et préparer « l’ost » qui va envahir le Midi.
Apprenant ces préparatifs, RAIMOND VI, soucieux de protéger ses domaines, fait volte-face et décide brusquement de se soumettre à l’Eglise. Il fait amende honorable et faisant fi de son rang et de son orgueil, en Juin 1209, il se présente sur le parvis de l’église de SAINT GILLES, en chemise, corde au cou, pour y être flagellé en public, après avoir juré d’obéir au Pape.
De surcroît, il demande à prendre part à la croisade, qui dès lors, va se faire contre ses rivaux : le Comte de FOIX et Raimond – Roger TRENCAVEL, vicomte de BEZIERS et de CARCASSONNE. Pierre BERMOND VI, seigneur de SAUVE, va accompagner son beau-père, RAIMOND VI, dans cette croisade. Il a donc été vraisemblablement présent à la prise de BEZIERS en Juillet 1209 et à celle de CARCASSONNE en Août 1209.
En Février 1211 se tient le Concile d’ARLES où des conditions très dures sont imposées à RAIMOND VI. On lui demande, notamment, de livrer les habitants de TOULOUSE soupçonnés d’hérésie et de prendre part au siège de LAVAUR. Il refuse, est à nouveau excommunié, le 6 Février 1211.
SIMON de MONTFORT entreprend alors la conquête des possessions du Comte de TOULOUSE et s’efforce d’obtenir l’hommage des seigneurs occitans.
Pierre BERMOND VI, revenu sur ses terres après la première phase de la croisade, abandonne son beau-père et, en 1211, fait acte de soumission à SIMON de MONTFORT comme la plupart des seigneurs languedociens.
Pendant ce temps, les batailles continuent dans la région de TOULOUSE. RAIMOND VI reçoit l’appui du Roi PIERRE II d’ARAGON, seigneur de MONTPELLIER. Lors de la bataille de MURET, en 1213, RAIMOND VI est battu et PIERRE II d’ARAMON est tué devant les remparts de la ville.
SIMON de MONTFORT s’empare des possessions du Comte de Toulouse et règne en maître sur presque tout le Midi.
PIERRE BERMOND VI, profitant de l’opportunité qui s’offre à lui, s’efforce d’obtenir l’attribution des biens de RAIMOND VI, son beau-père. Il intervient pour cela auprès du Pape INNOCENT III et, pour appuyer sa requête, en 1215, il se rend même au Vatican. Il meurt lors de son séjour à ROME.
Son fils, PIERRE BERMOND VII lui succède, mais étant donné son jeune âge, douze ou treize ans, reste sous la tutelle de son grand-père, BERNARD VII.
Au IVème Concile de LATRAN, en novembre 1215, SIMON de MONTFORT est nommé Comte de TOULOUSE.
RAIMOND VI est convaincu d’hérésie, privé de ses Etats et exilé. Une pension de 4000 marcs d’argent lui est assignée. Toutefois, les terres du Marquisat de PROVENCE, à l’Est du Rhône, sont réservées à son fils, RAIMOND VII.
La partie de SOMMIERES qui appartenait à la branche cadette de la famille d’ANDUZE, avait, à la mort du dernier descendant de cette branche, BERMOND V, décédé sans postérité, fait retour à la branche aînée. A la mort de PIERRE BERMOND VI, SOMMIERES est à nouveau partagée en deux, entre PIERRE BERMOND VII et son frère BERMOND de SAUVE.
En avril 1216, le nouveau Comte de TOULOUSE, SIMON de MONTFORT, fier des territoires acquis pendant sept ans de bataille, mais haï dans tout le Midi pour les atrocités commises va rendre hommage au ROI DE FRANCE, PHILIPPE AUGUSTE, pour les terres conquises. Son départ du Languedoc est le signal du soulèvement. Les sénéchaux et les garnisons qu’il avait laissés sur place sont impuissants à résister à la révolte.
RAIMOND VII et son père, revenus d’exil, vont s’efforcer à partir de la Provence de reconquérir leurs terres.
Ils s’attaquent, d’abord, à BEAUCAIRE, siège de la sénéchaussée.
SIMON de MONTFORT revenu en hâte de PARIS ne peut empêcher la prise de la ville.
Les Comtes de Toulouse reprennent ensuite leur capitale où ils sont accueillis dans la joie par les Toulousains, ravis de retrouver leurs seigneurs.
SIMON de MONTFORT vient assiéger TOULOUSE. C’est là où il trouve la mort, le 25 Juin 1218, tué par un coup de pierre à la tête. Son fils, AMAURY, le remplace mais il est loin d’avoir l’envergure de son père. Les seigneurs du Midi suivent l’exemple du Comte de Toulouse et AMAURY de MONTFORT à du mal à résister à leurs assauts.
Le dernier seigneur de Sommières
PIERRE BERMOND VII, en 1218, se rallie au parti de son grand-père, RAIMOND VI. Il lui promet de le soutenir toujours loyalement et de lui prêter secours contre tout homme, excepté le ROI DE FRANCE. RAIMON VI pour le remercier, lui donne le château de VALZERGUES, la suzeraineté sur la terre des PELET d’ALAIS, les Comtés de MILLAU et du GEVAUDAN et ses droits sur les terres de BERNARD VIII d’Anduze, ainsi que le château de JOYEUSE.
BERNARD VIII qui était resté fidèle à AMAURY était l’oncle de PIERRE BERMOND VII. Il est probable que PIERRE BERMOND VII dut alors affronter les soldats d’AMAURY et les troupes de BERNARD VIII. Ses biens lui sont confisqués par AMAURY et remis à BERNARD VIII. En effet, le 15 Avril 1220, ce dernier rend hommage pour tous ces biens, à AMAURY.
RAIMOND VII de son côté continue le combat ; il reprend une à une toutes les possessions d’AMAURY. En 1223, il ne reste plus à celui-ci que les cités de NARBONNE et de CARCASSONNE.
Cette même année, BERNARD VIII qui avait obtenu les biens de PIERRE BERMOND VII décède.
A la suite de ce décès profitant du déclin d’AMAURY, PIERRE BERMOND VII demande à rentrer en possession des terres dont on l’avait dépouillé. Au mois de Septembre 1223, l’évêque de NIMES assisté du conseil de BERMOND, évêque de VIVIERS et de BERNARD, religieux de l’abbaye de MAZAN, frères de feu PIERRE BERMOND VI et de feu BERNARD VIII, c’est à dire les oncles de PIERRE BERMOND VII, lui restitue les biens confisqués. PIERRE BERMOND VII, en échange, cède aux enfants de BERNARD VIII et à sa veuve, six deniers de MELGUEIL, par bête de charge, sur le péage d’ALAIS, le château et mandement de CALBERTE, le château de BELLEGARDE, le château de RABIERE, le péage de PORTES.
Pour remercier, peut-être l’Eglise de l’avoir aidé à recouvrer ses biens, il fonde en 1223 à SOMMIERES, le couvent des Cordeliers situé à la place de l’hospice actuel.
Ayant récupéré ses possessions, PIERRE BERMOND VII pensait sûrement pouvoir gouverner tranquillement son domaine. Le calme fut de courte durée, le nouveau Roi de France, Louis VIII, furieux de voir les territoires conquis par SIMON de MONTFORT échapper à la couronne et jaloux sûrement aussi de la puissance du Comte de Toulouse décide de s’engager dans une nouvelle guerre.
Le 28 janvier 1226, le concile de Bourges excommunie RAYMOND VII. Quant à AMAURY de MONTFORT, rentré à Paris, il renonce à ses droits sur le Languedoc au profit du Roi de France.
Devant la menace d’une nouvelle invasion de nombreux seigneurs prennent peur. Par ailleurs, le clergé intervient pour leur faire signer des actes de soumission.
Qu’allait faire Pierre BERMOND VII qui avait été comblé de bienfaits par le Comte de Toulouse en échange de son serment d’alliance ? Pas très courageux, semble-t-il, mais surtout soucieux de conserver ses terres, en mai 1226, il se rend à Paris en même temps que l’abbé de St Gilles qui était porteur des actes d’allégeances des nombreux seigneurs du Midi.
Il rend hommage-lige à Louis VIII pour tous ses biens : ANDUZE, SAUVE, SOMMIERES, …
Lorsque LOUIS VIII entouré des plus grands seigneurs du royaume et à la tête d’une armée de 50 000 hommes traverse notre région il ne rencontre guère de résistance. La plupart des seigneurs ont fait leur soumission, les autres ne sont guère tentés de s’attaquer au Roi de FRANCE. Le Comte de TOULOUSE se retrouve esseulé face à ce puissant adversaire. Louis VIII place alors à la tête de son armée le sénéchal de CARCASSONNE, HUMBERT de BAUJEU et regagne la capitale. Il ne l’atteindra pas car il meurt sur le chemin du retour, le 8 novembre 1225. HUMBERT de BAUJEU emploie une tactique vieille comme le monde, mais toute à fait radicale : il détruit les fermes et les cultures. RAIMOND VII continue les combats et conserve TOULOUSE, mais lassé sans doute de toutes ces luttes et ému de la misère de son peuple il signe le traité de MEAUX le 12 Avril 1229. Par ce traité il renonce au Languedoc depuis le Rhône jusqu’à TOULOUSE, en faveur du nouveau Roi de FRANCE, LOUIS IX encore sous la régence de sa mère, BLANCHE DE CASTILLE. Pierre BERMOND VII qui avait fait sa soumission à Louis VIII qu’il jugeait trop puissant n’hésite pas à prendre les armes, pour des raisons qu’on ignore, contre un adversaire plus modeste BERNARD PELET qui était avec lui, coseigneur d’ALAIS.
En 1227, tous deux sont en guerre. Une trêve est imposée le 3 Juin de cette année aux deux belligérants par l’évêque de GRASSE et le pouvoir royal.
Il est vraisemblable que, par la suite, PIERRE BERMOND VII, ne connut que peu de répit.
En effet, dès 1215, SIMON DE MONTFORT avait mis en place, à BEAUCAIRE, un représentant de la royauté qui avait le titre de sénéchal et réunissait entre ses mains les pouvoirs administratifs, militaires et judiciaires. Louis VIII avait officialisé cette institution en 1226. Les sénéchaux se sont efforcés d’étendre les possessions royales au détriment des seigneurs locaux, leurs voisins. Parmi ceux-ci, PIERRE BERMOND VII était le plus puissant et le plus dangereux pour la domination royale, car très proche de l’endroit où la sénéchaussée était installée.
Cette lutte entre les sénéchaux du Roi et le seigneur d’ANDUZE n’est retracée dans aucun document, nous n’en connaissons guère que ses effets. C’est ainsi qu’on note qu’en 1239 une ordonnance est donnée aux habitants d’ALAIS par Bernard PELET et… le Roi de FRANCE. On admettra donc que c’est avant cette date que cette possession a été enlevée à Pierre BERMOND VII.
L’on peut penser que c’est parce qu’il avait été vaincu et dépouillé d’une partie de ses biens qu’il s’associera, en 1240, à la révolte de TRANCAVEL, vicomte de BEZIERS.
A cette nouvelle lutte, il perd la moitié de SOMMIERES qu’il possédait encore et la ville de SAUVE dont le Roi s’empare. En 1243, il a perdu toutes ses terres, il demande la paix au Roi et lui promet d’être fidèle. Le traité de paix est signé en Avril 1243, le Roi lui pardonne mais s’empare de tous ses châteaux, ses fiefs et ses revenus, il lui laisse cependant la ville et le château de ROQUEDUR, lui assigne une rente de six cents livres tournois sur tout le pays d’HIERLE et lui défend d’y réparer ou d’y construire des forteresses.
De plus, il lui interdit, ainsi qu’à ses descendants, d’entrer dans les châteaux et villes d’ALAIS, ANDUZE, SAUVE et SOMMIERES, sans l’assentiment du Roi.
Ainsi fut consommée la ruine du seigneur du pays le plus redoutable. Sa vie, depuis la mort de son père en 1215, n’a été qu’une suite de combats avec de rares trêves.
Maître de la moitié de SOMMIERES, par la dépossession de PIERRE BERMOND VII, le Roi eut vite fait de s’emparer de l’autre moitié qui appartenait, avons nous vu, au frère de celui-ci, BERMOND. D’ailleurs, tout porte à croire que l’accord conclu au mois d’Août 1248 à AIGUES MORTES entre Louis IX et BERMOND ne fait que consacrer en droit, un état de fait déjà ancien. Il est certain que, depuis longtemps, le sénéchal de BEAUCAIRE, PELERIN LATINIER avait pris possession du château. Un viguier d’ailleurs, dépendant de la sénéchaussée de BEAUCAIRE avait été mis également en place depuis quelques années. Nous en avons pour preuve l’intervention, en 1229, du Pape GREGOIRE IX qui se plaint auprès du Roi que le Sénéchal de BEAUCAIRE et le viguier de SOMMIERES occupent villages et châteaux du Comté de MELGUEIL appartenant à l’évêque de MAGUELONE et exigent serment de fidélité de la part des habitants.
Par l’accord passé avec le Roi, BERMOND lui cède toutes ses possessions : SOMMIERES, le château de CALBERTE et ses biens dans les vallées environnantes. En échange, il reçoit le château du CAILAR.
C’en est désormais fini des seigneurs de SOMMIERES, la ville passe totalement sous la juridiction du Roi de France et sous l’autorité du sénéchal de BEAUCAIRE.
Néanmoins, les BERMOND restèrent attachés à la ville de SOMMIERES et nombre de leurs descendants ont choisi pour leur dernière demeure la terre sommiéroise. C’est au pied de la COUSTOURELLE qu’ils ont été enterrés, dans le cimetière jouxtant le couvent des Cordeliers que Pierre BERMOND VII avait fait édifier, en 1223.
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