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Le monument aux morts – Site de Sommières et Son Histoire

Au lendemain de la première guerre mondiale qui fit plusieurs millions de victimes, chaque ville et village se devait de rendre hommage à ses enfants tombés sur le champ de bataille.

Lors de la séance du 22 juin 1919, le Conseil Municipal de Sommières, décide donc la formation d’un Comité pour l’érection d’un monument à ses soldats tués à la guerre.

Le 4 mars 1920, le président du Conseil d’Administration de l’Hôpital 142 bis pour blessés militaires, établi au Collège de la Taillade depuis 1915, donne lecture d’une délibération qui offre à la mairie sa collaboration morale et financière et alloue une somme de 11 860 F dont il dispose utilisée comme suit :

 10 000F pour l’érection du monument,

 le surplus actuel plus les intérêts de la somme totale seront répartis le jour de l’inauguration entre tous les orphelins de guerre de la commune.

Au cours de cette même séance il est décidé que les deux assemblées (Conseil Municipal et Hôpital) n’en constitueraient qu’une seule ayant pour but « le culte de la mémoire ».

Le bureau est ainsi formé :

 Président : Mr Thérond, maire,

 Vice-Présidents : Mr Bascou, curé,

Mr Souzède, pasteur,

 Trésorier : Mr Ravoire,

 Trésoriers Adjoints : Mr Barbut,

Mr Pascal,

 Secrétaire : Mr Traynard,

 Secrétaire Adjoint : Mr l’abbé Renouard,

 Commissaires : MM Lauret, Lauzet, Favas.

Une souscription publique est ouverte pour recueillir les fonds nécessaires auxquels il faudra ajouter une aide de l’Etat, à charge au Comité de prendre les dispositions utiles pour l’obtenir.

Un important courrier conservé dans les Archives Communales, témoigne de la solidarité de tous. Il provient de simples particuliers, parfois d’outre mer, d’associations, d’organismes amis qui tous apportent leur obole.

D’autre part un concours est lancé auprès des architectes, sculpteurs, entrepreneurs, afin d’obtenir des projets et des devis.

Trois prix récompenseront les meilleurs ou jugés tels :

 1er prix : exécution du monument,

 2ème prix : une somme de 300F,

 3ème prix : une somme de 200F.

Ils sont nombreux à répondre. Certains qui ont déjà tout prévu envoient leur catalogue photographique et leurs tarifs.

D’autres demandent des cartes postales afin « d’intégrer leur oeuvre dans le site ».

Les derniers n’hésitent pas à ajouter un petit mot à l’adresse du secrétaire : « Sur les commandes qui nous parviendraient par votre intermédiaire, nous vous réserverions une commission payable en espèces ».

Les « pots de vin » ne datent pas d’aujourd’hui.

A l’occasion de cette mise au concours, chaque postulant reçoit une circulaire lui indiquant le montant approximatif de la somme à ne pas dépasser, soit 32 000F, fondations comprises. Il devra dessiner un plan en élévation et une perspective à l’échelle 1/10ème.

Date de clôture du concours : le 28 février 1921.

C’est Mr Tondelier Paul, 37 quai du Canal Nord à Beaucaire qui obtient le premier prix et donc le marché.

Il avait auparavant exécuté les monuments de St Côme et de Clarensac.

Le Comité doit maintenant trouver l’emplacement pour le monument. Plusieurs sites sont évoqués : l’Esplanade, le Jeu de Ballon, la place de la Bascule, le jardin Bessière. On fait valoir avantages et inconvénients : l’Esplanade est un site agréable ; le Jeu de Ballon est hors de portée des inondations, mais on perdrait les droits de place les jours de marché et de plus c’est l’endroit réservé au jeu de ballon.

Aprés la mise au vote, l’emplacement de la bascule est retenu par 20 voix pour, 6 contre et 2 abstentions.

Les accords intervenus entre Mr Tondelier sculpteur et le Comité du monument aux Morts sont les suivants :

 Le monument sera placé sur un tertre de 0,50 m,

 Les deux marches seront en pierre de Pompignan,

 Le socle en pierre de Beaucaire,

 La partie sculpturale en pierre de Lens,

 Les armoiries de la ville seront sur la corniche.

 Le monument doit avoir une hauteur de 6,50m du niveau du sol jusqu’au sommet.

 Les planches pour l’entourage devant garantir les travaux seront fournies par Mr Tondelier et payées par moitié par la commune de Sommières. Elles deviendront sa propriété après l’inauguration.

 Le prix est fixé à 32 000F.

Le sculpteur réalise une maquette grandeur nature en argile et convoque le Comité dans ses ateliers afin de vérifier le sujet dans son ensemble.

La proximité de la voûte du fuyant du moulin de la Grave pose quelques problèmes, vu le poids du monument : 30t.

Les fouilles sont confiées à un entrepreneur local Mr Salem.

Le sculpteur modifie certains éléments. Ainsi le socle prévu en pierre de Beaucaire est réalisé en pierre des Estailles à soixante kilomètres de Beaucaire, d’où cinquante francs de coût supplémentaire au m3 pour le transport.

Les marches d’escalier sont en pierre de Ruoms ; Pompignan ne peut livrer dans les délais.

Et ainsi, la note prévue au départ, 32 000F, s’élèvera à 37 855,50F, Mr Tondelier réclamant une rallonge de 6 000F pour terminer son oeuvre.

Une polémique va naître sur les procédés du sculpteur. A-t-il agi ainsi à St Côme et Clarensac ? On s’adresse aux maires de ces deux communes.

Après bien des épisodes assez comiques, l’inauguration du Monument aux Morts est annoncée pour le 2 juillet 1922 à 16 heures.

Programme.

 Le Réveil Sommiérois (garde à vous),

 Discours de Mr le Vice-Président,

 Le Réveil Sommiérois (au drapeau),

 Musique de Saussines (la Marseillaise),

 Discours de Mr le Maire,

 Lecture des Morts pour la France,

 Ode à la victoire. Mme Marie Pascal Cazalis,

 Discours de Mr le Président des Mutilés,

 Choeur « Aux Morts pour la Patrie » (enfants des écoles),

 Discours de Mr le Pasteur Souzède,

 Discours de Mr le Conseiller Général,

 Musique de Boisseron,

 Discours de Mr le Député Joly,

 Discours du Sénateur Domergue,

 Discours du Secrétaire Général de la Préfecture,

 Choeur des Girondins (enfants des écoles),

 Réveil Sommiérois.

Le poème « La Victoire » écrit et déclamé par Mme Pascal Cazalis sera couronné par la Société Archéologique Scientifique et Littéraire de Béziers. Il est extrait du livre « Ecrit dans l’Ombre », Sommières 1918-1933 :

La Victoire

Elle sourit enfin aux combattants du Droit,

Dont les yeux éblouis regardent avec foi,

Dans un ciel empourpré, se dresser la Victoire !

O soldats, ô guerriers, c’est à ne pas y croire !

Ses ailes faisant l’arc sont le dais glorieux

Sous lequel passeront les hommes valeureux,

Ses bras sont surchargés de branches et de palmes

Qu’elle laisse tomber, sur leurs pas, lourds et calmes.

Elle marche en avant des troupes en renom,

Et sa force indomptée arrête le canon.

Son regard lumineux découvre tout l’espace,

En un rite sacré son geste plein d’audace

Fait surgir à nos yeux les pays reconquis ;

Sur l’Alsace debout plane un frisson exquis !

C’est le souffle vainqueur qui traverse la France,

Strasbourg, Metz et Colmar, voici la délivrance !

Dans le cri frémissant des peuples libérés,

La Victoire a mêlé ses hymnes préférés.

Sa grande voix s’étend jusqu’aux confins du monde,

Le Rhin qui vient à nous roule plus fort son onde,

L’ennemi terrassé mesure avec effroi

L’écroulement total du rêve de son roi,

L’humanité sauvée acclame la lumière,

Et les femmes en pleurs achèvent leur prière.

Venez, tous les soldats, venez vous apaiser,

La Victoire, aujourd’hui, vous donne son baiser.

Vous avez mérité l’heure d’apothéose,

Sur chacun de vos fronts, sa lèvre en feu se pose

Pour vous dire « merci » d’avoir voulu mourir,

D’avoir beaucoup souffert pour la reconquérir.

La traîne de sa robe a bravé la mitraille,

Ainsi que les drapeaux, elle a vu la bataille,

Dans le sang des martyrs, elle a rougi ses pieds ;

Sur sa tête, pourtant, sont restés les lauriers !

Peuples ! pour l’escorter servez-vous du délire,

De l’histoire écrivez une page à relire ;

Et vous aussi, debout, debout, ô tous les Morts !

Pour vivre l’Epopée animez-vous encore !

Vous, qui fûtes fauchés aux jours des hécatombes,

En ce jour triomphant, quittez un peu vos tombes.

Dans l’air impondéré, montez en unisson,

Vous avez une part de la riche moisson !

Et le long défilé suit la route guerrière,

Les troupes ont repris toute leur foi première,

La race délivrée en sa noble fierté

De la Mère-Patrie attend la Liberté !

L’épouse du pharmacien de la Grand-Rue, vêtue d’une immense toge à la grecque, le front ceint d’un bandeau déclame ses vers et les accompagne de gestes larges à la grande joie des élèves des écoles Publiques et du Pensionnat que l’on a regroupés en une seule chorale (une fois n’est pas coutume) sous la baguette de l’abbé Vernet curé de Villevieille, une sommité en matière musicale.

Les jeunes filles choristes protestantes et catholiques réunies pour la circonstance sont dirigées par Melle Gallie.

Le Comité a invité les Maires du canton, les Conseillers d’Arrondissement, le Conseiller Général, le Député, le Préfet, toutes les autorités civiles, militaires et religieuses, la population qui vient en masse.

Le cortège s’est formé à l’Esplanade.

Face au monument, réservée aux invités, on a dressé une estrade ; mais afin de réduire les frais, elle est faite de planches posées sur demi-muids.

Les musiques de Boisseron et de Saussines ont bien voulu participer gracieusement à la fête.

Une place a quand même été prévue pour les familles de ceux dont le monument se propose de rappeler le souvenir ; mais, seuls seront admis le père, la mère, les enfants et la veuve.

Se pose alors un autre grave problème : à l’issue de la cérémonie, faut-il réunir les autorités et les invités et leur offrir une coupe de champagne ?

Après une longue discussion, la Commission décide à l’unanimité qu’étant donné le caractère commémoratif, il n’y a pas lieu de le faire.

Mais tout le monde n’est pas satisfait. Ainsi, Mr Rousset a-t-il écrit au Comité car il estime que « la mémoire des enfants de Sommières morts à la guerre sera outragée par le caractère joyeux et politique de la cérémonie en faisant appel aux diverses sociétés musicales, ainsi qu’en invitant les élus politiques ». Il ne s’associera pas à la cérémonie qui « aura plutôt l’air d’un festival » ; membre du Comité, il donne sa démission.

Le secrétaire, Mr Traynard, a donné la sienne depuis longtemps, car « son opinion sur le sujet choisi est telle qu’il ne saurait rester parmi ceux qui vont entrer en relation suivie et active avec l’auteur de cette lamentable banalité ».

Malgré les grincheux, la fête fut grandiose et réussie.

Quelques cartes postales traitent du sujet « Monument aux Morts » assez courant pour l’époque. C’est un thème de collection très vaste qui a ses amateurs.

 une carte verticale éditions Grimaud, phototypie Bardou (animée),

 une carte verticale éditions Grimaud, phototypie Bardou (vue du monument).

Elles ont été éditées au lendemain de l’inauguration.

 une carte horizontale éditions Grimaud (vue du monument,

 une carte bleutée n° 2426 phototypie Pons (des années 1934 environ).

 une carte photo de 1933 montre le monument vu de derrière et la place envahie par les eaux.

 il existe une photographie de la place et du pont bascule avant le monument.

La ville de Sommières, comme bien d’autres, a payé un lourd tribut à cette première guerre mondiale : quatre-vingt-un noms sont gravés dans la pierre.

A la suite de la seconde guerre mondiale, une plaque de calcaire a été posée au sommet du petit escalier, face à la rue ; on y a inscrit dix-neuf noms de victimes militaires mais aussi civiles.

Un nom a été ajouté à la fin de la guerre d’Algérie.

La face arrière du monument est vierge de toute inscription ; souhaitons qu’elle le reste longtemps.

Sources

Archives Communales (liasse non répertoriée).