A. Jeanjean
I – La décadence des techniques.
Fin du monde romain :
De la fin du IV° à la fin du VI° siècle après JC., d’immenses migrations de peuples détruisent l’homogénéité de l’Empire romain. Ces infiltrations successives, parfois violentes, finissent par disloquer le cadre administratif et militaire du vieux monde. Avec ce cadre disparaissent les possibilités de circulation et d’échange, ainsi que toutes les conditions matérielles et morales de progrès technique, ou même de travail régulier.
Les désordres, de plus en plus fréquents, le conflit des villes et des campagnes, la destruction ou le pillage des centres urbains, la dégradation des routes, des ponts, des aqueducs, les épidémies, l’insécurité des transports accompagnent l’affaiblissement progressif de l’ordre romain. La décomposition politique, la désorganisation administrative – en particulier l’arrêt des services postaux – la torpeur des échanges s’accompagnant d’un repliement des domaines sur eux-mêmes, d’une espèce d’économie agricole fermée, d’un retour au troc, entraînent le recul extrême de la quantité des biens produits et de leur qualité ; une indicible misère s’étend sur les terres d’Occident et la famine devient endémique. L’empire romain d’Orient, protégé par sa situation géographique, maintient pendant encore cinq à six cents ans la supériorité de sa structure administrative et militaire. Il conserve et perfectionne sur certains points les techniques de l’Antiquité, en particulier en matière de tissus et de travaux artistiques. Mais il ne produit pas d’innovation et sera surpassé par l’ingéniosité technique du nouveau monde occidental, quand celui-ci trouvera ses assises politiques et sociales.
Pendant plusieurs siècles, les peuples qu’avait civilisés Rome, retomberont bien au-dessous de la culture et de la puissance de l’Antiquité, même préhellénique. Ils descendront jusqu’à un niveau comparable à celui des derniers âges de la préhistoire.
Reconquête médiévale :
Le désastre est tel, les souffrances si longues et si dures, qu’elles obligent l’homme à reprendre l’effort technique depuis ses plus humbles origines et à le hausser à un niveau supérieur.
Telle est l’oeuvre du Moyen Age, qui s’achèvera par le triomphe décisif du progrès industriel. Cette oeuvre est en grande partie celle des travailleurs obscurs, mais on y trouve aussi la marque de véritables techniciens. Elle a été suscitée, encouragée parfois, par les chefs politiques, mais surtout par l’église, la seule puissance qui ait conservé dans le naufrage une armature administrative, une tradition intellectuelle, et, avec le dogme religieux, une image efficace de la haute civilisation antique.
Le rôle de l’église.
L’idéal mystique des chefs de l’église s’accordait bien avec leur sens pratique. Administrateurs de grands domaines pour les quels ils désiraient des rendements les moins aléatoires, témoins clairvoyants de la dégradation politique et sociale, et de la misère générale, ils se sont donnés d’abord pour mission de faire retrouver le sens de la terre à des populations ignorantes ou rebelles au travail : défrichements, colonisation agricole, mise en valeur du sol, amélioration des cultures . Partout l’élan est donné par l’église, et surtout par les ordres monastiques.
La colonisation agricole.
La forêt épaisse alterne avec des landes et des étendues désertiques dues à des siècles d’abandon ; il ne faut donc pas s’étonner de la popularité légendaire de ces moines défricheurs, tels les Bénédictins, qui portent, en vertu de leur règle, une serpe à la ceinture. Mais la bataille de la terre exige surtout que l’on retrouve et que l’on enseigne à nouveau les techniques élémentaires. Ce sont les moines qui commencent à vulgariser le soc à versoir et la herse.
Les moines de cette époque préféraient , à un abbé orateur, un bon arateur, c’est à dire meneur de charrue. L’un de ces abbés a été Thedulf, architecte, marchand, magistrat, mais surtout meneur de charrue. A sa mort, le peuple a voulu que l’on suspende en l’église et en signe de vénération, sa charrue.
Du VI° au X° siècle, à petite échelle, puis surtout au IX° et au XIII° siècle, l’oeuvre de colonisation agricole et d’appropriation agricole est méthodiquement poursuivie par les moines. On abat les forêts, on débroussaille la lande, on brûle les troncs, les ronces, les épines pour fertiliser la terre ; on essaie d’endiguer les fleuves ( berges arborées de Vidourle ) et d’assécher les marais.
Cependant les efforts n’obtiennent que des résultats faibles, parceque la technique reste primitive, bien que l’assolement triennal réservant à la jachère une année sur trois au lieu d’une année sur deux, commence à se répandre et que l’usage de la marne soit connu. Mais le fumier est peu abondant et la culture épuise le sol. L’outillage consiste encore dans la charrue primitive quand ce n’est pas simplement la herse ou la houe. L’exploitation du sol ne peut progresser faute de capitaux, d’engrais et de transports.
Des entraves analogues limitent le progrès des métiers que l’église favorise aussi en réorganisant ses ateliers et en suscitant dans les exploitations l’ingéniosité des travailleurs de toute espèce.
II – La conquête des forces motrices : les transports.
L’attelage antique.
Chez les anciens, l’attelage du cheval se faisait principalement par une bande de cuir souple qui enserrait la gorge à l’endroit où la trachée passe sous la peau et qui n’avait aucun contact avec les épaules. Quand l’attelage fonctionnait, ce collier se plaquait sur la gorge et gênait la respiration du cheval surtout si celui-ci baissait la tête : les muscles du cou ne protégeaient plus la trachée. C’est pourquoi l’animal redressait l’encolure, attitude fidèlement reproduite sur les documents antiques.
A une faible allure, ou pour un effort limité, ce genre d’attelage est sans inconvénient. Mais il devient extrêmement inadapté dès qu’il faut obtenir du cheval un effort considérable, pour lequel il doit baisser l’encolure et porter son poids en avant pour tirer, au lieu de le rejeter en arrière.
L’attelage moderne.
C’est vers le X° siècle, c’est à dire à la fin du haut Moyen Age, qu’un inconnu applique l’invention capitale qui modifiera la force de traction animale, et facilitera les transports : cette invention c’est celle du collier d’épaules, à armature rigide, qui prend son appui sur la base osseuse des omoplates, et utilise toute la force de l’animal.
Avec le collier moderne, le cheval a la gorge complètement dégagée et peut, en toute liberté, prendre l’attitude la plus favorable à son effort. Cette invention technique d’une extrême importance, s’accompagne d’ailleurs d’une série de perfectionnements, ou d’innovations qui multiplient les effets. L’un de ces perfectionnements concerne le cheval lui-même, c’est la ferrure à clous, systématiquement développée au Moyen Age.
Capable, sur les sols les plus divers, de permettre à la bête de s’agripper, ce dispositif évite l’usure et la blessure des sabots très fréquente chez les chevaux des anciens.
L’attelage en file, qui semble inconnu de l’antiquité, a été inventé ou systématiquement appliqué par le Moyen Age. Connu en Chine au II° siècle PJC, l’attelage moderne semble s’être transmis par l’Asie au VIII° ; son expansion en Europe ne date que des X° et XI° siècles.
En ce qui concerne les routes, que l’Antiquité avait conçues rigides et dallées, c’est à partir du Moyen Age qu’on les conçoit souples et pavées. La voie romaine est recouverte de dalles reliées par du ciment. Le manque d’élasticité de ce revêtement devant les déformations et les intempéries ( pluie, gel ), la réfection très difficile, rendent ce genre de routes peu propices à un trafic intense qui en cause une dégradation rapide. La route romaine s’avère bien moins pratique que la chaussée souple , ou le pavé, susceptibles de réfections et résistant mieux au trafic.
Le génie d’adaptation technique s’est montré très efficace pour le développement et l’extension des transports terrestres : ceux-ci, au point de vue du nombre des véhicules, de leur vitesse, du tonnage transporté, n’auront bientôt, plus aucune commune mesure avec les techniques analogues de l’Antiquité.
Transformations sociales.
L’évolution technique dont l’effet croît avec le temps, va dans le même sens que toutes les causes économiques, religieuses, sociales qui transformeront en hommes libres la majorité des travailleurs.
Le progrès technique sera, à cette époque, un des grands alliés des classes inférieures dans leur effort d’émancipation. Cet effort aurait été moins heureux sans la centralisation urbaine d’une part, et d’autre part sans l’extension des échanges. Ces deux grands progrès, favorisés par la nouvelle technique des transports, caractérisent le mouvement de renaissance commerciale qui ouvre la grande époque médiévale.
La renaissance du commerce.
Le commerce avait été compromis par les invasions des Normands, des Magyards, et surtout des Sarrasins. Mais à partir du XI° siècle la renaissance commerciale prend un développement décisif.
La volonté de défendre la chrétienté et de répandre la foi développe l’expansion économique vers l’Orient et le Nord. Les croisades s’accompagnent d’une formidable effervescence humaine et favorisent des courants entre Orient et Occident ( la Méditerranée est de nouveau ouverte ). Associé au progrès industriel et agricole, le commerce s’épanouit et se donne des techniques d’échanges proportionnées à ses nouveaux besoins : grandes foires, début du commerce international, grandes associations marchandes ( guildes ), extension de la frappe et de la circulation de la monnaie, organisation du crédit, développement de l’économie monétaire au dépens du troc et des échanges en nature.
C’est le prélude du passage de l’économie urbaine à l’économie nationale.
Artisanat et corporations.
C’est le groupement urbain qui donne sa valeur à l’essor des techniques dans la grande période médiévale : autour de la maison de ville où s’unissent les corporations, se pressent les ateliers des artisans et les éventaires du commerce. La supériorité de l’artisanat des villes apparaît aussi bien dans le travail à main que dans le travail mécanique proprement dit. Dans les industries textiles et dans les industries d’art se manifeste l’habileté des ouvriers astreints à une formation minutieuse.
L’enrichissement des travailleurs et des paysans, étendant l’usage du linge de corps, aura entre autres conséquences, l’avantage de faciliter la fabrication du papier et l’extension de l’imprimerie.
Le textile.
Dans les régions les plus évoluées comme la Flandre, c’est l’industrie textile et plus particulièrement l’industrie de la laine qui joue le rôle d’élément moteur.
Dès l’arrivée de la laine à la vente du tissu, se succèdent de nombreuses opérations ; d’abord des travaux préliminaires : ( ce sont des travaux de femmes. L’expression " tomber en quenouille " ) :
– on déroule la toison,
– on procède à un tri,
– on bat la laine, avec des baguettes,
– on la lave et on la graisse ( avec du beurre ou du saindoux, l’emploi de l’huile est généralement prohibé ),
– on procède au peignage et au cardage.
Pour le peignage seul utilisé jusque 1250 l’ouvrière utilise deux peignes de fer chauffés au feu ; le cardage qui apparaît vers 1250 va plus vite, mais risque de casser le fil.
La laine est filée à la quenouille ou au rouet ; le fil étant fabriqué, commencent les opérations nécessaires au tissage, la première est l’ourdissage .Le fil de chaîne est enroulé sur des bobines. Il est ensuite monté sur le métier ; le tisserand se met alors au travail.
Le tissu fabriqué doit passer au foulon soit au pied soit mécanique. ( apparu près de Grenoble vers 1040, pratiqué à Rouen en 1080 ).Puis il va à la teinturerie. Le produit fabriqué ne peut ^être mis en vente qu’après un contrôle méticuleux opéré par les jurés. ( Est-il toujours bien effectué ? )
Le travail est lent ; il faut compter près d’un mois pour la fabrication d’une pièce de drap ; il requiert une abondante main – . d’oeuvre.
Mais la grande conquête est celle des forces motrices, utilisation systématique du vent et de la houille blanche.
III – La conquête des forces motrices : les moulins.
Le moulin à eau.
C’est l’héritage d’une très longue série d’efforts. La préhistoire avait connu, après le concassage des grains à la pierre brute, l’usage du mortier avec son pilon, ou le rouleau de pierre allant et venant sur un support allongé. Deux ou trois siècles avant l’ère chrétienne apparut la meule tournante mue par l’homme, le cheval ou l’âne.
L’idée d’associer l’action d’une roue mue par la rivière à la rotation uniforme de la meule est née peu après et nous savons que des moulins à eau fonctionnaient au dernier siècle avant l’ère chrétienne dans l’Orient méditerranéen.
Invention des anciens,le moulin à eau est devenu une institution technique nouvelle par l’extension que lui a donné le Moyen Age, extension qui a commencé à être souhaitable vers la fin de l’empire romain, à cause de la dépopulation et de la diminution de lamain d’oeuvre servile.
(Voir moulin de Vitruve ingénieur de J. César ).
Le moulin à vent.
Le moulin à vent est apparu vers le XII° siècle. Il pose un problème mécanique original : la nécessité de présenter toujours les ailes au vent obligeait à rendre toute la structure de l’appareil ou tout au moins une partie importante, mobile sur un pivot, de façon à pouvoir l’orienter aisément par rotation. Les plus anciens et les plus petits moulins tournaient tout entiers autour d’un pivot central fixé au sol de façon plus ou moins permanente.
D’une façon générale, le moulin à vent constituait un mécanisme plus complexe que le moulin hydraulique de puissance équivalente ; aussi son développement a été plus tardif.
Les mines et la métallurgie.
En même temps que se développent les moulins, que se généralisent l’utilisation de l’énergie animale et celle de l’énergie hydraulique, la métallurgie se perfectionne, ainsi que le travail des mines.
Bien que la houille commence à être connue et utilisée, le combustible végétal, ainsi que le charbon de bois , sont à la base du traitement du minerai. Celui ci, sous forme d’oxyde, réduit dans des fours de faible capacité par le charbon de bois, donne directement du fer et de l’acier ; le procédé est encore imparfait, beaucoup de fer passe à l’état de scories.
Les fourneaux sont encore faibles, et le travail se fait encore à la main, mais les petites forges se multiplient, partout où se trouvent réunis le bois, le minerai et les chutes d’eau. Les forges du haut Moyen Age sont qualifiées de " forges à bras " car ce sont des installations provisoires que l’on peut transporter d’un endroit à un autre. A mesure que l’on avance dans le Moyen Age, les établissements deviennent plus importants et plus stables.
Il est possible de comprendre le système utilisé : on jette dans le fourneau minerai et charbon de bois par couches alternées, selon des proportions déterminées ; la chaleur des cendres chaudes enflamme le charbon. On met en action des soufflets ; dans le courant d’air le gaz carbonique dégagé, au contact du charbon, se transforme en oxyde de carbone qui prend au minerai de fer son oxygène.
Les parcelles de fer réduites, descendent peu à peu, vers le bas du fourneau , où sous l’effet de la chaleur, elles s’agglutinent en une loupe poreuse.
Celle-ci portée sous les "martinets" est martelée pour éliminer les scories. Tandis que le haut fourneau moderne donne de la fonte, le fourneau médiéval fournit directement du fer : ferrum coctum et expugnatum.
Mais le procédé présente deux inconvénients : une partie du minerai n’est pas réduit, de plus la qualité du produit est variable.
Il faut une main d’oeuvre importante : bûcherons, charbonniers, mineurs, broyeurs ou concasseurs, manoeuvres, muletiers, forgerons et manoeuvres. ( ces deux dernières catégories étant plus sédentaires ).
En France le Dauphiné était un des principaux producteurs, notamment dans la vallée d’Allevard. Certaines régions acquièrent une grande réputation par le fini de leurs travaux de laiton ( CU + Zn ), de cuivre, de fer forgé. Toute la variété des métiers d’art, les émaux, la verrerie, associés à l’architecture, à la peinture religieuse, à l’enluminure, caractérisent la maîtrise de l’ouvrier médiéval dont la valeur, dépassant le plan de la technique pure, acquiert un pouvoir d’évocation spirituelle et d’élévation religieuse.
’âge d’or de la chrétienté.
La plus brillante période du Moyen Age qui commence avec le XII° siècle, constitue une véritable renaissance matérielle et spirituelle. La vie artistique et religieuse anticipe même à bien des égards sur le progrès technique ; celui-ci n’a pas encore atteint son apogée, mais sa réaction générale se fait sentir sur toute la civilisation contemporaine et sur la base même de cette civilisation : la production agricole.
La charrue à soc de fer est tirée par de puissants attelages, on cultive des légumes d’Orient, des fruits de la région méditerranéenne, on acclimate des plantes textiles. Froissart écrit :" La France est devenue le plus beau royaume du monde après celui du ciel ". Nous sommes vers les années 1350, juste avant les ravages de la peste noire. La France compte 20 à 22 millions d’habitants, soit 38 à 41 au km2, presque le chiffre atteint au milieu du XVIII° siècle.
IV – La préparation des temps modernes.
Capitalisme et machinisme.
Les crises politiques, les invasions, les épidémies ont fait dans la population européenne des ravages effroyables. Mais, la population en se raréfiant a accéléré la développement du machinisme.
La fin du Moyen Age , qui prépare l’Europe moderne, témoigne aussi des premières interventions du capitalisme dans l’effort de production industrielle. Cette évolution s’accompagne de très grands progrès techniques, spécialement en ce qui concerne les transports maritimes. Les instruments de navigation : astrolabe, arbalestrille, quarts de cercle, ont été utilisés à partir de cette époque ou du moins généralisés.
La boussole.
Dans le domaine de la navigation au long cours, les expéditions transocéaniques des Vikings dans le haut Moyen Age, avaient constitué une extraordinaire anticipation. Constructeurs de bateaux aux coques solides, les " drakkars " marchaient à la voile et à l’aviron ; ces gens là avaient, vers l’an 1 000, cinq siècles avant Colomb, réalisé la traversée de l’Atlantique.
Leurs exploits ne furent renouvelés qu’après la découverte du gouvernail axial et de la boussole. Celle-ci, transmise par la Chine, ou réinventée vers le XII° siècle, était d’abord une aiguille aimantée, enfilée sur une paille et flottant sur de l’eau dans un bol. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’on a imaginé de la monter sur un pivot et de la fixer à une rose de vents.
Le gouvernail axial.
Le gouvernail d’étambot ( partie retroussée de la quille ) c’est à dire une pièce de bois plane, tournant sur ses gonds, associée à une " barre " qui sert à l’orienter, commence au XII° siècle, à se substituer à l’aviron de flanc ou de queue.
Les techniques de la mer.
Les progrès concernant la cartographie et l’art de déterminer la position du navire en mer, se sont épanouis avec les Portugais au XV° siècle ; mais c’est l’impulsion donnée aux voyages en mer par les Croisades et les pèlerinages en terre sainte qui a fait rentrer les techniques de la mer dans les moeurs de l’occident.
Les premières cartes marines étaient des schémas grossiers d’une partie de littoral. Au XI° siècle on a utilisé des mappemondes de grandes dimensions pour déterminer les positions. Longtemps les cartes marines ont supposé plane la surface à laquelle elles se rapportaient ; l’erreur était négligeable tant que la surface était peu étendue. Le progrès a consisté à obtenir une projection plane suffisamment exacte et utilisable. Les géographes arabes et au XV° les Portugais sont arrivés à ce résultat de façon empirique. Ce n’est qu’au XVI° que ce problème a été résolu par l’invention du géographe flamand Kremer dit Mercator.
ransports terrestres.
Les transports terrestres font à partir du XII° siècle des progrès sensibles, mais limités par le manque d’entretien des routes et des ponts. Il faut rappeler l’invention ou la réinvention de la brouette. L’utilisation de l’avant train mobile permet d’emprunter des routes sinueuses, alors que les romains qui l’ignoraient devaient construire des routes rectilignes.
Hydraulique et mécanique.
A la même époque on creuse et on balise le lit des rivières. En Lombardie on invente les premiers sas à écluses et l’on creuse entre la Baltique et l’Elbe le premier canal de navigation maritime.
Depuis la seconde moitié du XII° l’énergie des cours d’eau est appliquée à toutes les opérations consistant à piétiner, à écraser, à fouler. Cette adaptation du mouvement circulaire au soulèvement d’un maillet que la pesanteur fait retomber, joue un rôle important dans une série de métiers : foulage des draps, préparation du tan et du bois d’ouvrage, fabrication du papier. Les moulins hydrauliques seront à l’origine d’une grande famille de machines industrielles ( pilons ).
La métallurgie et ses dérivés.
La découverte de la fonte est liée au perfectionnement du four. Dès le début du XIII° la force hydraulique est appliquée aux souffleries ce qui permet d’obtenir une température plus élevée et plus régulière. La carburation, plus active, a donné la fonte ( alliage chargé en CU ), qui coule au bas du four et qui est susceptible de founir des pièces moulées. Le four que l’on surélève à 3 m devient le " four soufflé ", puis le " haut fourneau " ( 5 m ).
Citons le prodigieux essor d’industries dérivées, telles l’armurerie, la serrurerie, la ferronnerie et surtout l’horlogerie et l’imprimerie.
L’horloge.
Dans l’histoire des instruments de mesure du temps ouverte par l’ombre du gnomon ( instrument se composant d’un style faisant ombre sur une surface plane et horizontale, et destiné à indiquer, d’après la longueur de l’ombre du style, la hauteur du soleil ou de la lune au-dessus de l’horizon et son orientation, c’est à dire l’heure. ) et suivie par toutes les variétés de cadrans solaires, l’horloge à poids représente le grand progrès mécanique longtemps concurrencé par l’horloge hydraulique des anciens. Substituant au courant d’eau la force de pesanteur, elle prépare l’usage des appareils fondés sur la détente progressive d’un ressort, c’est à dire des montres perfectionnées au XVII° et au XVIII° siècle.
L’imprimerie.
Les Chinois sont en avance de 1 000 ans sur les occidentaux. Ce sont eux qui ont pensé à se servir d’encre et de gravures sur bois pour reproduire l’écriture. Depuis la préhistoire ( le paléolithique supérieur ) les hommes ont cherché à reproduire systématiquement des empreintes de mains sur les parois des cavernes, à imprimer sur des vêtements d’écorce, ou sur des poteries.
L’apport technique de l’Occident , qui développera aussi la gravure sur bois, consiste surtout dans la fabrication de caractères métalliques mobiles Citons aussi l’invention du papier et de l’encre à base d’huile et l’utilisation de la presse.
Inventions médiévales.
La laque, la soie, la longue-vue, la poudre à canon sont des techniques transmises par la Chine aux Occidentaux. qui n’ont fait que perfectionner cette dernière découverte. Sous certaines formes la Chine connaissait les grenades à main, les gaz délétères, la torpille, le tank, les vaisseaux cuirassés, les sous-marins, les aéronefs.
Le Moyen Age est l’inventeur d’une foule de mécanismes ou de procédés, tels le rouet, ( XIII° ), les lunettes ou les bésicles( XII°)
Du Moyen Age datent une amélioration et une forte utilisation de la chandelle et du cierge de cire ( XI° – absence de fumée ).Citons encore le verre à vitre, transparent après l’invention du vitrail ( XII° ? ).
V – Valeur technique du Moyen Age.
Qu’il s’agisse d’inventions véritables ou d’ingénieuses adaptations, les conquêtes techniques du Moyen Age se distinguent de celles de l’Antiquité par deux traits bien remarquables.
– Augmenter le rendement des forces utilisées afin d’épargner le travail humain,
– Correspondre aux besoins de la société et à ses lois de développement.
Ces deux caractères donnent une idée de cette immense force de rénovation. Au servage du travail romain succède la convergence des efforts produits par de grandes collectivités d’hommes libres à peine dégrossis.
La technique du Moyen Age a constitué les larges assises de la civilisation Occidentale. Ses efforts patients, ses adaptations, ont fourni les bases au développement industriel et agricole du monde moderne. qui plonge toujours ses racines dans le monde médiéval.
SOURCES
Temps d’équilibres, temps de ruptures. Monique Bourin-
Deruau. Seuil.
Vie de la population en France du Moyen Age à nos jours. T 1 Denoël.
Histoire des techniques. Pierre Ducassé. PUF.
La France Médiévale. Jean Favier. Fayard.
Histoire de la civilisation française.. Georges Duby. Armand
Colin.
LA MUSIQUE DU HAUT MOYEN – AGE.
**********
De la chute de l’Empire Romain d’Occident
au temps des Troubadours.
Le chant Grégorien.
Au VIe siècle Grégoire 1er fait constituer un recueil de chants " l’Antiphonaire romain ", destiné à la pratique musicale dans les églises d’Occident.
Il s’agit d’unifier la pratique de la liturgie en luttant contre les influences régionales ( gaulois, italiens, arabes …) et païennes.
Le chant grégorien est monodique : le choeur d’hommes chante à l’unisson un air assez simple, facile à mémoriser.
Charlemagne.
Apogée du chant grégorien qui est un élément d’unité culturelle, religieuse et politique. Il exigea que dans les abbayes soient enseignés " les psaumes, les notes, le chant, le comput* et la grammaire."
* détermination de la date de Pâques.
IXe et Xe siècles.
Evolution du chant grégorien vers la polyphonie.
* ornementation de la mélodie ( vocalises )
* apparition d’une deuxième voix, puis 3ème et 4ème.
La notation.
Devenue nécessaire pour faciliter la diffusion du chant grégorien.
* au début elle ne permet pas d’apprendre un chant, mais aide à s’en souvenir.
Les neumes dérivent de :
– l’accent aigu ( ) : le chant " monte ".
– l’accent grave ( ) : le chant " baisse ".
Puis cette notation devient plus précise.
Les lignes.
– 1, puis 2, 3, 4, pour fixer avec précision les hauteurs des notes.
* Il n’existe pas de notation rythmique précise avant le XIVème siècle.
Les instruments.
* Instruments populaires connus depuis l’Antiquité : flûtes en roseau…
* Disparition des instruments sophistiqués ( recul des outils et des techniques ).
* Influences arabes ( à partir des Craoisades ).
* Influences celtes ( Norvège = l’archet ).
* Aux XIIe et XIIIe siècles : renouveau. ( voir fiche en annexe : Les instruments de musique au temps des troubadours. ).