Au VIe – VIIe siècle, Byzance s’adaptait aux techniques de combat des archers montés, après avoir combattu les avars1 et les huns, peuple de nomades qui vivaient dans les steppes d’Asie Centrale, d’origine mongole, guerriers et cavaliers émérites, habillés d’un pantalon et d’une tunique de laine, d’un bonnet, d’une casaque et de jambières en peau de bouc. Ils étaient armés d’un arc et de flèches à pointe d’os, d’un bouclier, d’une lance et d’un lasso.
Sous le règne de l’empereur byzantin Justinien Ier (527-565), l’armée était commandée par le général Bélisaire (494-565). Ses troupes peu nombreuses, mais excellentes, composées d’environ quarante pour cent d’archers à cheval, triomphaient des vandales en Afrique du Nord en 530. Il disait : "Voici la principaledifférence que je découvris entre eux (les Goths) et nous. Nos cavaliers romains et nos huns satellites sont tous d’excellent archers à cheval, alors que l’ennemi n’a que des notions très rudimentaires sur le tir à l’arc. Les cavaliers Goths n’utilisent que la lance et l’épée, tandis que leurs archers à pied restent toujours à l’arrière sous la protection des escadrons lourds. Ainsi leurs cavaliers ne servent à rien tant que la bataille ne se transforme pas en combat rapproché et peuvent Ítre mis aisément hors de combat, alors qu’ils attendent, en ordre de bataille, qu’arrive le moment du contact. D’autre part, leurs archers à pied n’osent jamais s’avancer au devant de la cavalerie et se tiennent en conséquence trop loin en arrière."
La bataille de Tadinae2 en 552, gagnée par le général byzantin Narsès (478-568) sur le roi des Goths Totila3, était une bataille de Crécy avant la lettre.
Les deux armées se trouvaient face à face. Narsès tenait l’aile gauche avec les meilleurs éléments de l’armée romaine, l’aile droite était dirigée par ses meilleurs généraux. A chacune des ailes quatre mille archers de la troupe régulière étaient postés, et au centre se trouvaient les lombards, les hérules4 et autres barbares.
Dès que l’infanterie ennemie engagerait le combat, mille archers devait la contourner et tirer sur son arrière. Narcès avait modifié les ailes ou les archers à pied se trouvaient et les avait disposés en forme de croissant. Les Goths de leur côté avaient reçu l’ordre de ne pas utiliser l’arc ou autres armes à l’exception de la lance, ce qui devait provoquer leur perte car leur armée était inférieure en tout point. Les Romains de leur côté avaient utilisé toutes les armes dont ils disposaient, soit en tirant des flèches, ou en utilisant la lance et le glaive. Les cavaliers Goths qui avaient laissé leurs fantassins derrières eux, chargèrent avec leur lance. Ils se trouvèrent pris entre les huit mille fantassins des ailes qui leur décochaitent des flèches des deux côtés. Les Goths furent en grande partie décimés avant même d’avoir pu entrer en contact avec l’ennemie. Plus tard, ne pouvant plus redresser la situation, ils durent fuir, poursuivis par les Romains.
Maurice (539-602), empereur byzantin qui avait succédé à Tibère en 582, dans son traité sur les techniques militaires1, disait des peuples barbares : "Dépendent-ils de l’arc ? Alignez vous en terrain ouvert et contraignez-les au combat corps à corps. Les scythes ou les huns, attaquez-les en février ou mars, au moment où les chevaux sont en piètre condition après les épreuves de l’hiver, et agissez comme il est suggéré pour les attaques d’archers.
Ils portent (les perses) armure et cotte de mailles et sont armés de l’arc et du glaive. Ils sont plus entraînés que tous les autres peuples guerriers à l’emploi rapide, bien que peu efficace, de l’arc…
Lorsqu’ils ont à combattre des lanciers, ils se hâtent de former leur ligne de bataille sur le terrain le plus accidenté et de faire usage de leurs arcs, de sorte que les charges de lanciers se trouvent dispersées et rompues du fait du terrain…
Ils redoutent vraiment le froid, la pluie et le vent du sud, qui détendent la corde de leurs arcs. Ils n’aiment pas non plus voir une formation régulière ordonnée d’infanterie, un terrain découvert dénué d’obstacle capable de gÍner une charge d’astaire, le combat corps à corps puisque, à bout portant, l’arc est inutilisable et qu’eux-mêmes n’emploient ni lance ni bouclier. Il est efficace de les charger car cela les met vite en fuite, et ils ne savent pas effectuer une brusque volte face pour s’opposer à leurs assaillants comme savent faire les scythes…
Lorsque l’armée est prête au combat, ne remettez pas l’attaque si vous avez vraiment décidé de livrer une bataille ce jour-là. Une fois à portée de flèches, lancez votre attaque ou votre charge en ordre dense et régulier, et faites-le sans tarder, car tous délais dans la marche au contact avec l’ennemi fait que son rythme de feu régulier lui permettra de lancer plus de projectiles sur nos hommes et nos chevaux…
Lorsque les hastaires attaquent les archers, comme nous l’avons dit, à moins qu’ils ne maintiennent un front solide et régulier, les flèches leur infligent des pertes sérieuses et ils ne parviennent pas à venir en contact…
Ils sont (les avars) pourvus de cottes de mailles, de sabres, d’arcs et de lances. Au combat la plupart attaquent doublement armés : la lance en bandoulière et l’arc en main, ils se servent de l’un ou de l’autre au gré des besoins. Non seulement ils portent armure, mais les chevaux les plus illustres d’entre eux ont le poitrail couvert de fer ou de feutre. Ils accordent un soin particulier au tir à l’arc à cheval.
Ils sont suivis par un vaste troupeau de chevaux et de juments, à la fois comme source de ravitaillement et pour donner l’impression d’une immense armée.
Ils placent leur réserve de chevaux immédiatement derrière leur ligne principale et leurs bagages à droite ou à gauche de la ligne, à un ou deux milles de distance, sous une garde à effectif réduit. Il leur arrive fréquemment de tenir leurs chevaux de réserve attachés ensemble à l’arrière de leur ligne de bataille en guise de protection…
Au combat (slaves et antes) ils sont vulnérables aux volées de flèches, aux attaques secondaires venant de différentes directions…
Notre armée devra donc comprendre de la cavalerie et de l’infanterie, surtout légèrement armée, ou bien des lanceurs de javelots, et elle devra transporter une grande quantité de projectiles, non seulement des flèches, mais aussi d’autres armes de jet…"
En Angleterre, le premier texte en 633 faisant mention de l’arc, décrit la mort de Edwin, roi de Northumbrie, tué d’une flèche lors d’un combat contre les gallois.
A Qadisiya vers 635, la bataille avait opposé les arabes, commandés par le général Sa’d Ibn Abi Waqqas, aux perses, commandés par le général Roustem. La défaite a été subie par ces derniers malgré une armée forte de cent cinquante mille hommes et de nombreux éléphants.
Les arabes lancèrent une grêle de traits contre les éléphants, les chargèrent et les frappèrent à coups de sabre à la trompe. Ces derniers, rendus furieux, s’enfuirent. Les perses reprirent le combat sans leurs pachydermes. Sa’d qui avait observé un changement dans les lignes ennemies, avait ordonné : "Que chaque musulman reprenne sa place dans les rangs. Soyez prêts à soutenir la lutte pendant toute la nuit. Il faut placer les fantassins dans les premiers rangs, et les lanciers, les archers et ceux qui combattent avec le sabre doivent mettre pied à terre."
La bataille de Kerbéla1 en 680 qui avait opposé Hosain, petit fils du Prophète, à Omar, fils de Sa’d, avait vu la défaite de Hosain et le début du chî’isme.
Hosain avait aligné ses troupes face à l’ennemi en attendant que ces derniers commencent l’attaque. Schamir dit à Omar : "Pourquoi hésites-tu ? Commence l’attaque." Il ajusta une flèche sur son arc et dit : "Vous êtes témoins que c’est moi qui lance le premier trait."
Omar fît avancer ses archers et leur ordonna de tirer sur l’ennemi. Une vingtaine de soldats furent tués et de nombreux autres tombèrent blessés. Le cheval de Hosain fut tué par une flèche, désarçonnant son cavalier. Il se releva et alla vers son fils Abdallah, âgé de un an, qu’il prit dans ses bras. Un archer tira sur lui et la flèche tua l’enfant sur le coup. Après l’avoir déposé par terre, il se leva et se dirigea vers l’Euphrate afin de se désaltérer. Schamir qui avait observé la scène s’écria : "Malheur à vous ! Ne le laissez pas boire ! Il est mort par les effets de la soif, et s’il boit, il reviendrait à la vie."
Au moment ou il se penchait pour se désaltérer, une flèche fut tirée et lui pénétra dans la bouche. Il cracha l’eau de sa bouche et retira la flèche plantée dans son palais.
Blessé de nombreuses fois par des coups de sabre, de lance et des flèches, il finit par mourir d’un coup de lance dans le dos et fut décapité.
Dans la société franque, tout homme germain ou romain qui effectuait un service militaire, devait le faire accompagné d’esclaves. Voici un passage de la loi d’Erwig (680-687) : "Par un décret spécial, nous décidons que tout homme goth ou romain, se rendant à l’armée, se fera accompagner pendant la campagne d’un sur dix de ses esclaves, de telle sorte que cette dixième partie ne soit pas sans armes, mais soit pourvue de diverses espèces d’armes et qu’ainsi, de chacun de ceux qu’il emmènera à l’armée, une partie soit munie d’armures et la plupart de boucliers, d’épées, de scamasax, de lances et de flèches."
Afin d’augmenter les effectifs militaires, les lombards, avec la loi d’Aistulf en 750 obligeaient les commerçants les plus puissants, à avoir une armure, des chevaux, un bouclier et une lance. Les moins riches, un carquois, un arc et des flèches. Plus tard, ils n’hésitèrent pas à libérer les esclaves pour les enrôler dans l’armée.
Au IXe siècle, sous Charlemagne, les commandants exigeaient des cavaliers qu’ils disposent d’un bouclier, d’une lance, d’un coutelas, d’un arc et de ses flèches.
Lors d’une expédition militaire des danois sur le sol anglais, au cours d’une bataille en 870, le roi Edmond2 fut capturé par le prince danois Hinguar. Le roi fut attaché à un arbre et servit de cible aux archers danois.
Sous le règne du roi d’Angleterre Ethelred et de son frère Alfred-le-Grand (849-901), roi de Wessex3, l’utilisation d’archers se généralisa dans les armées, mais il est difficile de savoir s’il s’agissait de saxons, d’angles ou de gallois. L’armée de Ethelred était composée en grande partie d’archers.
Léon VI, dit le sage, empereur byzantin (866-912), vers la fin du VIIIe siècle, exigeait dans sa Taktika1, que tout romain s’entraîne au tir à l’arc. Voici ce qu’il écrivait sur la stratégie militaire des différents peuples de la périphérie de l’empire byzantin : "Si vous faites la guerre contre un peuple qui se bat avec l’arc, évitez les lieux‚ âpres et montueux. Ne vous portez pas non plus aux pieds des montagnes, dont l’ennemi venant à gagner les sommets vous incommoderait beaucoup. Il faut ou s’en emparer vous-même, ou s’en éloigner tout à fait en vous retirant dans la plaine…
Si votre infanterie est battue, vous soutiendrez la retraite avec la cavalerie qui se retirera aussi en bon ordre jusqu’au camp. Si au contraire c’est la cavalerie, on abandonnera les bagages les plus incommodes, et l’infanterie se formera en deux phalanges, ou bien en un plinthion quadrangulaire, au milieu duquel on mettra les bêtes de somme et autres équipages. En dehors on placera des archers, et se maintenant dans cet ordre pendant toute la marche, elle se fera avec sûreté…
Vous armerez vos troupes dans la forme prescrite, et vous aurez beaucoup de bons archers. Cette arme est excellente et d’un grand service, surtout contre les sarrasins et les turcs, qui fondent sur elle tout leur espoir. Nous avons besoin d’archers, non seulement pour opposer aux leurs, mais aussi pour tirer sur leur cavalerie, ce qui fait beaucoup de dommages, et les décourage lorsqu’ils voient leurs meilleurs chevaux tués…
Ils sont armés (les turcs) de cuirasses, d’épées, de lances et de flèches. Ils jettent leur lance derrière l’épaule, et se servent de l’arc, surtout contre ceux qui les suivent. Dès que l’occasion se présente, ils reprennent la lance, et combattent ainsi alternativement avec l’une et l’autre arme. Les chevaux les plus distingués ont le devant couvert de fer ou de cuir. Ils s’appliquent beaucoup à tirer des flèches à l’arc…
Leur infanterie (les sarrasins) est composée d’éthiopiens, qui portent de grands arcs. Ils les mettent devant leur cavalerie, ce qui en impose beaucoup à ceux qui veulent les attaquer. La cavalerie porte l’infanterie en croupe quand l’expédition n’est pas loin de leur frontière. Elle se sert d’épées, de lance, de haches d’armes et aussi de flèches. Ils ont pour armure des casques, des cuirasses, des bottines garnies, des gantelets, et autres qui sont à l’usage des romains. Ils aiment d’embellir leur ceinture, leurs épées et les mors de leurs chevaux, par des ornements d’argent…
Serrés les uns près des autres, couverts de leurs boucliers ils soutiennent tous les traits de l’ennemi ; lorsqu’il les a épuisés, et qu’il est fatigué, ils en viennent aux mains ; c’est pourquoi l’on doit se conduire contre eux avec beaucoup de circonspection.
Les rigueurs de l’hiver, le froid, les pluies les tourmentent beaucoup, et leur ôtent les forces. C’est pourquoi les temps pluvieux et humides sont les plus favorables pour les attaquer, comme cela nous a souvent réussi. Il arrive même alors que les cordes de leurs arcs étant mouillées et détendues, ils ne peuvent s’en servir…
Lorsqu’ils passent dans les détroits du mont Taurus 2 , en allant faire leurs courses, ou plutôt quand ils retournent fatigués, embarrassés de bestiaux et d’autres dépouilles, si l’on occupe certains lieux élevés, avec des archers et des frondeurs, on combattra leur cavalerie avec beaucoup d’avantages…
Il faut les attaquer d’abord avec des flèches ; parce que leurs archers à cheval éthiopiens et autres, qu’ils placent en avant, étant nus, sont facilement blessés, et prennent aussitôt la fuite. Ils craignent aussi, beaucoup la perte de leurs chevaux, qui sont leur sauvegarde…"
Sur mer, lors des combats contre les sarrasins, voici ce qu’il préconisait : "Vous devez avoir des navires de charge pour porter non seulement les bagages et les vivres de la flotte, mais aussi des provisions d’armes, comme des arcs, des flèches, des traits, et généralement tout ce qu’il faut pour la guerre…
Ceux qui n’auront point d’armures de fer en feront de cordes de nerfs tissées et appliquées surun double cuir. Ceux là se tiendront derrière les cataphractaires, d’où ils tireront des flèches.
Il ne faut pas cependant qu’ils épuisent leurs forces à en jeter une trop grande quantité, parce que les barbares, qui s’en garantissent en croisant leurs boucliers, lorsqu’ils les voient finis, attaquent avec leurs épées et leurs longues piques… Il faut donc se modérer dans le nombre des traits qu’on veut lancer, afin de ménager les forces du soldat pour tout le temps du combat."
Nicéphore Phokas II1, empereur byzantin2 (963-969), disait que pour les attaques de nuit, les troupes de fantassins devaient être légères, rapides à la course et capables de s’avancer en silence sur l’ennemi. Les rangs du milieu devaient envoyer leurs projectiles sur l’adversaire en premier, et ensuite les premiers rangs devaient prendre la relève. Si les fantassins se trouvaient situés des deux cotés de l’ennemi, il fallait que les frondeurs et les archers lancent leurs projectiles des deux cotés en même temps.
Après l’arc antique qui fut utilisé jusqu’au IXe siècle, et une transition dès le Xe siècle avec l’arc à simple courbe, apparaîtront au XIe siècle les arcs réflexes à courbures différentes.
Au début du XIe siècle, à la tête de cavaliers, Ralph, comte de Hereford3, pénétra en Pays de Galles pour y écraser une révolte. Ses troupes tombèrent dans une embuscade dans les collines, où des volées de flèches les accueillirent, les obligeant à rebrousser chemin sans avoir pu faire usage de leurs lances.
L’arc fut certainement l’arme dominante du XIe siècle. Il suffit pour en être convaincu de se rappeler la victoire de Guillaume le Conquérant sur Harold d’Angleterre à Hasting le 14 octobre 1066, qui vit la confrontation entre deux types d’arc ; le long, qui était en la possession des normands et le court, dont disposaient les anglais. Ce fut un des exemples les plus convaincants de l’influence de l’armement sur le cours de l’histoire.
L’armée anglaise dont les forces étaient d’environ six mille fantassins avait pris position sur une colline entourée de marécages, à environ dix kilomètres de Hasting. L’armée de Guillaume était composée de deux mille cavaliers normands, et de trois mille fantassins dont des archers normands, français, bretons et flamands. La cavalerie étant dans l’impossibilité de charger, Guillaume, fit avancer ses archers jusqu’à une soixantaine de mètres de l’ennemi qui décochèrent leurs flèches. La situation était difficile pour les archers, de plus, l’infanterie de Harold ne comprenait que très peu d’archers, de ce fait les normands ne pouvaient pas réutiliser les traits envoyés par l’ennemi. Après deux heures trente de combat, les archers normands se trouvèrent sans munitions.
De nombreux assauts avec sa cavalerie, ne permirent pas à Guillaume de briser la ligne de fantassins anglais. Six longues heures de combats plus tard, les archers normands furent enfin ravitaillés en flèches. Guillaume leur ordonna de tirer haut, de sorte que les flèches retombent verticalement sur l’ennemi. Ces derniers, pour se protéger, avaient placé leurs boucliers au-dessus de leur tête, les empêchant de se défendre contre les assauts des normands. Voici ce qu’écrivait Robert Wace4 :
"Quand les flèches revenaient,
Sur les tÍtes elles tombaient,
Chefs et visage elles leur perÁaient,
Et à plusieurs les yeux crevaient,
N’osaient ouvrir les yeux,
Ni découvrir leur visages."
Cette bataille fut la fin de Harold qui mourut, et le début du grand arc, qui sévira durant plusieurs siècles sur les champs de bataille.
C’est à Dorylée en Phrygie en 1097, que les croisés rencontrèrent pour la première fois les turcs Seldjoukides, qui les mirent en danger par la tactique de combat des cavaliers archers, qui consistait en des agressions par des tirs de flèches, des tentatives d’encerclement jusqu’à ce que les croisés soient suffisamment affaiblis par les flèches meurtrières. Ils furent sauvés de justesse par l’arrivée des renforts qui permirent à Godefroi de Bouillon d’avoir la victoire. Bohémond de Tarente, normand de Sicile, avait compris très vite l’importance qu’il y avait à s’adapter aux agressions turques afin de mieux y parer.
Il fallut attendre plus de deux siècles avant que les anglais révolutionnent leur tactique avec l’emploi de l’arc, alors que dans l’empire d’orient et byzantin cette arme était utilisée depuis le VIe siècle.
Au XIIe siècle, Henri II Plantagenêt1 (1133-1189), roi d’Angleterre, par une ordonnance de 1181 demandait : "Que tout possesseur de biens mobiliers pour une valeur de quarante, trente ou même vingt cinq livres d’angevin (devait avoir) un haubergeon, une lance et une épée ; tous les autres un gamboisson, un chapeau de fer, une lance et une épée ou bien un arc et ses flèches."
Lors de la troisième croisade, après la mort de Baudoin IV, le roi lépreux, qui opposait l’armée de Saladin Ier2 (1138-1193) aux francs, à la bataille de Hattin3 en 1187, les arabes s’étaient emparés de la ville de Tibériade dans le but de pousser les francs à venir délivrer la ville, et de les obliger à livrer le combat.
Saladin ordonna à son armée de quitter Tibériade et de prendre position près du lac, afin d’empêcher les francs de faire provision d’eau. Toute la nuit, ils souffrirent de la soif. Pendant ce temps, les musulmans avaient déployé leur avant-garde d’archers et avaient distribué des flèches.
Le 24 rabi II4, les musulmans s’étaient mis en selle et s’étaient avancés sur la cavalerie franque, qui souffrait de la soif à cause des armures. La bataille faisait rage, les archers musulmans décochaient des nuées de flèches, tuant de nombreux croisés et leurs chevaux.
Le roi, son frère Guy de Lusignan, le prince Arnat de Karak, le souverain de Jubail, le fils de Humphrey de Toron, le grand maÎtre des templiers Gérard de Ridfort, ainsi que de nombreux autres, furent faits prisonniers.
Depuis sa première bataille contre la Palestine en 1098, la chevalerie franque n’avait jamais subi une telle défaite.
En Extrême-Orient, au XIIIe siècle, l’armée mongole n’était composée que d’une cavalerie légère.Chaque homme disposait de cinq chevaux et était armé de deux arcs, l’un court pour les tirs sur un cheval en mouvement, l’autre plus long pour les tirs à l’arrêt, donc plus précis, et pouvant atteindre des cibles plus éloignées.
A l’époque féodale, en France, les seigneurs étaient loin d’encourager la création de compagnies d’archers, contrairement à leurs puissants voisins anglais, brabançons et bourguignons. Au XIIIe siècle, les comtes de Provence avaient autorisé la création d’un corps de tireurs à l’arc ou arbalétriers dans toutes les villes de leurs états. Ils espéraient par la création de ces compagnies, former leurs sujets à la guerre et à les rendres plus adroits au tir.
Les archers ou arbalétriers nommaient un roi, un des dimanches suivant Pâques. L’archer qui, au jour choisi, tuait un oiseau placé à une certaine distance, était déclaré roi. Cet oiseau était, ou réellement ou en peinture, un perroquet, et plus tard une pie ; on appelait alors le perroquet pape gay, c’est à dire père gai ou bavard.
Le roi était le chef incontesté de la compagnie ; il présidait aux exercices ; menait la compagnie à la procession de la Fête Dieu, et à celle qui avait lieu la veille de la Saint Jean, pour allumer solennellement un feu de joie ; il jouissait de quelques privilèges sur les entrées des denrées, et de l’exemption de logement de gens de guerre ; il avait un habit distingué et galonné, avec beaucoup de plumes sur son bonnet ou chapeau.
On appelait la marche des arbalétriers, la bravade. Le roi de la bravade, ou des archers, ne l’était que pour un an. Si un archer ou un arbalétrier réussissait à abattre trois fois à la suite le pape gay, il était nommé empereur, et il jouissait durant toute sa vie des exemptions de tutelle, curatelle, du logement des gens de guerre, il était dispensé de payer la taille et autres impositions, et n’était pas sujet aux droits de gabelle.
Au XIVe siècle, la cavalerie ottomane (spahis) composée d’archers était chargée de protéger les flancs des janissaires, troupes d’élites.
Sous le règne de Philippe IV le Bel, à la bataille de Courtrai le 11 juillet 1302, qui opposa les français aux flamands, le corps d’archers dans l’armée de Robert d’Artois, comptait dix mille hommes et Jean de Burlas, maître des arbalétriers, commandait des archers gascons, navarrais et lombards, tous tireurs aguerris et soigneusement entraînés.
A Lens, le châtelain fit lancer de sa forteresse des flèches enflammées afin de permettre aux français d’observer la position des troupes flamandes. Robert d’Artois envoya ses officiers supérieurs reconnaître la situation. Ils trouvèrent devant eux un mur infranchissable d’archers et de fantassins.
Certains chevaliers conseillèrent à Robert d’Artois d’attendre, avant de donner l’assaut avec la cavalerie, que les archers affaiblissent les troupes flamandes. Ce dont il ne tint absolument pas compte, et provoqua la perte du fleuron de la chevalerie française (les éperons d’or).
Après cette déshonorante défaite pour la chevalerie, une ordonnance, du roi Philippe IV le Bel du 29 mai 1303, prescrivit aux roturiers d’entretenir et d’équiper : six sergents de pied par cent feux. Ces hommes ne devaient pas être des guenilleux recrutés au hasard, mais : "des plus suffisants et des meilleurs qu’on pourra trouver dans les paroisses, ou ailleurs si ceux des paroisses n’étaient pas suffisants ; ils seront armés de pourpoints et de haubergeons ou de gambaisons, de bassinets et de lances ; et des six il y aura deux arbalétritriers."
En 1304, il confirmait l’obligation faite aux roturiers de fournir six sergents de pied par cent feux.
Il est évident que par cette ordonnance, le roi voulait fournir ses régiments en hommes après la défaite de Courtrai où un grand nombre avait péri.
L’armée de Philippe IV arriva en Flandre à Pont-à-Marque le 13 août 1304. Les éléments avancés composés d’archers et d’arbalétriers se trouvaient face à l’armée des Flandres ; elle était commandée par Jean de Namur, qui se préparait au combat et qui fut retardé par les parlementaires français venus leur faire des propositions de paix. Une trêve de trois jours fut acceptée par les flamands, ce qui permit à Philippe IV d’attendre des nouvelles de sa marine, engagée dans un combat naval à Zierikzée.
Durant les combats navals, des arbalétriers furent postés dans les hunes des navires français commandés par Grimaldi et Pédrogue.
Gui de Namur, avec son navire amiral en tête, entra immédiatement en combat avec les navires de Pédrogue qui le talonnèrent. Les français furent assaillis de toutes parts par les archers flamands. Voici ce que dit Guiart1, dans son récit : "Les flèches volent dru comme flocon de neige, elles bruissent comme des abeilles en essaim."
A Mons-en-Pévèle le 18 août 1304, en Flandre, les français dressèrent des balistes dont les traits pouvaient transpercer plusieurs hommes. Les flamands attaquèrent, les archers et arbalétriers se lancèrent mutuellement des flèches. Les balistes françaises provoquèrent des pertes sévères dans les rangs flamands. Ils tentèrent de les prendre à l’assaut, mais sans succès. La cavalerie française tenta d’enfoncer les lignes flamandes, mais fut repoussée sous une pluie de traits.
Les batailles de Zierikzée et de Mons-en-Pévèle furent des batailles où les archers et les arbalétriers eurent un rôle décisif dans les victoires des troupes de Philippe le Bel.
Après la bataille de Poitiers en 1356, apparurent des compagnies d’archers, mais qui malheureusement furent dissoutes par la noblesse qui crut voir un péril pour l’armement des compagnies franches. Il faudra attendre le XVe siècle, pendant la guerre de cent ans, une ordonnance de Charles VII2 (1403-1461) du 28 avril 1448, pour voir une armée permanente de francs archers en France. Ces compagnies de francs archers disparaîtront en 1480, à la suite de la bataille de Dôle où plusieurs milliers d’entre eux furent tués.
LES DIFFERENTS TYPES D’ARCS
Arc à simple courbe : D’une fabrication simple et de taille courte, sa portée était réduite par sa petitesse ainsi que par un manque de propulsion puisqu’il pouvait se tendre que jusqu’à l’épaule. Arme des peuplades barbares, il était utilisé par la cavalerie pour les tirs rapprochés, il ne nécessitait pas de précision.
Arc oriental ou turquois : D’origine orientale, il est apparu avec les croisades. Cet arc, à cause des contre-courbes qui rapprochaient la poignée du milieu de la corde, permettait de tirer avec une grande puissance des flèches très courtes. Arme de cavalerie, il était utilisé pour les tirs rapprochés. Fait de nerfs collés ensemble sur une ‚me de bois très souple et avait une hauteur de un mètre cinquante environ.
Arc à contre-courbe : D’environ un mètre cinquante de hauteur, il n’était flexible qu’aux deux branches et la corde attachée aux deux extrémités était presque tangente à la poignée. Les extrémités étaient garnies de bouts recourbés en corne, collés au bois et maintenus à l’aide d’un fil de soie ou boyau. Cet arc était de faible puissance.
Arc français : Pas très grand, un mètre trente environ, il était lourd et d’une portée peu étendue. Epais vers son milieu et flexible aux extrémités, il était plus précis que l’arc anglais.
Arc anglais ou long bow : Est apparu sous le règne d’Edouard Ier (1239-1307). De un mètre quatre-vingt-dix à deux mètres de hauteur, léger et fait de bois d’if ou d’érable, il avait une portée de deux cents à deux cent cinquante pas et permettait aux archers anglais de tirer jusqu’à douze flèches à la minute soit trois fois plus qu’une arbalète.
Il a été calculé que les arcs, en général, pouvaient envoyer des flèches à la vitesse initiale de cinquante à soixante mètres à la seconde.
Artilleur indispensable pour lutter contre la cavalerie et la piétaille, l’archer devait être très rapidement mobile d’un point à un autre, c’est pour cela que son équipement était, pour l’époque, très léger.
LES ARBALETES
Utilisées en Europe à partir du XIe siècle, elles étaient déjà utilisée des chinois durant la dynastie des Shang (1500-1027 av. J.-C.). De nombreux spécimens d’arbriers munis de leur mécanisme ont été trouvés à Changsha, en Chine, et datés du Ve -IVe siècle av. J.-C.
Au moyen âge, l’arbalète était d’une envergure plus longue que l’arc anglais, et plus difficile à charger ; de ce fait elle étaient moins rapide mais d’un pouvoir pénétrant plus important. Voici ce qu’en dit un chroniqueur : Cette arme n’est pas un arc qu’on tient dans la main gauche et qu’on bande de la main droite ; elle ne peut être utilisée par son porteur que s’il s’arrête et la maintient au moyen de ses deux pieds tout en tendant la corde de toute la force de ses deux bras. Elle porte en son milieu une rainure de la longueur d’une longue flèche, qui descend jusqu’au milieu de son fût. On place dans ce sillon les projectiles, qui sont d’espèces diverses, et ils sont lancés en avant aumoyen de la corde une fois relâchée. Ces projectiles transpercent aisément le bois et le métal et s’incrustent quelquefois complètement dans un mur ou tout autre obstacle quant ils l’ont frappé".
Elle était composée d’un arc fait de lamelles de bois collées ou d’acier, d’une corde en fils de chanvre, entourée en son milieu et aux extrémités de fils fortement noués, d’un arbrier au corps de bois ; l’arc venait se fixer en son extrémité ainsi que l’étrier. Une noix faite de corne de cerf avec pivot et broche d’acier servait à maintenir la corde de l’arc et la gâchette. Une lame de corne formant ressort maintenait le carreau dans sa rigole. Au XIe siècle les parties soumises à la pression de l’arc, furent renforcées par des plaques d’os ou d’acier sur ses côtés.
LES BALISTES OU ARBALETES LOURDES
Grand modèle de l’arbalète, la baliste ou arbalète lourde pouvait projeter aussi bien des carreaux que des javelots. Dirigée contre les hommes, elle pouvait servir aussi bien aux assiégés qu’aux assiégeants. Voici ce qu’en dit Procope de Césarée : Ces appareils ont la forme géérale d’un arc, mais, au milieu, ils comportent une pièce de corne creuse, fixée de façon lâcheà’arc et reposant sur un fût de métal rectiligne. Quand on veut envoyer une flècheàun ennemi, on tire en arrière la forte corde qui joint les branches de l’arc et on place dans la pièce de corne un carreau, quatre fois plusépais qu’une flèche ordinaire mais seulement moitiéaussi long. Le carreau n’est pas empennécomme une flèche, mais il est muni de projections de bois qui reproduisent exactementla forme de flèches. Des hommes qui se tiennent de chaque côéde l’arbalète tirent la corde au moyen de petits dispositifs prévus pour cela : quand ils la relâchent, la pièce de corne se projette en avant et décharge le carreau avec une forceéquivalantàdeux fois au moins celle d’une flèche, car il peut casser despierres et percer des arbres".
LES COSTUMES DES ARCHERS
XIsiècle : vêtu à la légère, de braies1 et de justaucorps d’étoffe, étaient attachés à sa ceinture du coté droit un carquois1 et un étui2, fait de toile ou de cuir épais, dans lequel l’arc était enfermé et qui contenait les cordes de rechange faites de chanvre tressé, à l’abri de la pluie ; il était armé d’un arc à contre courbe.
XII– XIIIsiècle : Vêtu d’une tunique courte avec braies et large ceinture, l’arc était suspendu à une courroie posée en bandoulière. Sa coiffure consistait en une aumuse3 d’étoffe épaisse ou de peau qui garantissait chef et cou contre les intempéries et les projectiles. Sa main droite était couverte d’un gant de cuir et son avant-bras gauche, d’une plaque de métal courbé destinée à préserver le poignet des blessures que pouvait infliger la corde lors des tirs ; il était armé d’un arc à courbe simple ou turquois.
XIVsiècle : Les archers et les arbalétriers à cheval étaient vêtus d’une broigne4 de peau ou de toile piquée, avec cubitières5, genouillères et grèves6 avec solerets7 de fer. Un camail8 de mailles couvrait la tête et descendait jusqu’au milieu des bras. Une casaque d’étoffe avec ceinture roulée, fendue latéralement pour laisser passer les bras, descendait jusqu’au dessus des genoux. Pendant le combat, les flèches étaient passées dans la ceinture du coté droit.
XVsiècle : L’archer était équipé d’une cervelière9 de fer, d’une brigandine10 ou d’un jacque11, de genouillères et de grèves, il portait au coté gauche une longue épée droite à deux tranchants, et tenait une vouge12 ; au coté droit, le carquois qui contenait de quinze à vingt quatre flèches, était suspendu sur le dos, et il tenait dans la main droite l’arc français.
LES COSTUMES DES ARBALETRIERS
XI-XIIsiècle : L’arbalétrier ne semble pas avoir un habillement particulier. Il faut attendre le XIIIe siècle pour voir apparaître un habillement bien spécifique à son rôle.
XIIIsiècle : Un chapel de fer, avec renforts croisés, sur lequel sont rivés les quatre demi-quarts sphériques, le coiffe. Le camail de maille est recouvert par la cotte. Tout le reste du corps est revêtu de mailles. Des genouillères, des grèves et des solerets de fer recouvrent le coup de pied, et renforcent la protection des jambes. Sur la cotte est serrée la ceinture sur laquelle pendent le crochet de tirage de la corde et la trousse des carreaux. Vers 1320 la brigandine remplace la maille, la cervelière couvre la tête et le camail y est fixé.
XIV-XVsiècle : L’habillement se compose d’un camail de maille, d’une brigandine de lamelles de fer couvertes d’étoffe, d’une sous-jaquette avec hautes manches, de chausses de toile doublées de peau, de genouillères de fer, d’un large pavois sur le dos pour se préserver pendant qu’il arme son arbalète. Au côté gauche une longue épée, au devant le double crochet, sur le côté droit la trousse de peau collée pour recevoir les carreaux, sont accrochés à une ceinture, et enfin l’arbalète ; l’équipement complet devait peser de soixante-dix à quatre-vingt-dix livres (30 à 45 kilogrammes).
LA FLECHE1 ET LE CARREAU
La société médiévale qui était une société de la terre et du domaine rural, n’a pu se passer du bois et des métaux, largement consommés par les armées seigneuriales et royales pour la fabrication des armes du fantassin, du cavalier, les monnaies, l’art et l’architecture. Du XIIe au XIVe siècle, les moines, en général, fournirent à peu près un cinquième des exploitants miniers et dominèrent le marché du fer jusqu’au XIVe siècle.
Le trait se compose de la hampe ou fût, du fer et de l’empenne.
Les bois : Généralement les hampes étaient faites de pin, de mélèze et de frêne dont les fibres sont serrées et régulières. Le poids du bois de la flèche dépendait du poids du fer, de sorte que le centre de gravité soit placé au milieu de sa longueur. Le bois était légèrement renflé en son milieu avec à son extrémité le talon ou coche où venait s’encastrer la corde de l’arc.
La flèche turquoise mesurait hors tout, zéro mètre cinquante environ. La flèche française mesurait, zéro mètre soixante-dix environ, et la flèche anglaise zéro mètre quatre-vingt-quinze environ.
Le carreau d’arbalète mesurait entre trois cent cinquante et quatre cents millimètres pour l’arbalète à un pied ou à deux pieds, et cinq cents millimètres environ pour l’arbalète à moufle.
L’empenne : Elle était faite généralement de trois pennes de plumes d’oie collées et de deux pennes pour les carreaux d’arbalète.
Les fers : Ils étaient forgés à partir d’acier en barre ou lingots. Une fois le fer de trait ou le carreau forgé, l’extrémité de la pointe pouvait subir une cémentation3 afin de le durcir. Ce traitement devait lui donner une croûte dure, résistante à la pénétration et à l’usure, tout en gardant à coeur les propriétés de l’acier non traité. La cémentation pouvait s’effectuer au moyen de divers mélanges et des recettes anciennes telles celle du moine Théophile4 dans lesquelles il parle de la trempe des limes. Brûlez de la corne de boeuf au feu et raclez la ; mêlez-y un tiers de sel et broyez fortement. Mettez ensuite la lime au feu, lorsqu’elle sera chauffée jusqu’au blanc, vous la couvrirez de cette préparation de toutes parts ; vous la placerez sur des charbons très ardents, préparés pour cela. Vous soufflerez vivement de tous côé, de manière toutefois que la trempe ne tombe pas ; vouséteindrez promptement dans de l’eauet sécherezun peu au-dessus du feu. Vous ferez de même manière la trempe de toutes les limes qui seront en acier pur
Il était également possible de laisser s’effectuer un refroidissement à l’air libre après l’élaboration du fer à la forge, ce qui lui donnait une meilleure résistance au choc.
Le forgeage pouvait être effectué par un exécutant en temps de paix ou de trêve, ou à la chaîne par plusieurs exécutants en temps de conflits ou de siège, lors de la commande de plusieurs milliers, voire de dizaines de milliers de traits. Certains traits en bronze pouvaient être coulés dans des moules en pierre. Après toutes ces opérations, les fers étaient apiqués5.
Une absence de cémentation sur les fers de traits laisse supposer qu’ils étaient utilisés par les archers. En effet un carreau d’arbalète devait posséder une plus grande force de pénétration. Il fallait donc que l’extrémité de ceux ci possède une peau très dure.
’assemblage : Il consistait, après la fabrication et la finition du fer, en deux opérations très importantes, le ferrage et l’empennage.
Le ferrage : L’opération qui consistait à sertir en force la hampe de bois dans la douille du trait, était importante pour la qualité et la fiabilité des traits. Certains fers, après sertissage pouvaient être fixés sur la hampe à l’aide d’un petit clou, enfoncé dans un trou situé dans la douille. Dans d’autres cas, le fer, pourvu d’une soie, était serti dans l’épaisseur du bois à l’extrémité de la hampe, le tout maintenu par des fils de soie fortement enroulés autour du bois sur plusieurs centimètres, afin d’éviter l’éclatement de celui-ci. Cette forme de fixation n’était pas utilisée sur les carreaux d’arbalètes étant donné le manque de résistance aux chocs contre les armures. Les hampes qui devaient recevoir des carreaux d’arbalètes étaient généralement durcies au feu pour une meilleure résistance aux chocs.
’empennage : L’empenne, faite de plumes d’oie collées sur la hampe à quelques centimètres de l’encoche, devait être souple et tenir compte des dimensions, du poids et de la flexibilité de la flèche. L’empenne du carreau était faite des mêmes plumes, collées directement sur le bois ou collées et serties dans des rainures prévues à cet effet. Elle était plus rigide du fait de peu de déformations subies dans l’air, grâce à sa petite dimension et à son diamètre plus gros et légèrement vrillé, ce qui lui permettait d’avoir une rotation sur elle même et d’obtenir une vitesse plus grande à la pénétration. Chaque type de flèche et de carreau avait son empennage approprié. Cette dernière opération terminée, le trait était prêt à l’emploi.
SOLDE DES ARCHER ET DES ARBALETRIERS
Dans notre armée contemporaine, hiérarchisée, permanente, les officiers, sous officiers, soldats de métier ou appelés, reçoivent tous, dans leur grade, la même solde.
Au moyen-âge, le courage et les talents militaires avaient un cours local comme les denrées. De sorte que le prix des vertus guerrières subissaient, suivant l’offre et la demande, de grandes variations. Si les campagnes duraient, la mort en fauchait toujours plus, et les besoins en hommes augmentaient.
Aucun tarif, même de base ne réglementait ces libres contrats. Aux gens d’armes que le roi ou qu’un prince engageaient, il donnait des soldes plus ou moins élevées d’après leur réputation, leur capacité et leur mérite reconnu. Il en résultait, que des villes et des provinces voisines, des hommes de même qualifications touchaient des soldes différentes.
Des hommes de troupe les mieux payés au moyen-age, c’étaient les plus habiles à lancer des flèches et des carreaux, c’est à dire les archers, les arbalétriers, ainsi que les balistaires à pied ou à cheval, car ils étaient au XIIIe siècle sous Louis IX, des spécialistes très recherché pour la manoeuvre et l’utilisation des balistes.
Le XVe siècle fut celui ou les soldes furent les plus élevées, non que le besoin d’hommes de troupe fut le plus grand, mais simplement que les salaires n’avaient pas encore subit l’inflation, et bien que la vie des gens ne valait pas ou peu durant cette période sombre de la guerre de cent ans, elle se vendait très chère lorsqu’on voulait la monnayer au plus offrant pour se battre.
Mieux payés que les arbalétriers, mais avec l’utilisation de la poudre, les soldes des archers s’effondrèrent. Baisse qui coîncide au XVIe siècle avec la misère toujours croissante des classes laborieuse, et de l’organisation d’une armée régulière, composée d’hommes recrutés hors des frontières.
SOMMIERES
Avec l’accord de la Direction Régionale des Antiquités, des fouilles ont été effectuées à la base de la tour Bermond située dans l’enceinte du château.
Ces fouilles ont permis la mise au jour de quelques carreaux d’arbalète et de plusieurs pointes de flèches dont un grand nombre gardent encore des fragments de bois dans les douilles.
Certains se trouvent en bon état de conservation, d’autres se sont tordus sous la violence des chocs contre les murs de la tour ou après réemploi, et une grande majorité est en très mauvais état de conservation.
Une pointe de flèche trouvée à Sommières présente les caractéristiques d’une fabrication négligée. En effet, la pointe présente un creux très prononcé, aux bords grossiers sur l’une de ses faces. Peut-être a-t-elle été fabriquée à la chaîne au moment d’une période de troubles militaires à Sommières ?
Plusieurs types de fers ont été trouvés à la tour ; voici un échantillonnage avec description et photos, augmenté de quelques types de même origine, mais provenant de collections privées.
Type A : Fers ayant armé les arcs, de forme pyramidale très allongée entre 100 à150 mm, de section carrée d’un diamètre de 4 à 6 mm et pointus car ils devaient pénétrer assez facilement une cotte de maille ou un écu. La douille est de forme conique et cylindrique et d’un diamètre de 6 à 9 mm. Son poids varie entre dix et quinze grammes.
Datation : XIIIe – XVe siècle ? – Origine : Sommières.
Type B : Fer ayant armé l’arc, de forme pyramidale d’une longueur de 90 mm à section carrée d’un diamètre de 8 mm ; la douille de forme tubulaire d’un diamètre de 6 mm est de même longueur que la pointe soudée à cette dernière ; son poids est de huit grammes environ.
Datation : Fin XIIe – début XIVe siècle.- Origine : Sommières.
Type C : Carreau d’arbalète, de forme pyramidale à section carrée, d’une longueur de 70 mm et d’une douille d’un diamètre de 14 mm.
Datation : XIIIe – XVIe siècle – Origine : Collection privée.
Type D : Carreau d’arbalète, de forme ogivale, d’une longueur de 43 mm ; sa douille d’un diamètre de 14 mm est suffisante pour l’arbalète, et présente un trou de fixation par cloutage à sa base.
Datation : XIIIe – XIVe siècle – Origine : Sommières.
Type E : Fer ayant armé l’arc, d’une longueur de 80 mm ; sa tête est en forme de pointe de diamant d’un diamètre de 10 mm à trois facettes. Elle représente 1/4 de sa longueur totale. Sa douille, d’un diamètre de 14 mm, est très allongée avec un cou très fin de 5 mm. Son poids est huit grammes environ.
Datation : XIIIe – XIVe siècle – Origine : Sommières.
Type F : Carreau d’arbalète, longue tête de 45 mm de forme pyramidale (extrémité distale 11 mm) à trois facettes ; il était muni d’une soie (brisée sur ce modèle).
Datation : XIIIe – XVe siècle – Origine : Collection privée.
Type G : Carreau d’arbalète de forme conique, d’une longueur de 65 mm (pointe légèrement écrasée) et d’une douille d’un diamètre de 19 mm.
Datation : XIIIe – XVe siècle – Origine : Collection privée.
En conclusion, je me permets de citer Aimé Jeanjean, président de notre association, qui écrivait en avant-propos dans un article sur les archers : ’est la preuve qu’àcertaines périodes, il ne devait pas faire bon flâner du côé des remparts… Peut-être les verrons nous un jour exposées dans le musée que notre association appelle de tous ses veux…".
BIBLIOGRAPHIE
CHALIAND G. – Antholohie mondiale de la stratégie – Laffont, 1990.
CHEDEVILLE A. – La France au moyen-âge – Que sais-je ?, 1985.
KOCH H.W. – La guerre au moyen-âge – Nathan, 1980.
ROTH R. – Histoire de l’archerie – Chaleil, 1992.
VIOLLET-LE-DUC E. – Dictionnaire raisonné du mobilier français .