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LES DEBUTS DE LA POSTE AU MOYEN AGE – Site de Sommières et Son Histoire

Au début du moyen âge, le pouvoir royal en se stabilisant, eut besoin pour être en contact avec ses vassaux et ses sujets de créer une organisation chargée d’acheminer des ordres et des règlements sous forme de lettres (closes ou patentes).

Au départ le Roi utilise des gentilshommes de sa cour pour des missions importantes et urgentes, ces derniers sont d’ailleurs plus des ambassadeurs que de simples messagers ; investis de la confiance du souverain, ils peuvent parler en son nom. Mais avec l’accroissement de cette correspondance, on assiste à la création d’un corps spécialisé : les messagers (du latin : envoyé). Ce fût d’abord les messagers "à pié" , puis à cheval ou chevaucheurs, titres officialisés par ordonnance de Philippe V en 1318 .

Leur origine remonte à celle de la Royauté. Dans un texte de 1101, une donation par Philippe I à un monastère de Paris, on trouve un sieur Baldinius, qualifié de veredarius (messager).

Des manuscrits de l’époque nous les représentent, vêtus d’un justaucorps rouge, jambes dégagées, les armoiries royales cousues sur le vêtement et l’épée au côté.

Ils transportaient les lettres dans des boites décorées et armoriées, en cuir puis en métal (mentionné en 1306 dans les comptes de Mahaut d’Artois). En plus de ces attributs, ils portaient sur eux, l’acte attestant leur fonction et leur mission et un document qui leur assurait le "libre passage" sur le territoire royal.

Suivant l’éloignement et l’urgence de leur mission ils pouvaient réquisitionner les chevaux des particuliers. Mais à la suite de nombreux abus, le pouvoir royal sera obligé de réglementer ce droit.

Ordonnance de Louis IX 15/2/1345 "Défends le droit de prise, sauf Princes de Sang et chevaucheurs" . Devant cette lourde charge certaines villes obtiennent l’exemption de ce droit (Paris 1342). Certaines corporations, comme les arbalétriers de Paris (1359), les marchands se rendant aux foires de Champagne et de St Denis et les ecclésiastiques en bénéficient aussi.

Les textes nous prouvent l’existence du corps des chevaucheurs du Roi. Nous allons examiner le fonctionnement de cette organisation.

Ils appartenaient à l’hôtel du Roi, composé de 6 offices. Les chevaucheurs dépendaient de l’un d’eux : l’écurie du Roi, sous les ordres du Grand Ecuyer. Les Messagers à pied semblent avoir été rattachés à la chambre au denier (comptabilité), autre office de l’hôtel du Roi. Leur nombre fût variable, lié à l’état des finances et à l’activité du souverain.

En 1231, Louis IX dispose de 16 chevaucheurs pour une dépense de 8 livres. 1290, Philippe le Bel n’en utilise que 4, mais les dote de 2 chevaux. 1350 Philippe de Valois, 13 messagers et 6 chevaucheurs. Sous Charles VI en 1386 on atteindra 50 pour revenir à 18.

Ils recevaient un salaire ou des gages ; seules les journées de course étaient comptées.

En 1225 un Messagié aura 3 deniers de gages, une provende (nourriture pour la monture) et 10 sols pour une robe (employé dans le sens de vêtements, qui devaient être fournis).

En 1303 le Sieur Francescus touchera 164 jours de gages.

En plus du salaire et des avantages en nature, ils reçoivent des dons et des cadeaux de leurs destinataires, surtout en cas de bonnes nouvelles. Ils seront, mais plus tard, exonérés de certaines taxes.

 26/01/1480 : Lettres apportées de Paris au sénéchal de Beaucaire, par un chevaucheur de l’écurie du Roi. Le détail est intéressant : lettres du Roi Louis XI, lettres du Général des finances, lettres du Procureur Général. Il reçut 10 écus d’or de gratification des consuls de Beaucaire.

 Ordonnance prise à Vincennes 15/01/1346, fixant à 6 sols tournois par jour, le prix revenant aux messagers.

On peut penser qu’ils ajoutaient à ces avantages le transport payant de correspondance pour le public.

 Reçu de la ville de Noyon 20/08/1410, à un chevaucheur du Roi pour deux lettres venant de Paris, envoyées par l’Université.

Au début du XVe siècle, on pense que certains furent placés auprès d’officiers supérieurs de Province. En 1432 : auprès du Sénéchal de Beaucaire, G. Harmengaut. En 1461 : auprès du Gouverneur de Montpellier, A. Matois.

Pour illustrer le rôle des chevaucheurs, voici un document concernant notre région, extrait des Archives du Gard.

 25/11/1359 : "Le messager, Jean de Soissons, attaché au comte d’Anjou fils du Roi Jean, est arrivé à Villefort, diocèse d’Uzès, par la voie Régordane,venant de Paris et se rendant à Montpellier, porteur de lettres closes pour cette ville et pour Avignon. Malade et cloué au lit, après avoir présenté la lettre patente avec le grand Sceau rouge du Comte attestant sa qualité de Messager ; il se fit rédiger une lettre testimoniale, scellée du Sceau du Baile de Villefort, afin qu’elle lui serve d’excuse auprès de ses maîtres et justifie son retard" . On peut retenir de ce document :

 Le chemin suivi = La Voie Régordane, voie commerciale depuis l’Antiquité.

 La présentation d’un acte attestant sa fonction.

 Le port d’un écu d’argent, insigne qui est, peut-être, celui des chevaucheurs.

 Enfin, le souci pour le messager d’officialiser son retard, gage du sérieux de sa mission.

Pour exécuter leur mission de messager, ils devaient emprunter un réseau, vestiges de voies romaines, réseau assez dense et mal entretenu.

Si les chemins sont soumis au péage (ponts, gués…), leur utilisation commerciale reste libre et non réglementée par le pouvoir royal. Par contre, messagers et chevaucheurs doivent affronter des situations variées et délicates.

Gués impraticables, en cas de crue ; il n’existait aucun pont sur le Rhône entre Lyon et Arles avant 1303, date de la construction du pont de Saint-Esprit. Petits seigneurs et routiers, à l’affût d’un mauvais coup. Epidémies (la peste en particulier).

Malgré ces difficultés, le transport s’effectuait avec une relative rapidité, pour l’époque (on parle de 30 km/jour et même plus).

Les messagers étaient armés et porteurs des armoiries de leurs maîtres, ce qui devait les assurer d’une certaine considération et la crainte de représailles en cas d’agression.

Les chevaucheurs du Roi seront les précurseurs des Maîtres de poste et de la poste aux chevaux, lorsqu’ils deviendront "chevaucheurs, tenant postes Assises" , c’est-à-dire sédentaires et installés le long de routes postales (dans le sens route Montée en Poste).

Le service du Roi deviendra le courrier de Cabinet. Ces routes apparaîtront sous Louis XII, constituant l’ossature du Système postal de l’Ancien Régime.

A côté de cette organisation officielle vont apparaître des services de transmission de lettres et paquets, toujours liés à la liberté de la route, dont le plus simple sera le messager de métier, qui, après signature d’un contrat, se charge de livrer divers objets. A Paris, le rôle de la taille fait état de 13 messagers de métiers.

Chaque organisation mériterait une étude approfondie. Elles ne sont évoquées ici, que succintement.

Avec leur émancipation nouvellement acquise, les villes un peu importantes créent des messagers de ville ou des consuls, au début aux fonctions multiples (crieurs publics, huissiers…) puis spécialisés dans la transmission de correspondance. On trouve en 1384, G. Vidal messager juré (qui prête serment) des Capitouls de Toulouse.

On devrait pouvoir en retrouver l’existence dans les Archives de Sommières.

Des organismes publics possèdent leurs propres chevaucheurs ; ce sont les messagers des corps constitués : trésorier de France, Cour des Aydes, Chambre des Comptes qui en entretiennent 18.

La Poste des religieux est très ancienne ; par exemple les abbayes de Valmagne, Fontfroide dépendaient de l’ordre de Cîteaux dont la maison mère était en relation avec toute l’Europe.

Le Pape Jean XXII, intronisé à Avignon en 1316, envoie 50 chevaucheurs pour son élection. L’Italie gardera des contacts étroits avec cette ville : ébauche d’une poste internationale.

Il existe un curieux document de 1139, Guide pour pélerins se rendant à St Jacques de Compostelle avec étapes, routes et reliques à vénérer…

Enfin, les Messsageries de l’Université de Paris, créées sous Philippe-Auguste, méritent une attention particulière, tant fut leur importance au Moyen-Age et au-delà. Au départ, servant de relais entre l’étudiant et son diocèse (ou son Pays), elle vont devenir une véritable entreprise qui fut à l’origine des Messageries. En effet, au transport des lettres, elles joignirent celui des voyageurs, des marchandises et des sacs de procédures (et même des prisonniers).

Il reste beaucoup de zones d’ombre dans l’étude de cette organisation, certaines sont à découvrir, comme la poste des Corporations. Les diverses archives n’ont pas dévoilé tous leurs secrets. De plus, les ouvrages sur cette spécialité sont peu nombreux et englobés dans des études générales.

Mais cette activité du transport des correspondances par sa variété, son intensité, et malgré le fait qu’une grande partie de la population ne maniait pas l’écriture, démontre que le Moyen-Age, n’était pas la période figée que l’on a souvent voulu nous montrer.

SOURCES

VAILLE E. – Histoire des Postes – (8 volumes) P.U.F.

MENARD – Histoire de Nîmes – Tome IV.

BOISSON E. – Histoire de Sommières .

RENARD E. – La poste en Languedoc – Annales du Midi.