Après l’attaque du 10 mai 1940 et la défaite qui a suivi, le Maréchal Pétain, prend le 16 juin, le poste de Président du Conseil. Face à cet effondrement, De Gaulle décide de partir à Londres pour continuer la guerre. L’appel qu’il lance le 18 juin de Londres est entendu par très peu de personnes ; effectivement ce général est assez peu connu et il a face à lui le vainqueur de la grande guerre. Lors de la signature de l’armistice, le 22 juin, beaucoup de français font confiance au Maréchal.
La collaboration entre le gouvernement de Vichy et les allemands s’intensifiant, quelques signes de résistance se font sentir. De Gaulle quant à lui a réussi à rallier à sa cause des territoires d’Outre-mer.
La France est depuis le 22 juin divisée en deux parties, le Nord étant sous domination allemande et le Sud dirigé par le gouvernement de Vichy. Cette division géographique va avoir une influence importante sur les divers mouvements de résistances qui se développent en France. Au Nord, la résistance est plus clandestine et par là même plus belliqueuse. Dans le Sud, les allemands étant moins présents, l’opposition est plus ouverte et la résistance est beaucoup plus politisée. Tout ceci va s’estomper à partir de novembre 1942 car les allemands envahissant la totalité de la France, la résistance entre en masse dans la clandestinité.
Nous avons étudié la résistance dans le Sud plus spécifiquement ; elle va se structurer rapidement notamment le mouvement de H. Frenay “Combat” possède sa branche armée “L’Armée Secréte”, celui d’Etienne D’Astier de la Vigerie “Libération” s’organise, de même que celui de C. Tillon “Le Front National” dont les combattants, pour l’essentiel communistes, se nomment : les Francs Tireurs Partisans.
Tous ces mouvements ayant le même but à la base, c’est à dire la libération de la France vont s’unir en janvier 1943 au sein des MUR (Mouvements Unis de la Résistance). Le gouvernement provisoire de Charles De Gaulle quant à lui s’attache à unifier la résistance pour mieux la gérer. Ceci se fait par l’envoi de Jean Moulin, par la création de structures comme les DMR (Délégués Militaires Régionaux), … et aussi en 1944 les Forces Françaises Intérieures.
Cet intérêt extérieur pour l’organisation de la résistance intérieure va modifier les rapports entre les divers mouvements.
Nous allons à travers l’exemple de l’histoire du maquis Aigoual-Cévennes tenter de saisir ces difficultés qui ne vont cesser de croître à l’approche de la libération. En fait, le Gard qui nous intéresse en particulier est en majorité FTP, ceci venant du fait que nous vivons dans une région riche en bassins houillers. Devant l’échéance de la libération, les maquis ont parfois vu quintupler leurs effectifs, mais en plus de cela, les antagonismes politiques, jusque là enfouis plus ou moins vont se raviver.
Nous allons voir dans ce qui va suivre l’histoire du maquis Aigoual-Cévennes et ses problèmes dus à son respect total des ordres de De Gaulle. Ceci est un exemple qui illustre les difficultés diverses que la résistance a pu rencontrer.
LES ORIGINES DU MAQUIS “AIGOUAL – CEVENNES”
Quel est l’origine du maquis “Aigoual-Cévennes” ? Pour répondre, il nous faut voir diverses choses. Tout d’abord la situation du Gard par rapport aux événements nationaux et plus particulièrement les premiers signes de résistance à Nîmes, ensuite parler du maquis de Lasalle et pour finir de celui d’Ardaillès “La Soureilhade”.
A. Des pouponnières à Aire de Côte
1. La situation dans le Gard et la résistance à Nîmes
a) Le Gard face à l’armistice
Entre juin 1940 et novembre 1942, la zone sud est dirigée par le gouvernement de Vichy. Après la signature de l’Armistice, le Gard est déstabilisé, un seul parlementaire a voté contre Pétain le 10 juillet, il se nomme Georges Bruguier, il est sénateur socialiste.
Vichy s’attache dans la région à remplacer le plus rapidement possible les maires et conseillers municipaux, mais dans le Gard qui comprend trois cent cinquante cinq communes en 1941, et plus particulièrement dans les cantons cévenols, certaines mairies restent en place jusqu’en 1943 parfois même jusqu’à la libération . Il faut noter que le Gard a une forte population syndiquée, ceci étant dû aux bassins houillers notamment Alès et La Grand Combe. C’est pourquoi, les premiers opposants se recrutent dans ces milieux et aussi les milieux laïques. Malgré cela ente 1940 et 1942, il y a une majorité de personnes qui font confiance au Maréchal. Nous en trouverons la preuve d’une part dans le nombre important d’hommes engagés dans “La Légion des Anciens Combattants”, et d’autre part lors de la venue du Maréchal à Nîmes le 17 février 1941 : la population de Nîmes est unanime pour l’accueillir. Ceci nous est d’ailleurs confirmé par le témoignage de M. Jean Guiraud qui fut choqué par ce phénomène. Malgré tout, le mécontentement dans les populations va croître pour diverses raisons.
Il se trouve que le Gard est un département pour l’essentiel agricole et il y a quasiment une monoculture viticole. Les conditions climatiques associées à la pénurie due à l’occupation, font que la faim se fait vite ressentir. Cette quasi-famine va être exploitée par les résistants pour rallier à leur cause le plus de gens possible.
Nous pouvons donc dire que le Gard est touché très tôt, mais ce département a, de par sa population et son histoire, un terrain favorable à l’insoumission. Les Cévennes sont les plus propices d’ailleurs à accueillir les mécontents car l’histoire des Camisards est chère à chacun des Cévenols, et leurs descendants vont mettre à profit cet héritage pour aider les résistants.
b) La naissance de la résistance à Nîmes
Entre 1940-1941 la résistance est encore embryonnaire, et il est intéressant de voir comment René Rascalon, futur chef du Maquis de Lasalle et ensuite de “l’Aigoual-Cévennes”, a réussi à canaliser les mécontents pour les réunir.
A Nîmes, René Rascalon qui est plombier-zingueur, refuse la soumission à Vichy, comme d’ailleurs quelques autres. Très vite les hommes de même idéologie se reconnaissent et se réunissent. La première réunion à eu lieu au quartier de l’Eau Bouillie, route d’Alès à Nîmes chez M. René Rascalon. Ce groupe est constitué de sept personnes : M. René Rascalon, M. Sodi et son fils, M. Gilbert Thérond, M. Marceau Thérond, M. Marcel Rouquette et M. André Alzas. Leurs buts sont de démoraliser l’adversaire et de rallier un maximum de gens à leur cause. Pour ces derniers, ils rencontrent deux difficultés, d’une part les gens ont encore une grande confiance en Pétain, d’autre part même s’ils ne sont pas Vichystes, ils craignent pour leur travail et leur famille et donc ne s’engagent pas.
En 1941, le 18 août, Rascalon rencontre M. Marcel Bonnafoux qui travaille dans le bâtiment. Ce dernier travaille dans un secteur où le contact est facile. Cette rencontre va faciliter l’organisation du noyau résistant. D’ailleurs, dès le 19 août de nouveaux membres arrivent : M. Salle et M. Massié. C’est ce jour-là que les hommes adoptent leur nom de code, pour Rascalon ce sera Alais mais il sera le plus souvent appelé Rascalon ; pour M. Bonnafoux ce sera Marceau, nom par lequel il sera toujours appelé.
Entre 1941 et 1942, ce groupe s’organise et commence à distribuer des tracts et faire de la propagande contre Vichy. Il s’est divisé en sous-groupes nommés trentaine et sizaine, chaque groupe ayant son chef. Au niveau de la répartition des tâches et des ordres cela facilite la transmission.
Nous pouvons noter que jusque-là la résistance se borne à harceler l’ennemi, mais à partir du 11 novembre 1942, son champ d’action va s’étendre.
Pour cet anniversaire historique, le Général De Gaulle appelle tous les résistants à défiler devant les monuments aux morts, ceci en réponse à l’interdiction des Allemands et de Vichy pour toute manifestation nationale de Patriotisme.
A Nîmes, les résistants sont bien décidés à suivre le Général. Le 11 novembre 1942 au matin, des hommes défilent et cinq sont autour du monument avec des gerbes de fleurs. Mais en réalité, en fin de matinée, il s’avère qu’en plus des résistants, c’est quasiment toute la population de Nîmes qui va défiler, et elle pousse l’audace plus loin puisque elle chante “La Marseillaise”. Le défilé d’ailleurs se prolonge dans la soirée. Il y a donc une montée de l’opposition face à Vichy.
2. L’invasion Allemande et le STO : les premiers pas du maquis
a) Le Sud connaît à son tour l’occupation
L’opposition grandissante va s’accompagner de l’invasion des allemands dans la zone sud, ceci se fait le 11 novembre 1942 en réponse au débarquement allié sur les côtes d’Afrique du Nord le 8 novembre 1942. En fait, dès le 12 novembre, les allemands sont à Nîmes. Ces allemands viennent en général du front Est, ils sont au repos. Ils représentent à peu près toutes les armées et appartiennent à la XIXème armée du Général Wiese dont le PC (Poste de Contrôle) est à Villeuneuve et en Avignon. Elle couvre tout le Midi d’Hendaye à Menton et possède alors une division blindée : la XIème PZD située entre Toulouse-Albi-Castres .
Dès lors le mouvement patriotique est freiné, il faut que les opposants se cachent car déjà la collaboration entre Vichy et allemands s’organise pour lutter contre eux et la délation fait fureur. Rascalon note “toute action de force ouverte devient presque impossible” .
Cette occupation oblige la résistance à s’organiser différemment. M. Albet Thomas dit Pascal est le chef de l’A.S. (Armée Secrète) gardoise et de la résistance ; il est chargé par Londres de faire savoir aux résistants que leur priorité doit être la récolte de renseignements sur l’ennemi. En parallèle se développe la campagne des “V” : première lettre de victoire. Les hommes espèrent en apposant ce sigle partout où cela leur est possible, démoraliser quelque peu l’occupant. Cette période voit la naissance de nombreuses liaisons avec l’Espagne ou l’Afrique pour permettre aux exclus d’aller s’y réfugier. D’ailleurs, à l’Eau Bouillie, le mazet de Rascalon est un lieu de passage dans ces filières.
En réalité, c’est l’occupation allemande qui accélère le processus amorcé par les opposants au régime ; mais il faut attendre l’année 1943 pour qu’elle se mette en place.
b) Le STO ou la mise en route du mouvement résistant
Fin 1942, le front russe demande à l’Allemagne une quantité d’hommes, tous les jours plus importante. Ceci a pour conséquence directe une pénurie de main d’oeuvre dans les usines allemandes. Sauckel, Ministre du Travail allemand, décide alors de légaliser la ponction d’hommes dans les territoires occupés. Cette solution n’est pas satisfaisante, en France elle est accompagnée pourtant d’une propagande énorme. Par la suite les allemands demandent l’envoi d’une main d’oeuvre spécialisée. Les requis civils sont sollicités mais déjà le refus est grand et les requis préfèrent entrer dans la clandestinité.
Face à ces échecs, Sauckel décide le 16 février 1943, d’imposer la loi STO (Service du Travail Obligatoire). Ce sont des classes d’âges entières qui sont censées aller en Allemagne.
A Nîmes comme dans une grande partie de la France, les jeunes refusent ce départ, dès lors la résistance les accueille et se charge de les camoufler. Les hommes sont appelés les “réfractaires”. Rascalon décide alors de démissionner de son poste de chef de trentaine, pour créer un refuge qui deviendra plus tard un maquis. A. Thomas le soutient dans cette initiative. Marceau quant à lui a dix jeunes à sa charge et en cache deux au sanatorium du Grau du Roi où grâce au Docteur Bastide, ils ont obtenu de fausses cartes d’identité et sont sensés travailler pour lui.
Il faut noter qu’au niveau gardois, le STO suscite de vives résistances et beaucoup de jeunes échappent aux autorités. Ceci malgré un contrôle renforcé. Sur six cent soixante et un réfractaires signalés au 1er juillet 1943, la gendarmerie et les commissariats de police du Gard effectuent quatre mille quatre cent huit contrôles d’identité du 1er au 15 juillet 1943 et seulement seize jeunes sont retrouvés .
Rascalon réalise qu’il faut trouver une “Planque” pour les jeunes car en fait entre le 20 février et le 24, les jeunes, même ceux des chantiers de jeunesse, doivent passer une visite pour ensuite partir en Allemagne. Rascalon installe les réfractaires au Mas Rouquette à Nîmes. La patronne du mas se charge de ravitailler les hommes en échange de tickets alimentaires. A Thomas soutient cette idée et Rascalon devient responsable de ce maquis.
Le 1er mars 1943, le premier maquis gardois est constitué au Mas Rouquette. Il comprend quatre personnes : Eugène Masneuf, Fernand Bompard, André Deleuze et André Bousquet. Ce nombre est raisonnable mais très vite il augmente dangereusement d’ailleurs nous pouvons constater dans les témoignages et les récits, l’omniprésence de ce problème de surnombre. Effectivement cette croissance des réfractaires entraîne un manque de place certain, des problèmes de ravitaillement et surtout un manque de discrétion total, la proximité des villes ne faisant qu’aggraver ce problème.
A Thomas, chef de la résistance gardoise, décide de déplacer ce maquis et les divers réfractaires, dans les Cévennes où ils seront à l’abri et l’espace sera moins limité. Pour ce faire, il envoie un intermédiaire, M. Guigon qui doit trouver l’emplacement futur.
3. La tragédie d’Aire de Côte, le maquis grandi
a) Le maquis d’Aire de Côte
Nous avons vu les divers problèmes dus à l’augmentation des réfractaires, nous allons étudier maintenant l’histoire du premier maquis réellement organisé : celui d’Aire de Côte.
Aire de Côte est situé dans les Cévennes entre le Mont Aigoual et Saint André de Valborgne. C’est une route forestière située à 1330 m d’altitude. A cet emplacement se trouve une maison forestière avec un garde et plus loin un baraque. Le lieu avant même d’être choisi pour accueillir le maquis avait connu une tentative avortée de maquis. Effectivement, un groupe d’hommes avait été hébergé là. Très vite les gens censés s’occuper d’eux les avaient oubliés et la mésentente entre les hommes ne cessait de croître. C’est pourquoi, cet embryon de maquis s’était disloqué.
Dans ses mémoires, Rascalon nous donne le compte rendu de cette histoire à travers le témoignage de deux hommes ayant vécu à Aire : M. Henri Aguillera et M. Jean Delacourt. Les hommes ses sont réfugiés à Saumane, chez le restaurateur. En fait, cette mésaventure était due à deux causes : d’une part, les responsables du maquis venaient à Aire pour festoyer alors que les hommes mangeaient des topinambours, d’autre part, certains de ces hommes étaient des repris de Justice comme Paulus un belge dont nous parlerons plus loin.
Nous pouvons constater qu’avant de monter à Aire de Côte, Rascalon réussit avec l’aide de Jean Castan à rencontrer le maire de Saumane M. Borgne et à placer son maquis dans une ferme au dessus de Saumane, prêtée par le maire. Cette ferme “le Barrel” est à sept km de Saumane, dans la montagne, il faut marcher pour y accéder. Le maire du village, M. Borgne se charge du ravitaillement. Quant au pain, il est fourni par le boulanger de l’Estréchure en échange d’argent et de tickets justificatifs des ventes. Pour l’accès au “Barrel” les hommes du maire déposent la nourriture en un point fixe et les maquisards viennent la chercher. Nous sentons déjà une organisation assez stricte.
Le 5 avril “le Barrel” est installé par Jean Castan et ses hommes, les loisirs pour tuer le temps sont répartis entre les jeux, la couture, l’entretien … Les hommes dorment sur des paillasses mais pour le moment ils vivent assez bien leur transfert, n’étant pas privés de nourriture et ayant créé des amitiés fortes. Très vite le nombre de maquisards se gonfle. En fait, tous les samedi, M. Gleize, transporteur, amène à Saumane deux ou trois hommes pour qu’ils rejoignent “le Barrel”. A Thomas, satisfait de l’organisation du Barrel, donne à messieurs Borgne et Rascalon 5.000 F pour subvenir à leurs besoins.
Parallèlement à cela, la résistance nationale se structure et les organismes de directions au niveau régional se renforcent. A Thomas étant chef du département, décide de faire déplacer le maquis qui se trouve au “Barrel” à Aire de Côte, lieu qui lui paraît moins accessible et plus vaste. Rascalon n’est pas vraiment favorable à cela d’autant plus que pour couvrir les activités du maquis à Aire, Thomas fait signer un faux contrat à M. Ravis, exploitant forestier, dans lequel il embauche des hommes pour la coupe. Pour A. Thomas, ceci est un moyen de couvrir à la fois les réfractaires et M. Ravis. Rascalon lui ne voit pas ce contrat sous le même angle, il note dans ses mémoires : “Je ne veux à aucun prix que ces jeunes travaillent du moment que les français qui parlent à la BBC à Londres nous encouragent à faire de la résistance et conseillent aux jeunes de prendre le maquis, nous devions recevoir de l’argent pour cela. Nous ne voulons pas couper du bois pour qu’il puisse servir aux boches” .
En réalité, par cet exemple, nous pouvons déjà sentir les difficultés de coordination entre les structures officielles et les chefs historiques des maquis.
Malgré les réticences de Rascalon, le maquis est transféré à Aire, car “le Barrel” est connu dans toute la région et la police connaît elle aussi son existence.
b) Aire de Côte : l’attaque
Le transfert des maquisards à Aire s’est effectué sans problèmes, ils ont même été acclamés par la population de Saumane. Sur place, c’est M. Castan qui prend la direction du camp. Rascalon quant à lui, recherché sur Nîmes, s’est réfugié à Saumane.
Dans son témoignage, M. Castan nous a expliqué l’organisation du maquis. Il se trouve que “le Bidil” (nom du bâtiment) est conjoint à un autre qui sert de garde-manger. Les hommes malgré tout souffrent d’un manque de nourriture important, c’est pourquoi Jean Castan décide d’aller lui-même se ravitailler avec ses hommes. Le premier coup de main du maquis a lieu à Villemagne dans un chantier de jeunesse dont les réserves en nourriture et vêtements ne sont pas négligeables.
Malgré tout, l’ennui croissant, les jeunes pensent aux problèmes quotidiens de la faim, du froid, du manque de confort. Tout ceci pèse lourdement sur l’ambiance. Chaque jour de nouveaux jeunes arrivent de tous horizons. Le 22 juin 1943, Rascalon accepte même d’accueillir vingt-deux maquisards de Saint Ambroix, ce qui porte le nombre des réfractaires à cent trois dont soixante-dix sont dispersés dans les fermes alentours. M. Jean Guiraud que nous avons rencontré était dans ce cas là.
L’arrivée journalière de nouveaux maquisards pose des problèmes d’organisation. De plus, ses hommes ne sont pas tous filtrés, ce qui a pour conséquence un amoindrissement de la sécurité du maquis.
A la fin 1943, au mois de juin, malgré les coups de mains répétés sur les mairies pour les tickets de ravitaillement, où dans les villages les conditions de vie sont de plus en plus dures, les hommes s’ennuient profondément, ce qui pousse certains à partir. Fin juin 1943, ils ne sont plus que quatre-vingts contre cent trois en mai. En parallèle, nous voyons dans la correspondance du préfet régional de Marseille et de celui du Gard, un désir de créer des équipes renforcées pour trouver les réfractaires . Les rapports de police mettent eux aussi en exergue ce désir de répression. L’appareil policier se mobilise pour poursuivre les opposants au régime.
Il se trouve que dans le Gard et plus particulièrement dans la Cévenne (cela se confirme plus tard), la police répugne à ce genre d’actions répressives et met de la mauvaise volonté dans leur exécution.
A Aire de Côte, cette mentalité se confirme car M. Castan entretient de bonnes relations avec certaines gendarmeries, notamment celle du Vigan qui l’a assuré de le prévenir en cas d’attaque 24 heures à l’avance. En fait, dans les Cévennes, seule la gendarmerie du Pompidou collaborera vraiment avec l’ennemi.
Lors de l’attaque du maquis par les allemands, ces derniers avaient compris la complicité entre les gendarmeries et les résistants, c’est pourquoi leur attaque fut une surprise pour tous.
Le 1er juillet 1943, le maquis d’Aire de Côte subit un assaut allemand. C’est un maquisard qui a amené les allemands au “Bidil”. Cet homme est Paulus, Victor Charles, un belge, qui avait déjà appartenu au maquis avorté dont nous avons parlé précédemment. Ce belge était un repris de justice et il était très mal vu par les maquisards car il allait se ravitailler seul et entretenait des relations avec des gens hors du maquis. C’est pourquoi, il était parti du “Bidil” où d’ailleurs des hommes soupçonneux avaient décidé de l’exécuter. La pitié de ses bourreaux l’a sauvé, mais ceci ne l’a pas empêché de se venger sur ces hommes qu’il détestait. Paulus s’est lui même livré à la kommendatur et il a conduit les allemands à Aire de Côte.
Le 1er juillet 1943, les allemands sont à Saumane à 16 heures. Ils sont venus arrêter M. Borgne et ses amis, afin de les empêcher de prévenir le maquis (dès 14 heures, ils avaient été prévenus de l’attaque à Aire mais ils n’avaient pas eu le temps d’y accéder).
Au maquis, le 1er juillet est le jour du transfert ; le maquis doit partir car il est connu dans la région. Ce transfert ne peut s’effectuer comme prévu car il pleut beaucoup.
Il ressort des entretiens que nous avons eus et des ouvrages que nous avons lus, que les hommes devant partir, leur méfiance est moins importante que d’habitude, puis la complicité avec les gendarmes les réconforte.
C’est sans encombre que les allemands atteignent “le Bidil” à 21 heures, ils ont bloqué tous les gens censés donner l’alerte. C’est à cette heure là que les maquisards ont décidé de sortir pour partir. La surprise est totale et le choc est important. Les témoins font tous ressortir cette panique et cet affolement des hommes. Après l’attaque, les allemands regroupent leurs prisonniers et ces derniers se rendent compte que l’ennemi est totalement ivre.
La situation est des plus dangereuses car non seulement les allemands sont très supérieurs au niveau armement ; effectivement les maquisards sont très peu armés et attendent tous les jours un arrivage qui ne vient pas, mais en plus de cela, l’ennemi étant ivre, il n’y a plus de limite quant à ses excès.
c) Un lourd bilan mais une expérience constructive
Le bilan de cette attaque est de trois morts sur place, quinze blessés, quarante trois prisonniers qui seront déportés en Allemagne avec le maire de Saumane et deux autres civils. Au niveau des chiffres, il nous faut noter la différence qu’il y a selon les sources, d’ailleurs ce problème se retrouvera à chaque fois qu’il sera question de chiffres car selon les personnes qui écrivent, les intérêts sont différents, et, suivant ces derniers, l’histoire quantitative est quelque peu modifiée.
Après cette attaque, le maquis est dispersé, chacun doit s’organiser. M. Guiraud Jean qui était dans une ferme, nous a expliqué que face à la chute du maquis, il a décidé de retourner à Lasalle où un maquis avait été constitué.
Rascalon et sa femme s’attachent à réunir les rescapés. Ils vont retrouver M. Castan et M. Bompard aux Plantiers. Il faudra près d’un mois pour reconstituer un embryon de maquis car les allemands sont omniprésents.
Cette expérience du 1er juillet est très constructive pour le maquis. En fait, c’est la première attaque allemande directe sur des réfractaires, et les hommes vont en retirer les leçons qui s’imposent. Au niveau des populations, le but des allemands était de démoraliser l’adversaire et les gens qui les soutiennent mais cela a eu un effet inverse.
En effet, après Aire de Côte, nous constatons dans toutes les sources, une volonté de combattre encore plus forte, la vengeance les motive. Quant aux populations cévenoles, qui sont dès le départ plus favorables aux résistants, à partir de cette date, elles vont les soutenir et les aider dans la mesure du possible bien sûr.
Une phrase de Rascalon qui résume bien l’état d’esprit des hommes en ce mois de juillet 1943, peut conclure cette partie : “C’est à cet instant que me revient à la mémoire, la phrase du Général de Gaulle : Nous avons perdu la bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre. Il faut lutter” .
B. Le maquis de Lasalle
Après l’attaque du maquis le 1er juillet 1943, les résistants sont dispersés et il faut reconstruire quelque chose pour accueillir ces hommes. Il faut mettre l’accent maintenant sur le Maquis de Lasalle. Sa naissance, son organisation et son évolution à travers les combats qu’il a dû mener.
1. Le rassemblement du Maquis de Lasalle
Il nous faut noter tout d’abord, qu’après l’expérience d’Aire de Côte, les maquisards, mais surtout leurs chefs sont traumatisés. Cela a pour conséquence un ralentissement dans le recrutement des réfractaires.
a) La reconstruction
Cette réaction des chefs ne va pas dans le sens des faits car c’est une période où les réfractaires affluent. Effectivement, la recherche de ces derniers continue et surtout, l’Allemagne commence à perdre son image de grand vainqueur. L’U.R.S.S. la tient en échec et la puissance alliée augmente sans cesse. Cette conjoncture pousse ceux qui étaient encore tièdes dans la résistance. Il est évident que la lassitude face à l’occupant et les exactions de ce dernier influencent directement l’évolution de la situation intérieure.
Nous sentons donc qu’un sérieux problème se pose aux dirigeants des maquis. Au niveau régional, la résistance s’organise. En juillet 1943, Rascalon est convoqué à une réunion à Montpellier. C’est alors qu’il rencontre les chefs régionaux Chauliac dit Chabert ou Rolland, chef de l’AS (Armée Secrète) pour dix départements et ses deux adjoints Parellet dit Villar et le Commandant Richard dit Bonnafoux. C’est au cours de cette réunion que Rascalon est nommé chef départemental des maquis pour le Gard.
Nous voyons donc une structuration de la résistance, qui se divise en multiples services, de façon à pouvoir gérer dans la mesure du possible, l’arrivée massive de jeunes hommes pleins d’ambitions. Lors de cette réunion, Villar assure à Rascalon l’arrivée dans son maquis d’un lieutenant militaire et d’armes. Ceci est absolument nécessaire car, comme nous avons pu le constater à Aire de Côte, les hommes n’ont aucune formation militaire ; ils n’ont que très peu d’armes, qui sont anciennes en général et en plus ils n’ont pas de connaissances suffisantes pour établir une stratégie militaire.
C’est dans ce contexte, que Rascalon, dont le maquis est disloqué, cherche à recréer ce qui a été détruit le 1er juillet 1943. Le temps presse car les jeunes sont nombreux et en plus les allemands et les autorités Vichystes cherchent tous les jours à supprimer les oppositions. Dans cette situation, le principal problème pour Rascalon est de trouver un lieu propice à installer un maquis. Il se trouve qu’à Lasalle entre Anduze et Saint Jean du Gard, un maquis est créé depuis avril 1943. Le village est situé sur les contreforts des Cévennes, donc les montagnes qui l’entourent sont favorables à la clandestinité.
b) Le rassemblement avec le maquis de Lasalle
Ayant appris l’existence de ce maquis, Rascalon décide d’en rencontrer les dirigeants. Ce maquis est constitué de très peu d’hommes et ses chefs sont Guy Arnaud tout d’abord, qui est boulanger à Lasalle et ensuite Robert Francisque qui est un personnage particulier. Cet homme, pour renseigner la résistance, s’est engagé dans la milice au côté de M. Roumegoux, chef de la milice gardoise, vivant à Anduze. Robert Francisque est né à Saïgon, c’est pourquoi il est appelé par les résistants Robert le Noir. Il travaille à Mallerargue, un château propriété de M. Meyrues.
Dans son témoignage , M. Guiraud nous a dit avoir préféré aller à Aire de Côte début 1943, plutôt que dans le maquis de Lasalle car il avait un doute sur la personne de Robert le Noir, vu sa place dans la milice. Bien sûr, lorsqu’il a rejoint le maquis ses doutes se sont envolés.
Rascalon se rend donc à Lasalle comme nous l’avons dit précédemment. Il y rencontre les chefs avec qui l’entente est immédiate, surtout avec Guy Arnaud, car Robert le Noir est beaucoup plus méfiant. Rascalon doit accélérer ses recherches pour installer ses hommes car M. Ravis (garde forestier) et M. Gleize (transporteur) ont été arrêtés par les autorités, et ce sont deux civils qui avaient étroitement collaboré avec le maquis. Le 6 août, la fusion se fait sans problème. Les maquisards sont transférés au Col du Mercou où ils rencontrent les hommes de Lasalle. C’est à cette date, que Rascalon est officiellement recherché par les autorités.
Les organisateurs tirent les leçons des erreurs faites à Aire de Côte. Rascalon est nommé chef du maquis baptisé “le Maquis de Lasalle”. Guy Arnaud et Robert Francisque sont ses adjoints . Au niveau de la sécurité les chefs organisent des points de replis en cas d’attaque, et aussi une liaison constante entre les divers groupements qui ne logent pas toujours au même endroit. Une équipe d’agents de liaison est formée, son principal travail est de passer dans chaque groupe et de recueillir des renseignements. Le gros du maquis se déplace tous les vingt, vingt cinq jours, ceci lui permet d’éviter que la police le repère et permet aux maquisards de s’occuper les mains et l’esprit car, l’immobilisme auquel ils sont soumis pèse lourdement sur leur santé morale et physique. D’ailleurs, cette remarque est commune à toutes les sources et témoignages que nous avons pu consulter.
c) L’organisation pour survivre
En ce qui concerne le ravitaillement, beaucoup de commerçants les aident mais, comme à Aire de Côte, il faut des feuillets semestriels afin d’obtenir des cartes de pain, de matières grasses… Ce système permet de vérifier les ventes des commerçants et de les limiter, c’est pourquoi, malgré leur générosité, ils exigent en échange ces cartes.
Pour ce faire, les chefs vont s’adresser à diverses communes voisines où non qui leur sont favorables et qui vont leur procurer dans la mesure du possible des cartes de façon régulière. M. Benoit , nous a expliqué que la mairie de Sommières en était une.
Nous pouvons constater que ce maquis est un de ceux qui est le plus structuré et le mieux organisé de la région. D’ailleurs, M. Castan , nous a confirmé cela ; en fait, le maquis a bénéficié de son expérience et les chefs ont essayé dans la mesure du possible de régler tous les problèmes d’installation et de survie. Le problème de l’habillement reste lui posé car dans les montagnes, les vêtements et les chaussures s’usent vite. Le premier coup de main du maquis sera pour cela. Les hommes vont attaquer un dépôt de tissus, sur la route de Saint Jean du Gard, tissu qui sera transformé en tenues par le tailleur de Lasalle et quelques bonnes volontés féminines. Cette attaque s’est faite avec un minimum de risques car la méfiance est de rigueur et les hommes ne sont pas prêts à s’affronter à de grosses usines.
Dans l’hiver malgré tout, sachant que le directeur de l’usine de textile de Saint Jean du Gard leur est favorable, les hommes l’attaquent et récupèrent des bleus. Cette usine d’ailleurs sera attaquée à plusieurs reprises car le directeur prévient les chefs en cas de grosse commande des allemands pour qu’ils en bénéficient. Malgré cette entente, les maquisards sont obligés de simuler une attaque de l’usine car M. Paulhan, le patron, ne doit pas être soupçonné par les allemands. Cet exemple nous donne à voir un des moyens de ravitaillement du maquis ; il est clair que sans aide extérieure, les maquis ne pourraient survivre. C’est en novembre 1943, que Marcel Bonnafoux, appelé Marceau, et Christian Cayet sont chargés par Villar de s’occuper du ravitaillement du maquis dans la région aux alentours de Lasalle. Villar nous l’avons dit précédemment est un adjoint de Chauliac et il est à cette date chef de la R3 (Région 3) qui englobe , l’Aude, l’Aveyron, le Gard, l’Hérault, la Lozère et les Pyrénées Orientales. Ceci est un découpage effectué au niveau national dans le cadre d’une meilleure surveillance de la résistance intérieure et une meilleure communication.
Après une étude des maquis dans la région qui leur était confiée, Marceau et Cayet réalisent qu’il n’y a que le maquis de Lasalle comme maquis important c’est pourquoi, ils décident avec l’accord de Villar d’installer leur centre de stockage du ravitaillement dans ce maquis, Rascalon est d’ailleurs chargé de la répartition des vivres et du matériel entre les divers groupes résistants. Ce qui fut le cas pour les coups de mains dans l’usine Paulhan ; une fois ses hommes servis, Rascalon distribue des vêtements à Montaigne et Mistral capitaine FTPF.
Le maquis de Lasalle est un des mieux organisés, nous avons pu le constater en comparant divers ouvrages à ce sujet. A la fin de l’année 1943, pour parfaire sa structure, le maquis accueille un Docteur, Maurice de Courelle, et en parallèle se lie avec des pharmaciens, ce qui permet de doter le maquis d’une pharmacie nécessaire.
2. L’école des cadres du maquis et la maturation des hommes
Vu son organisation, le maquis peut alors améliorer sa structure intérieure et élargir son champ d’action.
a) L’idée de l’école
Le maquis de Lasalle est en contact régulier avec les chefs régionaux, ce qui lui permet de bénéficier d’une grande attention. Pour illustrer notre propos, nous allons étudier l’exemple de l’Ecole des Cadres créée à la fin de l’année 1943.
En fait, les maquisards manquent toujours cruellement d’armes et de formation. Le problème qui se pose est celui des chefs. Effectivement, le maquis se divise en groupes qui lors des attaques futures seront amenés à être séparés. Rascalon et ses deux adjoints s’occupent de l’organisation générale mais ne pouvant pas assumer toutes les fonctions, surtout celles qui sont militaires car ils n’ont pas eux non plus de formation. La nécessité de créer des sous-chefs se fait présente. C’est pourquoi, l’idée d’une école des cadres se fait jour.
Villar, sans qui rien ne se décide est favorable à ce projet. La direction régionale fournit aux hommes du maquis deux instructeurs militaires qui sont chargés des chefs parmi les plus aptes évidemment.
Cette école s’établit au Château de Mallerargue, près de Lasalle. Le patron de ce domaine est M. Meyrues qui est aussi l’employeur de Robert Francisque et grand patriote. Robert Francisque et Jean le Serbe sont désignés pour aider les deux instructeurs. Vingt hommes parmi ceux de Lasalle sont envoyés à cette école où ils vont suivre les cours des instructeurs.
En réalité, l’organisation de cette école est très stricte car ses progrès doivent être rapide, vu les risques qu’une concentration d’hommes telle en un lieu fixe, peut entraîner.
b) Les hommes et l’école
Le programme de l’instruction est complet : culture physique, mouvements rampants, guerre de guérillas, attaques et contre attaques, maniement d’armes, instruction théorique et encore diverses choses nécessaires pour diriger des hommes dans une guerre qui ne se réfère pas toujours aux règles traditionnelles. La clandestinité, la géographie et le manque d’armes sont les principales causes qui font que la résistance mène un combat qui lui est propre.
Il suffit de trois semaines pour qu’un premier groupe d’hommes soit reçu à l’examen qui sanctionne la sortie de cette école et vérifie les aptitudes de ces futurs chefs. Pour servir l’instruction, les hommes bénéficient de deux fusils mitrailleurs qui sont vieux, mais, qui en attendant l’apport d’armes, promis déjà depuis quelques mois, permettent l’apprentissage. Il faut noter que ces fusils mitrailleurs ont été trouvés par les maquisards dans le Canal de Palavas.
Cette première promotion reçue à l’examen va se donner le nom de “Promotion des Camisards”. Elle comprend cinq hommes dont M. Guiraud . Cette fin de cession est marquée par une fête où les hommes font le salut aux couleurs, défilent, chantent et bénéficient de façon exceptionnelle d’un bon repas. La seconde promotion est, elle, organisée à Soudorgues, toujours près de Lasalle, mais le changement de lieu est nécessaire pour la sécurité. Cette promotion sélectionnera à nouveau cinq hommes, et ce sera la dernière.
Effectivement, après la visite des chefs et la réussite de cette expérience, les deux instructeurs nommés Maurice et Jean-Pierre sont envoyés dans un autre maquis, celui de la “Soureilhade” .
Nous constatons à travers notre étude, que cette école à apporté énormément aux maquisards. Dans son témoignage M. Guiraud nous a confirmé cela. Pour les hommes, ce fut tout d’abord une reconnaissance au niveau régional de leur importance dans la structure du maquis, puisque c’est celui de Lasalle qui a bénéficié de l’expérience. Ensuite, cette formation leur a donné une connaissance, limitée, c’est sûr, des faits militaires et de ce fait, une plus grande confiance en eux. Pour finir ce bilan, cette école de cadres a permis aux chefs du maquis de concentrer leurs efforts sur des choses différentes car les hommes sortis de cette promotion sont capables de s’occuper des jeunes et de les diriger.
Nous avons constaté d’ailleurs, qu’après cette période, le maquis se risque à des actions de plus grande envergure, notamment une activité de plus en plus importante du corps franc. Ce groupe dirigé par Marceau et comprenant aussi M. Castan a pour mission de repérer les commerces ou lieux de ravitaillement possible pour le maquis et ensuite, en s’aidant si nécessaire des hommes du maquis, ce groupe se doit d’aller chercher des vivres et le matériel .
c) Quelles sont les relations du maquis avec les autorités françaises et l’état d’esprit des hommes ?
En réalité, dès la fin de l’année 1943, les maquisards agissent de façon beaucoup plus ouverte et avec plus d’assurance. Pour illustrer ce que nous venons de dire, nous allons prendre trois exemples, extraits du livre de M. Rascalon et des témoignages de MM. Guiraud et Castan . Le maquis se dévoilant de plus en plus, il est connu aux alentours. Un dénommé Malzac de l’Estréchure a établi une liste de vingt et un noms de maquisards, qu’il se propose de donner aux allemands. L’ayant appris, les hommes du maquis décident après enquête, de condamner cet homme à mort et de l’exécuter eux mêmes. Sanction qui sera effectivement appliquée et qui sera réitérée pour les époux Danière, miliciens notoires voulant donner des noms au milicien chef d’Anduze. Ces exécutions se font chez les personnes condamnées. Pour le premier cas, la liste des vingt et un noms a été donnée avant l’exécution.
Dans leurs actions, les hommes du maquis n’hésitent plus, ils se sont dotés de leur justice qu’ils appliquent eux mêmes. Pour dernier exemple, nous pouvons citer l’arrestation de Robert Francisque par la police de Marseille. Les policiers veulent arrêter les assassins des époux Danière et de Malzac, ils réussissent à faire prisonnier Robert Francisque, qu’ils amènent avec eux pour l’interroger. Grâce à l’aide des gendarmes qui ont donné aux maquisards, le lieu de passage précis du convoi et l’heure, les hommes montent une expédition pour délivrer leur ami. Ceci sera une totale réussite.
Les résistants s’affirment, structurent leur monde et peuvent de plus en plus faire confiance aux populations qui les entourent.
Durant la période qui s’étend de décembre 1943 à février 1944, le maquis connaît de nombreuses fausses alertes qui l’obligent à se déplacer et parfois même à se disperser pour retourner finalement à Lasalle chaque fois.
Nous allons en citer une. En janvier 1944, Rascalon reçoit un message l’informant que les miliciens doivent venir à Lasalle. Ce dernier se décide alors de faire venir Montaigne, chef d’un groupe de résistants, pour l’aider à boucler Lasalle et empêcher les miliciens d’entrer. En fait, les miliciens ayant été prévenus, ne se présentent pas. Les hommes sont alors tellement fiers de leur victoire et sont sûrs de leur dispositif de défense du village, qu’ils décident, tout au moins les chefs, de défiler dans Lasalle. Selon Rascalon, ce défilé qui se déroule le 30 janvier est une réussite , la population Lasalloise participe elle aussi à cette manifestation. En réalité, cet acte sera fortement reproché au chef du maquis et aux hommes à la libération, et, même après. Cette critique est claire chez M. Bourderon . Il considère cet acte comme dangereux car pour lui il y a un manque de sécurité certain. Il précise d’ailleurs, que sur ce point les FTPF sont beaucoup plus conscients des dangers. Ceci appuie ce qu’il avait déjà dit auparavant , à propos du maquis de Lasalle. Ce maquis fut à son avis attentiste et imprudent. Pour lui, seul le corps-franc fut efficace. “… Composé d’une dizaine d’hommes, au demeurant remarquablement commandés par un ensemblier décorateur de Nîmes, Marcel Bonnafoux”. Nous aurons l’occasion de parler à nouveau de cette comparaison faite entre Marceau et Rascalon.
L’opinion de M. Bourderon est contestée par les membres du maquis que nous avons interrogés. Ils refusent l’attentisme dont parle M. Bourderon, par contre, ils reconnaissent, notamment M. Guiraud que le défilé du 30 janvier 1944 était dangereux et que, dans ce cas, uniquement les hommes ont manqué de rigueur.
A travers les différentes attaques auxquelles à du faire face le maquis, nous pouvons voir son passage de la théorie à la pratique.
3. De l’attaque de la Police de Marseille à la Bataille de Cornély, l’apprentissage du maquis
Du mois de février 1944 au mois de juin 1944, le maquis va être soumis à des attaques diverses dont la plus importante est celle du Château de Cornély.
a) Les maquisards et la police de Marseille
Le 17 février 1944, Rascalon reçoit un message codé lui signifiant une attaque du maquis par la police mobile de Marseille. A cette date, le maquis se trouve à la “Maillerie”, sur la route de Colognac. Prévenus, les jeunes ont déménagé les lieux.
Malgré les précautions prises, les policiers fouillant les demeures des chefs, réussissent à faire prisonniers Marceau Thérond, le neveu de Rascalon et un autre jeune. Ces deux jeunes hommes ne sont pas réfractaires, mais ils sont malgré tout frappés et avouent le lieu de résidence des maquisards.
En réalité, les policiers sont venus arrêter les assassins des époux Danière, mais, finalement, ils ne réussiront à prendre que les vivres, le tabac et l’essence stockés dans la “Maillerie”. Les deux prisonniers quant à eux, furent relâchés, un dans la même journée et le neveu de Rascalon, amené à Nîmes, un mois après. Toute cette affaire, qui fut un échec total pour les policiers, favorise la prise de confiance des maquisards.
Dans son récit , Rascalon met en exergue ce sentiment de fierté qu’éprouvent ses hommes. De plus, les jeunes reçoivent à cette époque, des chaussures et des tenues du premier régiment de France, donc, ils ont le sentiment d’appartenir à un mouvement important.
b) Février, le mois noir de la résistance gardoise
Le mois de février 1944 est en fait un mois sombre pour la région du Gard car, c’est à cette date, que les Waffen SS décident d’éliminer les maquis et d’arrêter “les terroristes”. Une vaste opération de ratissage est organisée. Les Waffen SS font partie de la Panzer Division Hohenstauffen du général Brittich . Le but de ces hommes est double, d’une part effrayer les populations qui collaborent massivement avec les résistants, et, d’autre part, éliminer tous les hommes qui s’opposent au régime et à l’occupant.
Cette vaste opération allemande va se réaliser avec violence et d’ailleurs, le résultat peut se résumer en deux mots : massacre et incendies.
Le maquis de Lasalle est attaqué le 28 février. Les allemands s’attaquent aux habitants du village qu’ils essayent d’effrayer pour obtenir des renseignements. Ils prennent quarante otages dont quatre polonais . Ensuite, les allemands décident d’aller sur les lieux où est passé le maquis notamment “Les fosses”. Pour les guider, ils prennent un jeune homme du village nommé Soulier. N’ayant pas trouvé ce qu’ils cherchaient, les allemands tuent leur guide. En parallèle de cela, les allemands attaquent aussi des maquisards appartenant au maquis de Bir Hakeim à Saint Hippolyte du Fort.
Le bilan de cette journée est lourd car il y a la mort du jeune Soulier, la pendaison de M. Broussous au pont, à l’entrée de Saint Hippolyte du Fort ; d’ailleurs les occupants obligent les passants à regarder ce spectacle. Nous pouvons dire que le plus important reste la pendaison le 2 mars 1944 à Nîmes de quinze hommes pris en otages entre le 28 et le 29 février . Ces hommes furent pendus à trois endroits différents, notamment aux portes de la ville, leur gibet étant des platanes. Le but de cet acte est de choquer les populations mais l’effet sera inverse, car les gens encore hésitants vont soutenir de leur mieux l’action de la résistance.
Ces expériences diverses qui ont touché les maquis gardois vont influer sur l’évolution de la résistance. Barot, commandant et chef du maquis de Bir Hakeim, qui fut controversé quant à sa ligne de conduite, vient au printemps 1944 à Lasalle en compagnie d’autres chefs dont Mistral chef FTPF.
Barot veut unifier sous ses ordres tous les maquis, ceci pour leur garantir une meilleure sécurité. Rascalon précise : que lui et ses adjoints refusent malgré des menaces car, Barot ne peut pas prouver ce qu’il avance, c’est à dire que cette idée vient des chefs nationaux à Paris. En réalité, c’est à cette période, que le maquis de Lasalle affirme sa ligne de conduite face aux autorités de la résistance. Pour ses maquisards, il est clair qu’ils suivront jusqu’à la libération, les directives de Londres et du Général de Gaulle seules, ceci au risque même de se marginaliser par rapport aux autres mouvements.
Dans l’ouvrage de M. Bourderon , nous avons pu lire : “… s’était développé dans l’A.S. un certain particularisme qui poussait quelques uns de ses militants à se défier des autres branches, qualifiées un peu dédaigneusement de Politiques, à négliger l’autorité de la direction régionale des M.U.R., à travailler dans leur propre domaine géographique en se disant dépendre de Londres ou d’Alger : tendance manifeste notamment chez un plombier de Nîmes, René Rascalon”.
Nous constaterons dans cette citation, que cette ligne de conduite adoptée par les dirigeants du maquis fut critiquée. Malgré cela, Rascalon a toujours défendu son opinion. Effectivement, en mai 1944, une réunion du CFL (Comité Français de Libération) se réunit au Col du Mercou, tous les dirigeants des maquis régionaux sont présents. Signoret CFL conseille aux chefs de s’unir ou du moins d’augmenter leurs liaisons.
Dans son ouvrage, Rascalon reconnaît la nécessité d’une collaboration mais, il confirme son opinion qui sera celle plus tard, du maquis “Aigoual-Cévennes” .”Nous sommes des français qui voulons bien nous sacrifier pour que vive la France, mais la politique ne nous intéresse pas pour l’instant … Après la guerre, nous rejoindrons nos partis respectifs, si nous le voulons”. Il est donc clair, pour lui, qu’une fusion avec des FTPF qui s’affirment communistes est impossible.
Les attaques allemandes que nous avons étudiées précédemment ne vont pas être les dernières. Après quelques mois de calme qui permettent aux hommes de prendre du repos, les maquis vont être attaqués à nouveau, et ceci, avec encore plus de virulence et de régularité. Pour le maquis de Lasalle, les dernières attaques vont avoir une importance cruciale, car elles vont amener les dirigeants à vouloir s’unir et se fortifier, ce qui débouchera sur la fusion du 12 juillet 1944, dont nous parlerons dans le chapitre suivant.
c) Les dernières attaques contre le maquis
Le 10 mai 1944, les chefs sont en réunion et les hommes du maquis sont dispersés, seul Robert Francisque est au Château de Mallerargue. Dans ce cas précis, les allemands qui veulent attaquer font passer l’un des leurs pour un réfugié américain qui veut voir les chefs car il a des messages. Très vite, les autres maquisards alertés, comprennent le piège mais Francisque lui est tué au Château et, la propriété est brûlée. Entre le 10 et le 11 mai, les allemands se rendent dans les différents lieux de passage du maquis notamment “La grande Borie” où cantonnent quelques hommes et aux “Horts” où est stockée la dépense du maquis, qu’ils vont piller d’ailleurs en tuant en même temps Maître Hébrard, propriétaire.
Une autre attaque assez rapprochée à lieu le 23 mai 1944. Cette fois, ce sont les miliciens et les GMR qui, renseignés se rendent aux Fosses où le maquis a résidé. En fait, les hommes prévenus à l’avance sont partis pour Loudernet et, Rascalon et Guy Arnaud connaissant tous les détails de l’attaque, décident de ridiculiser ces hommes. L’effet escompté est réussi, toute la population étant au courant, ne cache pas sa joie.
Ces exemples sont significatifs de la volonté de l’occupant. En juin 1944, les alliés débarquent le 6 et Londres appelle les gendarmes à rallier les maquis. Lasalle reçoit les brigades d’Anduze, Lasalle, Lédignan, Saint Hippolyte du Fort et Sumène . Pour les accueillir, le maquis se déplace au Château de Cornély, près de Lasalle. Les gendarmes, dirigés par l’adjudant-chef Masson, sont repartis dans divers groupes qui composent le maquis.
Les hommes couchent dans des tentes autour du Château, le PC des chefs et le corps franc sont installés dans un chalet. Sur le plan de l’armement, il manque sévèrement de matériel. M. Castan , nous a dit être aller chercher des armes dans d’autres maquis. Malgré tout, un dispositif militaire est installé autour du Château. Ils placent des mines et possèdent deux mitrailleuses, des fusils sten et des munitions.
Le 16 juin, le Château est attaqué par les allemands. L’alerte est donnée à 16 heures 10, mais, les ennemis tirent déjà. Les hommes ne sont pas en place et en plus, Marceau et Guy Arnaud sont partis . Les maquisards manquent d’armes lourdes pour défendre un poste avancé comme Cornély. La mitrailleuse a réussi à perturber les allemands mais elle s’enraye, malgré tout ces problèmes, les hommes se battent et à 18 heures 30, les allemands sont obligés de demander du renfort à Alès, car ils ont un bon nombre d’hommes hors de combat.
Rascalon se voit obligé d’ordonner le repli car les deux mitrailleuses ne fonctionnent plus. Marceau, quant à lui, décide avec son groupe, de se poster sur la route de Thoiras, afin d’arrêter les renforts. Ce plan est une réussite car, les miliciens venus en aide des allemands sont arrêtés. L’ennemi, quant à lui, n’ayant pu atteindre les maquisards, met le feu au Château.
Nous pouvons constater que, malgré leur infériorité, les résistants ont tué vingt et un allemands et en ont blessés quarante sept. Quant aux pertes, elles sont de deux blessés et un mort . M. Vielzeuf note que ces chiffres sont approximatifs et issus de recoupage, car l’ennemi cache ses morts dans la mesure du possible. Cette victoire nous donne à voir que malgré leur supériorité militaire, les allemands ont essuyé une défaite.
Après cette attaque, le maquis de Lasalle va profiter de son expérience pour finir de s’organiser. Un groupe de police est créé pour vérifier les allées et venues des suspects, ce groupe possède deux voitures légères. Un autre groupe s’occupe des liaisons avec les autres maquis et pour finir, vu que le ravitaillement est de plus en plus restreint pour les populations, les maquisards s’organisent pour lutter contre le marché noir et dirigent des échanges entre communes, pour distribuer des vivres aux populations.
Nous pouvons donc conclure ce chapitre en constatant, que les épreuves vécues ont permis aux hommes de créer une structure-maquis organisée et de vivre au mieux leur clandestinité. La fusion qui va se réaliser le 12 juillet 1944, bénéficiera de cette expérience et de celle d’un autre maquis A.S. celui d’Ardaillès, que nous allons étudier maintenant.
C. Le maquis d’Ardaillès
Après le maquis de Lasalle dont Rascalon est le chef, il faut parler du maquis d’Ardaillès appelé maquis de la “Soureilhade”. Ceci en étudiant tout d’abord, son chef, la région où le maquis s’est installé et comment il s’est constitué. Ensuite, en mettant en lumière son organisation, sa vie et pour finir, en essayant de saisir les conséquences de l’attaque qu’il a subi.
1. La constitution du maquis
a) Le pasteur Laurent Olivès
Le pasteur Laurent Olivès est un pied noir. Il est né en 1913, le 12 avril. Il vient en France pour étudier la théologie à Montpellier. Dès 1936, il organise avec des amis, un réseau de passage, pour permettre aux juifs persécutés de fuir. La question du fascisme l’intéresse d’ailleurs très tôt. En 1938, il est nommé pasteur dans la paroisse d’Ardaillès, petit village des Cévennes .
La paroisse d’Ardaillès englobe diverses petites communes alentours, notamment Valleraugue extra muros, l’Espérou, Pont d’Hérault, Camprieu et Talleyrac. Le pasteur assure la desserte d’une population montagnarde disséminée. Il est aussi responsable des UCJG (Union Chrétienne des Jeunes Gens) du Vigan et son secteur. Nous tenons à situer le pasteur dans la région où il exerce car, sa place lui permettra de s’engager dans la résistance et d’être soutenu.
M. Olivès va, dès 1940, sonder les populations qu’il côtoie pour deviner ceux sur qui il pourra compter. Pour ce faire, nous allons le lire dans son ouvrage , il essaye d’observer ses paroissiens et d’analyser tous les signes.
Ses à priori vont se confirmer le jour de la fête de Jeanne d’Arc, le deuxième dimanche de mai en 1941. Pétain fait passer une circulaire ordonnant aux mouvements de jeunesse de célébrer cette figure historique. La statue de Jeanne d’Arc se trouve souvent dans les églises, et M. Olivès doit ce jour-là, faire un discours vu son poste aux UCJG. Refusant d’entrer dans l’église, la cérémonie se fait dehors. Lors de son allocution, le pasteur laisse entendre son opinion face à Vichy et termine par “Vive la France”. Aidé par le secrétaire de mairie, il va recueillir les commentaires suscités par son discours. Très vite, il réalise que, parmi ses paroissiens et même d’autres gens du village, comme les catholiques, les cévenols ne sont pas favorables au régime (ceci est valable pour une majorité mais pas la totalité).
Nous retrouvons là, cette qualité des cévenols déjà démontrée par les camisards ; résister est pour eux une tradition. Nous avons voulu citer cette expérience du pasteur Olivès, car elle est significative quant à son caractère. Il sera toujours original, déterminé, ceci au risque même de se marginaliser.
b) Les Cévennes et les protestants
Nous ne pouvons pas étudier l’histoire du maquis d’Ardaillès sans préciser la situation particulière des Cévennes, au niveau géographique et surtout historique et, il nous faut aussi mettre l’accent sur l’originalité du protestantisme, qui a permis la constitution d’un noyau résistant dans cette région. Nous voulons préciser ici, que le maquis d’Ardaillès n’est pas un maquis protestant, mais nous désirons mettre en lumière que le terreau cévenol est favorable et expliquer pourquoi.
Les Cévennes se composent de trois cantons en Lozère, trois dans le Gard et elles forment un ensemble qui s’étend sur environ deux cent quinze kilomètres. Ce sont des montagnes relativement hautes, elles font souvent plus de mille mètres d’altitude. Cette région est constituée essentiellement de hameaux qui sont nombreux mais, de faible densité. La moitié du sol cévenol est recouvert par les arbres, et cinquante pour cent de la population est répartie dans des hameaux et des fermes isolées. Cette géographie est propice à la vie clandestine. A côté de cela, il nous faut insister sur le caractère particulier de la population. Les Cévenols sont généralement des gens durs et solitaires mais, en contre partie très solidaires. Tout ceci va jouer en faveur des résistants.
La religion la plus répandue dans ces régions est le protestantisme . Cette religion fait partie intégrante de l’histoire des Cévennes, mais, elle a aussi dans sa structure, un terrain favorable pour lutter. En fait, la structure protestante est horizontale, ce qui signifie que les pasteurs communiquent entre eux directement. Cette structure permet une plus grande communication entre paroisses, de tous pays. C’est pourquoi, très vite, les pasteurs français sont informés par les pasteurs allemands des dangers du fascisme et aussi, de la montée du nazisme.
En 1942, la notion de solution finale est entendue dans les conseils oecuméniques. Ceci à pour conséquence la mobilisation rapide des pasteurs pour sauver les juifs et autres populations persécutées. Nous tenons malgré tout à préciser qu’il ne faut pas généraliser, il y eu chez les protestants comme ailleurs, des gens favorables à Vichy.
Dans le cas des Cévennes, d’autres pasteurs que M. Olivès ont agi pour résister, notamment M. Chazel, à Vébron.
c) Le maquis d’Ardaillès : naissance
Nous allons voir maintenant comment s’est formé le maquis. Dès 1942, M. Olivès connaît les gens à qui il peut faire confiance. Il essaye de sauver un maximum de juifs et de leur permettre de partir. Pour ce faire, il modifie les actes de naissances des registres paroissiaux, il crée des nouvelles familles françaises . Pour les maquisards, l’organisation est progressive.
Comme pour le maquis de Rascalon, le STO accélère le recrutement des jeunes, que le pasteur cache, mais, il lui faut trouver une solution. La tragédie d’Aire de Côte étant présente dans tous les esprits, les hommes préfèrent se diviser en sous-groupes dans des fermes où chez des gens bienveillants. Les groupes sont répartis entre Talleyrac et Ardaillès et ce sont les familles qui se chargent du ravitaillement des maquisards. M. Olivès essaye d’obtenir un maximum de fausses cartes d’identité. Pour cela, il s’adresse aux mairies, notamment Valleraugue. Il doit ensuite, recopier les signatures nécessaires et, pour finir, doit apposer le cachet d’une préfecture. Tout ceci lui permet de fournir ses hommes en cartes d’identité, qui sont d’ailleurs, de mieux en mieux imitées. En fait, vu que la couleur change lorsqu’elles sont passées, les maquisards teintent ces cartes dans la bonne couleur et, l’épicier prétexte un accident dans leur transport, pour expliquer les traces sur les cartes. Ceci nous semble loufoque, mais dans cette période de restriction et de clandestinité, tous les moyens pour survivre étaient utilisés.
Un réseau d’information entre villages est organisé, ceci pour éviter une attaque surprise, ce sont les employés des PTT qui aident les maquisards dans cette tâche.
Nous pouvons mettre l’accent sur la différence qu’il y a entre le maquis de Lasalle et celui d’Ardaillès. L’idée de base du pasteur n’est pas une structure maquis avec une fraction militaire importante mais plutôt un vaste réseau permettant de sauver les réfractaires. Ceci vient du fait que le pasteur Olivès est différent des personnages que nous avons pu rencontrer jusqu’à présent. La région influence son action, nous comprenons pourquoi il n’a pas un esprit rigoureux et militaire mais plutôt humanitaire.
Malgré tout, la résistance s’organise sur le plan national et régional. Les réfractaires ne peuvent rester isolés et cachés sous l’occupation ni préparation, c’est pourquoi, M. Olivès va être obligé de créer un maquis et de le doter d’une structure militaire.
2. Le maquis d’Ardaillès
a) Choix du lieu
Dans cette région beaucoup de lieux sont favorables à l’installation d’un maquis. Ardaillès est choisi, car ce village se situe à soixante et quatorze kilomètres de Montpellier, à onze kilomètres à vol d’oiseau de l’observatoire de l’Aigoual à mille cinq cent soixante cinq mètres d’altitude. De plus Alès-Nîmes sont proches. Donc, le village n’est pas loin de la mer, près de la montagne mais aussi des villes. Le plus important reste malgré tout l’accès à Ardaillès. En fait, pour y aller, il n’y a qu’une route, celle du Pont d’Hérault à Valleraugue et en plus, pour accéder au village, il faut prendre une route spéciale, de quatre kilomètres, encombrée de virages. La circulation locale évite Ardaillès, ceci permet aux maquisards de mieux surveiller les allées et venues, d’autant plus que le village est divisé en deux : Ardaillès le bas, nommé “le mas de l’église” et Ardaillès le haut, nommé “le Gibet” à six cent mètres d’altitude.
Le maquis va s’installer au “Gibet”, dans une bâtisse qu’il va appeler “La Soureilhade” (l’ensoleillée, en patois). Les hommes se réunissent donc, petit à petit, à Ardaillès, une structure s’ébauche mais, le maquis va se souder réellement à partir de la création d’une école de cadres à la Soureilhade.
b) L’école des cadres
En janvier 1944, l’école des cadres est ouverte , elle bénéficie de la réussite de celle organisée à Lasalle. Un des hommes de Mallerargue vient à Ardaillès, d’ailleurs, il est nommé responsable du groupe qui s’occupe des coups de mains pour ravitailler le maquis. L’instructeur est celui qui était à Lasalle. Cet homme s’appelle Maurice, il est sous-officier de carrière, originaire de Colmar, il a trente ans selon l’ouvrage cité auparavant.
Nous pouvons constater que l’expérience faîte à Lasalle à séduit les chefs régionaux de l’AS car, ils vont réitérer à Ardaillès. Le but de l’instruction est de préparer les jeunes au débarquement des alliés afin, qu’ils puissent soutenir ces derniers.
Les sessions de cette école comprendront vingt maquisards, le programme journalier est proche de celui enseigné à Lasalle, à la différence près que les journées à Ardaillès sont clôturées par un repas-veillée où les hommes chantent ensemble. Il est clair qu’en plus de données militaires, cette école permet aux hommes jusque là divisés, de se connaître. Malgré tous les points positifs de cette école, il manque aux hommes l’épreuve avec l’ennemi, avant février 1944.
Nous sentons donc, une différence importante avec le maquis de Lasalle à ce niveau là. Ils ont un point commun malgré tout, car ils recrutent tous deux, la majorité des maquisards dans la région.
Dans une description des hommes ayant participé à l’école, une ébauche d’étude sociologique du maquis est possible. Sur trente huit stagiaires sortis des deux premières sessions, la majorité sont Cévenols d’origine et peu ont reçu une grande instruction, douze ont leur certificat d’études, quatre ont un CAP, sept un brevet élémentaire, un possède un brevet supérieur, six un baccalauréat et trois un diplôme de l’enseignement supérieur. Au niveau social, dix sont issus de la petite et moyenne bourgeoisie, et il y en a un de l’aristocratie.
Tout ceci nous donne à voir que le maquis ne recrute guère dans les classes avisées de la société, ces dernières étant sans doute gênées par les moeurs et méthodes des maquisards. Les résistants proviennent en général des milieux ouvriers et paysans. En ce qui concerne la religion, nous constatons que 95 % appartiennent à la religion protestante, ceci est normal, vu leur origine géographique. Il nous faut noter que dans tous les ouvrages traitant du maquis d’Ardaillès, et aussi dans le témoignage de M. Olivès, il ressort qu’au sein du maquis, il n’est question ni de politique ni de religion, et d’ailleurs très peu connaissent la vraie profession de M. Olivès. Comme dans le maquis de Rascalon, la propagande quelle qu’elle soit est proscrite.
c) Attaque du maquis le 29 février 1944
Le maquis a été surpris par l’attaque allemande du 29 février 1944. Dans la partie précédente du chapitre, nous avons parlé de la vaste opération de “ratissage”, organisée par les allemands et la police pour éliminer les maquis. Ces allemands appartiennent à la Pauzer Division Hohenstaufer du général Brittich. Cette opération se déroule entre le 28 et le 29 février 1944. Les hommes du général Brittich sont accompagnés par la Feldgendarmerie dirigée par le lieutenant Guttmann.
Le 27 février, les hommes du maquis d’Ardaillès fêtent la fin de la seconde session de l’école des cadres et M. Olivès leur donne un jour de repos le 28 février. Malgré les opérations déjà effectuées aux alentours par les allemands, les hommes de la “Soureilhade” ne sont pas alertés. En fait, M. Olivès a reçu un message supposant un risque d’attaque mais rien n’est confirmé. C’est lorsqu’ils voient un side-car allemand s’arrêter sur le pont d’Ardaillès que les hommes décident de fuir, ils vont se réfugier dans une bergerie, cinq cents mètres plus haut. Après un moment de trouble dû au départ des allemands, les hommes comprennent qu’ils doivent faire face à une attaque d’envergure et M. Olivès leur dit de fuir loin du village, vers le nord-ouest pour qu’ils passent la crête et se réfugient vers le Cros. Les maquisards se dispersent et fuient sous le feu de l’ennemi. M. Olivès nous a confirmé les effectifs allemands . C’est une colonne composée de quarante sept véhicules de toutes sortes, d’environ trois cent cinquante hommes, officiers, sous officiers et soldats qui arrive au village.
Les maquisards vont réussir à fuir, mais, l’ennemi n’ayant pas atteint son but décide de faire parler les villageois et de se venger sur eux. Nous pouvons savoir ce qui s’est passé au village ce jour là, à travers le témoignage d’un garçon nommé Maurice Tessonnière . Les allemands ont brûlé de nombreuses maisons dont la “Soureilhade”. Les personnes qu’ils vont interroger resteront muettes. L’ennemi enlève alors six otages sur les cent vingts habitants d’Ardailhès, sans critère particulier, ils ont tous en moyenne plus de quarante ans. Comme les otages pris à Lasalle, quatre de ces six hommes feront partie des pendus de Nîmes, le 2 mars 1944. Cette attaque aura une importance capitale pour l’évolution du maquis d’Ardaillès.
3. La vie en réduit. Les problèmes du maquis
a) La vie en réduit
Après le 29 février 1944, les hommes du maquis d’Ardaillès sont divisés. Les principales leçons qu’ils ont tirées de cette attaque sont : la division et dispersion en groupe dans les montagnes, l’éloignement par rapport aux villages car, leur proximité met la vie des civils en danger et aussi, ne pas porter un uniforme et rester le plus discret possible. Les maquisards vont s’installer pour la plupart en Lozère, dans la région de Vébron. En fait, un réduit (c’est à dire un groupe d’hommes installé dans une bâtisse) reste dans le Gard, à Valeraugue au pied du Mont Aigoual. Les autres qui sont installés près de Vébron s’organisent. Trois réduits sont formés avec un chef nommé pour chaque. Il y a celui de Milou, celui de Jacques Poujol et celui de Félix. Chacun est autonome et va vivre sa clandestinité différemment. Au départ, les jeunes essayent de retourner se cacher chez eux et seuls les plus vieux maquisards restent en groupe.
Le réduit de Félix est dans les environs de Saint Julien d’Arpaon, celui de Milou s’installe à côté du Pont de Montvert dans une bâtisse nommée “le hurlevent”, à mille dix mètres d’altitude. Le dernier groupe est celui des anciens ces hommes vont souvent changer de lieux de résidence car ils ont pour tâche d’enseigner aux jeunes leurs connaissances. Leurs lieux de résidence toujours dans la région furent successivement : “la providence”, sous le Causse du “Can de l’Hospitalet” dans la partie orientale de la commune de Vébron, perchée à neuf cent mètres ; “le Paradis perdu” à neuf cents mètres au Nord-Nord Est de la Providence, à deux kilomètres de Saint Laurent de Trêve, est situé à huit cent trente cinq mètres d’altitude ; “le Bidon IV” dans la partie basse du hameau des Viala sous le Causse Méjean à sept cent cinquante mètres de hauteur ; “le Boxon Fleuri” dans la même commune domine la route nationale et la rivière à huit cent vingt cinq mètres d’altitude ; “le Rancho” à un kilomètre soixante et quinze de Fraissinet de Fourques perché à neuf cents mètres et pour finir le “Val des Soupirs”.
Nous pouvons constater que le groupe de Jacques Poujol est mobile. En réalité, les hommes comprennent qu’il faut qu’ils mettent à profit ces mois d’immobilisme, pour préparer les plus jeunes au débarquement et finir de les instruire. D’ailleurs, au “Rancho”, un centre d’instruction sera formé, héritage de l’Ecole des cadres. Il est clair que malgré toutes ces bonnes volontés, les maquisards manquent d’armes. Les trois réduits de Vébron ne possèdent que deux mitrailleuses, un mousqueton et quelques Mausers de la guerre 1914-1948. Ce sont les maquisards les plus anciens qui les utilisent.
Nous constatons à travers les sources que durant les mois de mars, avril et mai, les effectifs des réduits augmentent car, beaucoup de jeunes arrivent mais aussi tous les septiques qui, voyant la conjoncture internationale, préfèrent entrer dans la résistance. En juillet 1944, les groupes auront à peu près quarante hommes chacun. La vie en réduit permet aux maquisards d’apprendre à vivre dans la clandestinité la plus totale, quant au ravitaillement il est assuré par les populations locales.
Nous avons donc pu voir comment les hommes du Pasteur Olivès ont essayé de vivre après l’attaque du 29 février 1944, nous allons étudier maintenant les problèmes divers rencontrés par les maquisards et leur chef.
b) Les problèmes
Après l’attaque du maquis d’Ardaillès, le Pasteur Olivès se cache avec sa famille car, il est recherché et devient donc un clandestin, il prend le nom de Moudinot . Cette clandestinité est mal perçue par l’Eglise Réformée de France et M. Marc Boegner (Chef de l’ERF) demande à M. Olivès de partir dans une paroisse dans le Nord de la France.
Dans son témoignage , il nous a expliqué son refus. Il lui était impossible de partir vu qu’il était le chef du maquis et qu’il connaissait tous les rouages pour les fausses cartes, les filières de passage pour les clandestins … M. Olivès refuse donc cette mutation, ceci a pour conséquence sa mise à l’écart progressive de l’ERF. En mai 1944, il est clandestin car recherché par les autorité mais il est aussi hors des rangs de l’ERF. Cette situation lui permet dès lors de s’investir totalement dans la résistance, c’est pourquoi il envoie sa famille dans la Drôme et cherche une solution pour mieux gérer les divers groupes de maquisards.
Son action et celle du maquis n’est pas toujours reconnue. Certains, notamment M. Bourderon l’ont franchement critiquée “Le maquis de la Soureilhade fondé au printemps 1943 par le Pasteur Laurent Olivès était maintenu dans un prudent attentisme par son chef”.
M. Olivès défend son attitude, en expliquent que pour lui, la ligne de conduite à suivre était celle dictée par Londres et Alger. Les ordres étaient de maintenir les hommes dans le calme, de ne pas prendre les armes. En attendant le débarquement, les chefs devaient préparer leur hommes à lutter et aider les alliés.
Il faut noter qu’il y a une énorme différence entre l’idée que Londres se fait de la fonction de résistance et celle des FTPF ; nous avons pu lire dans les ouvrages les concernant que pour eux, l’action doit être immédiate et indépendante des alliés, la cible est l’allemand. Il est sûr que pour les jeunes des maquis A.S. l’optique des FTPF est attirante car eux souffrent de l’immobilisme mais leur chefs arrivent à leur faire comprendre l’intérêt de la tactique gaulliste.
Nous pouvons mettre en lumière que dès cette période, M. Rascalon et M. Olivès ont des points communs. Ils justifient tous deux une ligne de conduite par les mêmes arguments. Pour eux, toute attaque prématurée contre l’ennemi fait courir d’énormes risques aux civils qui subissent généralement les représailles. M. Benoit Marcel de Sommières qui a appartenu à “l’Aigoual-Cévennes” nous a expliqué que pour les maquisards de l’A.S, c’était facile de tuer quelques allemands mais que les représailles exercées sur les populations étant démesurées, leur but n’était pas de se venger sur l’ennemi mais plutôt de protéger les populations et chasser l’ennemi hors de France. Nous citons ici cet exemple car il résume l’esprit des hommes ayant appartenu aux maquis de Lasalle et d’Ardaillès.
Nous pouvons aussi préciser que face aux diverses tentatives de fusions M. Olivès et M. Rascalon ont la même réaction : le refus. C’est pourquoi, petit à petit, ces deux hommes et leur maquis vont se rapprocher. Tous les deux cherchent une solution car, les alliés ont débarqué le 6 juin 1944 en Normandie mais, les maquisards ne sont toujours pas armés et donc ils ne peuvent pas agir de façon efficace. Les chefs se tournent vers les instances de l’A.S. pour chercher la solution et après diverses tentatives, la solution se fait jour. Il faut réunir les deux maquis. Ce sera le thème du chapitre suivant.
LE MAQUIS “AIGOUAL – CEVENNES” : DU RASSEMBLEMENT A LA LIBERATION DU GARD
Les maquis de Lasalle et d’Ardaillès vus précédemment sont des maquis appartenant à l’A.S., et par conséquent soumis au Général de Gaulle. Après le débarquement allié du 6 juin 1944, tous les groupes résistants voient leurs effectifs se multiplier parfois par cinq. Dans la R3, les diverses formations de résistance sont représentées, il y a les FTPF branche armée du PC, des CFL qui sont les anciens groupes francs, l’ORA et les maquisards de l’A.S. L’union nationale des mouvements réalisée au sein du CNR en mai 1943 doit normalement s’effectuer au plan régional. Cela va s’avérer impossible, du fait des différences qu’il y a entre les divers mouvements régionaux. Après de nombreuses tentatives, chacun va s’unir selon ses affinités. L’unité est nécessaire pour la survie des maquis. C’est pourquoi les maquis de Lasalle et d’Ardaillès ayant les mêmes opinions vont s’unir sur l’Aigoual.
A. Rassemblement et organisation
L’accent sera mis tout d’abord sur les tentatives d’union précédant le 12 juillet 1944.
1. Les tentatives d’union avant le 12 juillet 1944
a) Les essais du maquis de Bir-Hakeim
Le maquis de Bir-Hakeim arrive dans la région de façon assez tardive. En fait, il a une attitude peu commune et d’ailleurs son passage à Pont Saint Esprit et Bagnols sur Cèze a eu pour conséquence des représailles sur les populations civiles. Ce maquis est assidûment recherché par les allemands. Le commandant Barot qui se nomme Jean Capel dans la vie, est le chef de ce regroupement. Il a amené son maquis dans les Cévennes pour le cacher, c’est d’ailleurs une des raisons qui vont pousser les allemands à ratisser les montagnes cévenoles.
Dès le mois d’avril, Barot veut réunir les maquis régionaux sous ses ordres . Il veut réunir les maquis dans le cirque de Navacelles, ceci en affirmant avoir reçu cet ordre de Paris. N’ayant pas l’ordre, l’officier Rascalon refuse cette proposition. Barot va voir aussi le maquis d’Ardaillès. Le 2 avril, Jacques Poujol et Jean Faucon de la Soureilhade sont convoqués par Barot, ils le retrouvent à la “Picharlerie” dans la commune de Moissac en Lozère. Le but de cette convocation est l’union ; dans leurs témoignages les deux hommes se disent impressionnés par le matériel militaire du maquis de Bir-Hakeim. En fait, M. Olivès après une autre rencontre, refusera cette fusion, mais malgré tout, deux maquisards de la Soureilhade préféreront eux rejoindre Bir-Hakeim. Ces tentatives du chef de Bir-Hakeim échouent car il est trop aventurier et préconise l’action immédiate refusée par Rascalon et Olivès.
Le 3 mai 1944, une réunion a lieu à Thoiras entre Saint Jean du Gard et Anduze, qui rassemble les chefs des divers maquis des alentours, plus Signoret, membre d’un CFL. Lors de cette rencontre, Barot est sermonné quand à son attitude et il est prié de quitter les Cévennes car les allemands sont déjà sur ses traces . Bir-Hakeim part s’installer à la Parade, lieu où il sera décimé le 28 mai 1944 par l’ennemi.
b) Les autres tentatives d’union
L’idée du commandant Barot fut reprise par d’autres chefs. Le 1er février 1944 les FFI sont crées avec un Etat Major. Le CNR unifie les instances de la résistance, les FFI englobent eux une partie des forces armées. Tout ceci pousse à l’union afin de mieux coordonner les groupes et transmettre les ordres. Gilbert de Chambrun Carrel est le chef régional des FFI et il nomme à ses côtés Michel Bruguier dit Commandant Audibert. Le 23 avril 1944, M. Bruguier notifie aux maquis sa nomination et il dissout l’A.S. pour intégrer toutes les forces dans les CFL. Cela ne plaît pas aux chefs de Lasalle et d’Ardaillès. Dans les deux ouvrages consultés à ce sujet nous pouvons constater le même refus de la part des deux chefs. Leurs arguments sont d’ailleurs similaires. Ils ne veulent pas être fondus dans les CFL, ni soumis à Bruguier qui est très jeune et en plus qu’ils considèrent comme un membre actif du parti communiste. La hantise qu’ils éprouvent face à une politisation de la résistance ressurgit sans cesse.
Le 25 juin 1944, Audibert écrit une lettre au maquis de Lasalle lui annonçant la division des forces CFL en compagnies, qui seront sous la direction d’un inspecteur des compagnies du maquis CFL. Dans une lettre du 21 juillet 1944 Audibert dit avoir fait les mêmes propositions à M. Olivès qui n’est pas venu au rendez-vous fixé .
Par cette fusion Audibert veut créer une coordination militaire et administrative mais, pour Rascalon comme pour Olivès, cette fusion n’est pas acceptable car ils sont résistants de la première heure et n’acceptent pas d’ordres d’autres instances que celles d’Alger.
Malgré ce fort esprit d’indépendance commun aux deux chefs, ils ne laisseront jamais de côté la coordination entre maquis. Face à cet état d’esprit similaire, Rascalon et Olivès vont se rapprocher. D’ailleurs les autres membres de leurs maquis désirent cette union. Le 29 juin 1944, à Talleyrac, a lieu une réunion décisive.
2. Le choix d’un rassemblement : lieux et raisons
a) Raisons de cette union
Pour les chefs de maquis, l’arrivée chaque jour d’hommes nouveaux, les oblige à refuser des jeunes, vu le manque de structure défensive ; un changement est donc nécessaire pour la survie et la sécurité des maquisards. La réunion de Talleyrac regroupe le Pasteur Laurent Olivès, chef du maquis d’Ardaillès, Marceau, chef du corps franc de Lasalle, Cassé, un percepteur de Ganges et Penninkx. Le premier contact étant pris, ils ne leur reste plus qu’à choisir le lieux et la date de fusion.
En réalité, il y a diverses raisons à cette union. Au plan national, le débarquement de Normandie est une réussite et les FFI attendent le “débarquement Sud” . Le lieu précis pour cette opération n’est pas fixé et les alliés sachant que les allemands connaissent l’éventualité de ce débarquement ont tout intérêt à organiser des “plans déception” pour tromper l’ennemi. C’est pour cela qu’Alger et Londres pensent qu’un rassemblement dans la R3 pourrait induire les allemands en erreur. De ce fait le DMR (Délégué Militaire Régional) Sultan, M. Jacques Picard pousse à une fusion entre ces deux maquis appartenant à l’A.S. Pour lui, c’est l’occasion de réunir deux maquis refusant la soumission à Audibert.
Il est donc clair que ce rassemblement sert Londres et Alger, de plus il lui est entièrement soumis. De ce fait, “l’Aigoual-Cévennes” est reconnu par le BCRA (Bureau Central de Renseignement et d’Action) et établit une liaison directe avec le DMR.
L’autre raison à cette union est la promesse de parachutages, car Alger préfère envoyer des armes loin des villes, et l’existence d’un maquis proche de terrains de parachutages homologués rassure quant à la réception du matériel. Ceci a donné lieu à des accusation de discrimination, par rapport à d’autres maquis moins soumis au GPRF.
Sultan dit que “l’Aigoual-Cévennes” n’était pas prévu pour accueillir mille cinq cents à deux mille maquisards mais consacre la fusion des deux maquis déjà importants . L’autonomie de vie du maquis et son évolution ont dépassé les prévisions.
b) Pourquoi le Mont Aigoual ?
Le choix du lieu a été motivé par diverses choses. Tout d’abord et nous venons de le citer, les terrains de parachutages. En effet, le Mont Aigoual est vaste, à cheval entre le Gard et l’Hérault, et il y a des terrains homologués aux alentours notamment Mont-Dardier où il y a eu un parachutage le 16 juillet 1944 et à Moulès et Baucels le 31 juillet 1944. Dès sa naissance, le maquis est fourni en matériel d’où, un gros avantage pour son organisation.
Le Mont Aigoual et le village de l’Espérou ont été choisis pour un intérêt stratégique donc mais aussi logistique, car les routes les entourant sont faciles à surveiller, surtout celles qui vont à Ganges, au Vigan et à Meyrueis. En plus de cela, la forêt est un endroit idéal pour se réfugier et à l’Espérou, les habitants sont pour la plupart des estivants ce qui facilite les réquisitions des maisons. Les hommes du maquis vont pouvoir être logés sans trop de difficultés. Pour ce qui est de la population du village et alentours, elle est acquise à la cause résistante et donc, peut aider les hommes pour le ravitaillement …
Il faut noter ici que dans toutes les sources consultées et les témoignages recueillis, revient sans arrêt le rôle primordial des populations, cévenoles pour la plupart, quant à la survie des maquis.
3. Le rassemblement sur l’Aigoual : organisation du maquis
a) La montée des maquisards vers l’Aigoual
Le 12 juillet 1944, le nombre de maquisards est important. Il faut rappeler ici qu’en ce qui concerne les chiffres, ils varient selon les ouvrages. C’est d’ailleurs une des principales difficultés que nous avons rencontrées. Dans le cas du nombre de maquisards, l’ouvrage de R. Rascalon parle de deux cent sept hommes dont trente-neuf mariés pour le maquis de Lasalle au 12 juillet et, de cent soixante-huit hommes dont quarante-quatre mariés pour celui d’Ardaillès, à cela s’ajoutent quarante jeunes qui arrivent au moment de la fusion. Ces chiffres se retrouvent dans l’ouvrage collectif sur Ardaillès . Par contre, nous trouverons un total de trois cent cinquante hommes montant à l’Aigoual chez M. R. Poujol . Ce qui fait une différence de vingt-cinq maquisards et pour finir chez M. G. Bouladou , qui a fait un détail de l’évolution du maquis de Lasalle et ensuite de “l’Aigoual-Cévennes” sous forme de tableau, nous pouvons noter que pour le 12 juillet 1944 il y a trois cents quarante-six hommes dont deux cent six appartenant à Lasalle et cent quarante à Ardaillès. Il est donc clair qu’il est difficile de donner le chiffre exact, mais quoi qu’il en soit, le nombre d’hommes qui vont s’assembler sur l’Aigoual est important par rapport aux autres groupes, FTPF et divers, car la théorie des gros maquis est plus dangereuse. Très vite le nombre de maquisards va croître, le 10 août, c’est à dire moins d’un mois après sa création, le maquis se compose d’environ mille hommes pour atteindre deux mille hommes le 25 août 1944. Cette évolution fulgurante se retrouve dans les maquis de la R3 et du Sud en général car, après le débarquement en Provence le 15 août 1944, la victoire alliée ne fait plus aucun doute donc, les hommes n’hésitent plus à prendre le maquis. Il est sûr que ce phénomène crée des problèmes pour le recrutement car, l’arrivée massive d’hommes limite le contrôle. Le maquis de “l’Aigoual-Cévennes” fut le plus gros du Gard et même de la R3. Ceci est peut être dû à son étiquette apolitique et à sa situation géographique.
b) Le commandement
Pour ce qui est du commandement, il est organisé de façon démocratique. Le 12 juillet 1944 est donc organisé le transfert des hommes sur l’Aigoual, ce dernier se déroule d’ailleurs sans problème. Le terrain est préparé avant leur arrivée notamment par M. Olivès et l’accueil des maquisards est bien structuré.
Le maquis prend le nom de “maquis FFI de l’Aigoual-Cévennes”. Ce qui est frappant dans les sources consultées et surtout dans l’ouvrage de Rascalon c’est le caractère officiel de tous les actes faits par la direction du maquis. La direction est confiée à un directoire qui ne doit pas être supérieur à dix membres. Le 12 juillet 1944 sont présents M. Olivès, M. Cassé, Marceau, Guy Arnaud et Rascalon. Il est précisé que ce directoire reconnaît le GPRF et Alger, ce qui donne à voir sa soumission au général De Gaulle et au DMR. Ce directoire délègue ses pouvoirs militaires à un commandement militaire séparé ; quant à lui il prend en charge la vie du maquis, son ravitaillement. Les tâches sont réparties entre les cinq membres dont trois sont issus du maquis de Lasalle. Le directoire possède une force de police indépendante du commandement militaire, donc ceci assure une force de sécurité en cas de trouble dans le secteur militaire. En fait, il semble que cette police ait eu une fonction importante car elle est chargée de surveiller et dénoncer toutes les personnes suspectes. Pour ce qui est du directoire, la répartition des postes se fait de façon minutieuse.
Le Pasteur Olivès est chargé des activités économiques, des relations avec les populations, le ravitaillement, le recrutement et la police mais, il ne s’occupera pas de cette dernière en réalité. M. Olivès nous a dit qu’il ne voulait pas cette fonction au départ, car le fait qu’il soit pasteur ne coïncide pas avec la mentalité militaire mais, vu la guerre, il exerça malgré tout ses fonctions politiques et économiques. Il installa le nouveau préfet au Vigan, le Docteur Laget puis les CLL dans toute la région du Vigan et surtout organisa la ravitaillement des populations. R.Rascalon lui, est au service des étapes. Il s’occupe de nombreux services, en fait : intendance, armement, administration, finances, santé et même le corps franc. Pour ce qui est de Marceau et Guy Arnaud, nous verrons plus loin leur fonction.
c) L’organisation sur l’Aigoual
En plus du directoire, il faut organiser la vie quotidienne des hommes, leurs occupations et leur ravitaillement. “L’Aigoual-Cévennes” possède en août 1944 tout ce dont un maquis a besoin et même plus.
Sur le plan médical, le Docteur De Courcelles prend la tête d’un mini hôpital installé à l’Espérou. Les médicaments sont fournis soit par les pharmaciens bénévoles soit par les coups de mains. Pour ce qui est du personnel bénévole, il y a des médecins, des infirmiers, un chirurgien et un dentiste. Le matériel quant à lui est appréciable, il y a une voiture d’infirmier, trois brancards, un appareil de radioscopie et des pansements en quantité suffisante. Cette structure sanitaire est exceptionnelle.
Pour l’intendance, un bureau est constitué avec un intendant, des secrétaires, un chef de service, un chef boucher, un chef boulanger, des chauffeurs et des agents divers. Le chef boulanger est M. Jean Guiraud que nous avons rencontré , il dirige la boulangerie du maquis. Il se trouve qu’il va arriver à faire fonctionner un four à pain ; son équipe réactive de vieux moulins pour moudre le grain envoyé par Guy Arnaud, chef du corps franc de Lasalle. En plus du pain, certains maquisards se changent en bergers en uniformes pour garder les troupeaux réquisitionnés. Il est donc clair que rien n’est laissé au hasard.
Le recrutement est organisé de façon minutieuse. Les jeunes sont recrutés par des agents de liaison, ils sont envoyés vers Lasalle, Valleraugues puis l’Espérou où, ils subissent un interrogatoire fait par les gendarmes. Ensuite, ils s’inscrivent sur le registre militaire et passent une visite d’incorporation. Si la visite médicale est positive, une fiche individuelle leur est attribuée ; pour finir, ils sont équipés avec un pantalon, des chaussures, une cape, une couverture, un morceau de savon, une canadienne, une arme, quelques ustensiles et envoyés dans un groupe bien précis.
Il est clair que dès le début, le maquis est bien structuré et sa survie est assurée. D’après les sources consultées, le directoire du 12 juillet n’eut pas de problèmes sur le plan politique. En fait, leur refus d’afficher leurs appartenances politiques et leur soumission à De Gaulle a permis leur entente.
B. Un maquis militairement bien organisé
Il faut maintenant parler de l’organisation militaire du maquis “Aigoual-Cévennes” avant son passage aux combats libérateurs.
1. La structure défensive
a) Le commandement militaire
Le but premier des chefs est de doter le maquis d’une structure défensive, ce qui est un moyen de canaliser l’énergie des hommes, souvent jeunes, montés le 12 juillet 1944. Rascalon a été prévenu de l’arrivée d’un militaire pour les aider mais, dans l’immédiat c’est Marceau et Ouvrier qui se chargent du commandement militaire.
Leur premier problème est celui des armes. Malgré leurs avantages divers, ils sont insuffisamment pourvus. Le rassemblement sur l’Aigoual va leur permettre d’obtenir des parachutages assez rapidement car, les alliés veulent armer les hommes avant le débarquement en Provence. La SAP (Service Aérien de Parachutage) créée en 1943 au Vigan se charge d’organiser cela. C’est Georges Penninkx qui s’occupe de constituer un groupe pour la liaison avec le Vigan, il trouve un vieux moulin à Avèze pour stocker les armes reçues.
Le 16 juillet 1944 a lieu le premier parachutage, le message est “Yvette aime les grosses carottes”, cette phrase signifie que l’opération va avoir lieu sur le terrain homologué de Mont-Dardier. Pour l’accueillir, trois groupes d’hommes sont mobilisés, leurs chefs sont Marceau et Penninkx, ils ont trois cars à leur disposition. Nous avons pris cet exemple pour expliquer la réalisation d’un parachutage.
Le 22 juillet, le commandant Matignon dit Colas arrive au maquis, le commandement militaire lui est remis et Marceau devient son adjoint. A partir de cette date, l’organisation est très stricte et la discipline aussi. Tous les actes faits par les chefs sont écrits et signés par tous les membres du directoire. Il faut noter que ce système et cette discipline sont librement acceptés par tous.
Dans l’ouvrage de Rascalon des extraits de papiers officiels militaires sont publiés, il est clair que rien n’est laissé au hasard, chaque décision doit être prise en groupe, manuscrite et signée. Il y a dans l’ouvrage cité plus haut, des extraits de comptes rendus de conseil de guerre. Ce conseil de guerre a à sa tête Rascalon, il se compose de cinq membres et chaque acte, chaque exemplaire de procès est fait en triple exemplaire, ils seront déposés respectivement au PC, aux archives du conseil et aux archives du maquis.
Des services divers sont créés notamment des services de renseignements militaires, pour les transmissions, la surveillance des postes avancés, un service de police …
Notons ici, le changement qui marque l’arrivée d’un militaire de carrière. Jusqu’alors le maquis avait ses propres règles, mais à partir du 22 juillet 1944, c’est une structure bien précise qui est mise en place.
Dans l’ouvrage “Le maquis d’Ardaillès” comme dans le témoignage de M. Olivès , les anciens résistants avouent que le passage du maquis au statut FFI a profondément changé les mentalités et l’ambiance au sein des groupes. En parallèle, à l’arrivée de Matignon, le maquis accueille un groupe d’hommes envoyé par les alliés. En fait, ce sont des groupes créés en prévision du débarquement en Provence. Ce sont des “Jedburgh” et ils sont composés en général de quatre hommes : un américain, un anglais, un français et un sous officier radio. Quatre-vingt-sept “Jedburgh” sont envoyés en tout, ils ont pour mission de coordonner l’action alliée et l’action des FFI. Pour “l’Aigoual-Cévennes”, le chef de la mission est le major Sharp et le sous officier radio se nomme Johnny.
M. Benoit nous a expliqué que ces hommes écoutaient mais n’avaient aucun pouvoir sur les décisions de l’état major du maquis. Ils permettent une bonne liaison avec les alliés et donnent des indications sur leurs projets. A ce sujet, nous pouvons citer une anecdote qui nous a été fournie par M. Olivès . Lors de son arrivée au maquis, le major Sharp possédait une carte de France sur laquelle étaient notés les endroits où devait se porter l’action des bombardiers alliés. Le Pasteur va se rendre compte que la carte de Sharp si elle a un fond juste, a des villes qui ne sont pas situées au bon endroit. Il réalise cela le jour où Sharp annonce le bombardement du pont de chemin de fer de Ganges. M. Olivès est étonné car ce pont n’est pas un lieu de passage stratégique et en plus il se trouve placé en pleine ville. Effectivement, après rectification, Sharp se rend compte de l’erreur qui allait être faite. Cet exemple permet de saisir la difficulté de liaison et de coordination avec l’action des alliés.
b) La structure défensive
Le maquis “Aigoual-Cévennes” en plus d’un commandement rigoureux va se doter d’une structure défensive importante et minutieusement préparée. La défense de l’Aigoual est primordiale pour la survie des hommes, c’est pour cela que des postes avancés sont placés dans toutes les directions, Camprieu, Valleraugue …
Les hommes sont divisés en groupes, chacun ayant une fonction bien précise. La répartition des hommes et du matériel est rigoureuse. Ceci donne à voir à quel point le maquis est défendu car, tout ce qui l’entoure est infiltré de maquisards armés. Il y a donc dix-neuf groupes de combat. Ces groupes comprennent en moyenne vingt à trente hommes selon leur position dans la structure défensive de l’Aigoual.
Dans le tableau, le groupe neuf est composé de seize hommes, car il est posté à l’Espérou en réserve alors que le groupe seize posté au Col de l’Homme Mort comprend vingt-cinq hommes ; mais il est chargé de surveiller les routes convergentes vers l’Espérou et assure avec d’autres groupes une couverture éloignée. Les hommes ont tous une part de responsabilité dans cette organisation et ils acceptent leur poste, ainsi que les chefs qui les dirigent ; ces dix-neuf groupes sont rassemblés sous la direction de sept chefs en groupes plus importants. Dans cette division minutieuse, quelle part ont les anciens maquisards de Lasalle et d’Ardaillès ? Nous avons noté dans l’ouvrage sur Ardaillès une certaine amertume quant à la répartition des tâches et des postes clés. “Les anciens du maquis de Lasalle s’étaient taillés la part du lion” . Sur dix-neuf groupes de combats, trois sont sous la responsabilité d’anciens de la Soureilhade : les groupes sept, dix et douze. Quant au commandement militaire, il est réparti entre Marceau, M. Castan, M. Arnaud. Sur les sept chefs qui supervisent les groupes, un seul est de la Soureilhade, De Zutter.
Force est de constater que la division entre les deux maquis reste marquée car malgré l’accord de chacun pour la fusion, ils se raccrochent tous à leur maquis d’origine. Dans les faits, cette supériorité du maquis de Lasalle au niveau militaire s’explique car ce maquis était plus évolué que celui d’Ardaillès. De plus, la bataille qui a eu lieu le 16 juin 1944 au Château de Cornély a contribué au prestige du maquis de Rascalon et lui a conféré cette supériorité sur le plan militaire. A cela s’ajoute le fait que le Pasteur Olivès, même s’il a rempli toutes les fonctions qu’il lui ont été données, n’a jamais voulu être un chef de guerre. Malgré cette distinction entre les deux maquis, l’arrivée massive d’hommes et le besoin de les instruire va permettre aux maquisards de se mélanger au sein des divers groupes.
2. Le maquis Aigoual-Cévennes : gros plan sur ses qualités et les divers groupes qui les constituent
a) Les avantages du maquis avant le débarquement en Provence
Quatre facteurs ont permis la réussite de ce rassemblement. Tout d’abord une relation suivie avec la SAP, permettant de bons parachutages aux moments nécessaires, ceci grâce à l’homologation des terrains, notamment Naphtaline et Napoléon. Ensuite, conséquence directe des parachutages, un armement très convenable puisque dans le tableau photocopié est noté l’armement de chaque groupe, et ils ont en général un fusil-mitrailleur ou une mitrailleuse. Le 25 juillet 1944 “l’Aigoual-Cévennes” possède à peu près quinze mitrailleuses, vingt fusils-mitrailleurs, cinq cents fusils canadiens, cinq cents mitrailleuses-sten, beaucoup de grenades, des bombes Gamon et plusieurs tonnes d’explosifs. Ceci bien sûr ne manquera pas de faire des jaloux et c’est pourquoi on accusera le DMR Sultan de favoritisme, par apport aux autres maquis.
Le troisième avantage pour le maquis est l’arrivée de la mission inter-alliée car la relation avec Alger est directe et les maquisards sont aussi en liaison avec le commandement allié, ce qui permet une meilleure coordination pour les bombardements et les sabotages à effectuer.
Pour finir, le maquis a un quatrième avantage et qui n’est pas des moindres, c’est le ralliement des gendarmes de l’Hérault. Il faut nous arrêter ici sur le rôle des gendarmes dans le maquis. En fait, avant le 6 juin certaines brigades aident assidûment les maquisards surtout celles de Lasalle et du Vigan. Au sujet de cette dernière, M. Bourderon affirme dans son ouvrage que cette brigade aidait les résistants dès 1943. Le cas de figure se répète pour les gendarmes de Lasalle. Dans ce village, les gendarmes ont eu maille à partir avec des FTPF du Camp n° 4 du Serre. C’est pourquoi, M. Bourderon note que malgré leur aide au maquis de Lasalle, les gendarmes ont suivi la politique ennemie. Ce nouvel exemple de divergence entre les divers maquisards A.S de “l’Aigoual-Cévennes” et de M. Bourderon donne à voir l’opposition larvée entre les mouvements résistants, car malgré leurs buts communs, chacun conserve ses opinions.
Revenons aux avantages tirés du ralliement des gendarmes. Il faut préciser que le 6 juin 1944, De Gaulle leur demande de monter au maquis . Jusqu’au débarquement de Normandie, ils donnent des renseignements aux maquisards sur les attaques probables et la correspondance à leur sujet entre les préfectures. Dès le 6 juin beaucoup passent dans la clandestinité et, dès le début, le commandement de groupes leur est confié, c’est d’ailleurs sans réticences que les maquisards se soumettent à leurs ordres.
Le 13 août 1944, c’est la colonne de gendarmerie de l’Hérault, plus les brigades motorisées de l’Aude et des Pyrénées Orientales qui se rallient au maquis de l’Aigoual, le chef de cette formation est le commandant Colonna D’Istria. En fait, se sont neuf officiers, deux cent vingt gradés et gendarmes qui arrivent à l’Aigoual avec tout leur équipement. Il sont vêtus par les maquisards d’une tenue verte des chantiers de jeunesse.
Le 13 août 1944, ce sont des hommes nouveaux qui arrivent au maquis, mais ce sont surtout des hommes qui ont une formation de gendarme et cela va permettre d’encadrer les jeunes qui arrivent chaque jour en masse au maquis, car ces derniers n’ont par contre, aucune formation militaire. Nous pouvons dire que l’esprit du maquis de Lasalle et celui de la Soureilhade est étouffé par le caractère militaire du maquis “Aigoual-Cévennes”.
b) Gros plan sur quelques groupes
Pour parfaire cette description de l’organisation du maquis, il faut préciser comment sont répartis les groupes de maquisards. Il y a donc dix-neuf groupes qui se composent en moyenne de vingt à trente hommes de toutes origines. Chaque groupe possède en général une mitrailleuse ou un fusil-mitrailleur. Nous allons citer ici quelques exemples de groupes.
Tout d’abord, le groupe onze . Pour ce groupe, le chef se nomme Lacroix, il y a un sous chef qui reste avec le groupe et qui est désigné par les jeunes. Pour le groupe onze, c’est Fernand Léonard. Ces hommes sont retranchés dans un chalet à Monleau, ils sont neuf gardois, quatre héraultais, un pyrénéen, un grenoblois, un bourguignon et un venu de la Somme. Tous ces hommes reconnaissent Rascalon comme chef, ils l’appellent Le Patron. A l’intérieur de ces groupes se reconstitue l’ambiance des premiers mois du maquis en 1942/1943 et, chaque groupe a sa vie interne ; Fernand Léonard parle d’une amitié forte qui soude son groupe.
Ces hommes sont en général peu entraînés et ils manquent d’expérience, ce sont les gendarmes qui les initient au maniement des armes. Ce manque est comblé par un enthousiasme débordant des jeunes qui sont prêts à beaucoup de sacrifices pour remplir leur mission. Fernand Léonard donne un exemple de cet enthousiasme. Lorsqu’il a des coups de mains à effectuer, des hommes sont pris dans plusieurs groupes afin d’équilibrer dans la mesure du possible, les actions de chacun. A chaque demande, tous les jeunes du groupe onze sont volontaires car cela leur permet de trouver une occupation tout en effectuant des actes édifiants, c’est pourquoi un tour de rôle est crée pour permettre à chacun de participer.
Le groupe onze à pour fonction principale, la couverture des groupes qui réceptionnent les parachutages.
A côté des groupes traditionnels, il y a le groupe numéro un qui est posté à Lasalle. Ce corps franc est composé d’environ cent maquisards. Ce groupe plus important que les autres sur le plan de l’effectif est en poste avancé à Lasalle. Il est chargé d’effectuer la surveillance éloignée du maquis de l’Aigoual. Le chef de ce groupe est Guy Arnaud et le chef militaire se nomme Mealle dit Marchal. Le but de ce corps est surtout de renseigner le maquis sur l’activité ennemie afin de prévoir une attaque et de s’organiser pour résister. Guy Arnaud se charge avec ses hommes de tenir la région pour laisser le champ libre aux maquisards de l’Aigoual et il arrive même que le groupe ait l’ordre d’attaquer directement l’ennemi.
Ce camp permet aux chefs de “l’Aigoual-Cévennes” de ne pas être isolés dans les montagnes et de connaître la situation dans la plaine.
A partir du 16 juillet 1944, Guy Arnaud décide de créer un corps franc, c’est à dire un groupe chargé du ravitaillement en nourriture mais aussi en matériel. Ce corps franc comprend sept personnes au départ puis treize, car il se charge aussi du ravitaillement en voitures, carburant et blés de “l’Aigoual-Cévennes”. Les hommes de ce corps franc réquisitionnent le matériel avant que ce soit les allemands qui le fassent. Le groupe numéro un plus que tout autre, est autonome et il constitue en fait un maquis ne serait-ce que par l’armement dont il dispose : deux mitrailleuses et trois fusils-mitrailleurs.
Force est de constater qu’il y a des différences entre ces divers groupes car chacun a une fonction bien précise. Cette organisation minutieuse permet une bonne coordination et transmission des ordres. Cette structure pyramidale fonctionne bien et fait du maquis “Aigoual-Cévennes” un maquis militairement en avance. D’ailleurs le DMR Sultan qui a favorisé la création de ce maquis monte à l’Aigoual en juillet 1944 et assiste à une attaque menée par les miliciens. Dans cet accrochage, il y a un tué et un blessé pour le maquis alors que les miliciens déplorent quinze tués et douze prisonniers malgré leur supériorité en effectifs. Sultan se dit alors satisfait de l’organisation militaire du maquis et il constate l’efficacité du système défensif de “l’Aigoual-Cévennes”.
3. Le groupe de sabotage de Sommières
Après avoir décrit la structure défensive du maquis “Aigoual-Cévennes” et les divers groupes qui la composent, il faut préciser qu’en plus des dix-neuf groupes vu, il y a des groupes dits de “Sabotages” qui restent dans leur ville d’origine. C’est le cas du groupe de sabotage de Sommières dont M. Marcel Benoit, (diverses dates) que nous avons eu l’occasion de voir souvent, faisait partie. Ces entretiens répétés nous ont permis de connaître l’histoire de ce groupe et d’étudier son évolution en parallèle au maquis Aigoual-Cévennes.
a) Naissance du groupe résistant de Sommières
Comme dans toute la France, la rupture de 1940 choque certains qui veulent résister à cet état de choses. A Sommières, plus que l’allemand, ce sont les SOL (Service d’Ordre Légionnaire) qui gênent. Effectivement, poussés par un excès de zèle, ils chassent les opposants au régime et les arrêtent. C’est la menace qui pèse sur le maire qui va unir les mécontents.
Les SOL veulent prendre la mairie et tuer le maire. Dès lors tous ceux qui ne veulent pas se soumettre au nouveau régime, s’unissent pour lutter. Ils s’arment de façon précaire, c’est à dire de fusils de chasse …, deux groupes sont constitués dont un, dirigé par M. Benoit dit Fauvette.
L’invasion des allemands en zone sud permet aux groupes de Sommièes de s’agrandir, d’autant que la répression, fruit de la coordination entre allemands, SOL et armée de Vichy, est de plus en plus dure. Ces groupes sont autonomes mais au cours de l’année 1943, Sommières devient un passage dans les filières qui permettent aux exclus de fuir le pays, notamment vers l’Espagne, l’Afrique mais aussi les Cévennes, c’est à dire vers les maquis tel que celui de Lasalle.
Le STO a le même effet sur le plan régional que sur le plan national. En effet, à Sommières, c’est le 12 mars que les jeunes doivent partir pour l’Allemagne. Ce départ suscite des résistances chez les familles qui accompagnent leur fils au car. M. Benoit nous a expliqué que comme cela s’était déjà produit, les collaborateurs ont eu maille à partir avec les résistants. Il est donc clair que contrairement aux Cévennes où tout est clandestin, dans les villes, la division est bien marquée et connue de tous. C’est une autre forme de résistance que l’on rencontre ici. La phrase de M. Benoit qui suit donne à voir que les résistants connaissaient bien leurs ennemis. “Il y a aussi certains collaborateurs qui sont là certainement pour jouir du coup d’oeil. Ils ont certains sourires qui frisent la provocation” .
b) Le groupe de Sommières
En 1944, les allemands sont à Sommières, ils sont accompagnés par la division S.S. Hohenstauffer, qui sera plus tard accrochée par “l’Aigoual-Cévennes”. A Sommières, il y a des résistants qui ne sont pas clandestins, par exemple M. Benoit qui travaille à la centrale “Sud-Electrique” et qui est durant cette période, chargé de surveiller les lignes électriques et voies ferrées, il a une carte d’ordre de mission de requis permanent. Tout ceci permet à ceux qui en possèdent de circuler sans problème et de passer des tracts, messages … Il faut pour cela bien sûr, du sang froid.
Force est de constater que pour un maquis clandestin, les renseignements fournis par des hommes libres sont précieux. Fauvette note que comme dans “l’Aigoual-Cévennes”, la politique est mise de côté dans le groupe et que tous les hommes suivent De Gaulle et se soumettent à ses ordres sans problèmes. C’est en 1944, que le groupe résistant de Sommières s’est rattaché au maquis de Lasalle. M. Benoit ne se souvient pas de la date précise car le cloisonnement entre les mouvements étant fort, le rattachement s’est fait sans actes officiels. Le groupe de Sommières même s’il ne vit pas au maquis, ne prend aucune décision sans l’accord de Rascalon et plus tard du Directoire. Rascalon est pour ces hommes, le vrai chef et c’est Fauvette qui monte à Lasalle puis à l’Aigoual chercher les ordres qui lui sont donnés par Rascalon.
La reconnaissance du groupe de Sommières par le maquis et les autorités, lui permet d’obtenir du matériel, par parachutage, notamment. C’est le cas, le 15 mai, le 2 juin et le 15 juillet 1944. Le ravitaillement en mazout et matériel manquant à l’Aigoual est transporté avec une camionnette du “Sud-Electrique” ce qui amenuise les risques qui sont énormes, Camille Boutin en est le chauffeur.
Le fait que les allemands soient à Sommières rend la vie des résistants difficile mais ceci a malgré tout un avantage car, ils peuvent voir l’évolution du moral de l’occupant, au fur et à mesure que les alliés avancent. Jusqu’en juillet 1944, le groupe se contente d’exécuter les ordres et il n’entre pas en contact direct avec l’ennemi, ce qui est la politique de l’A.S.
c) Le passage à l’acte
C’est à partir du mois d’août que les sabotages et actions diverses s’accélèrent. Sentant que le moral des troupes d’occupation flanche, le groupe a pour mission d’accentuer le malaise dans lequel se trouve les allemands, ceci en les démoralisant.
Le harcèlement de l’ennemi commence par le sabotage de leurs points vitaux : lignes de communications, moyens de transmissions, lignes électriques. C’est à partir de cette date que le rôle du groupe de Sommières prend toute son ampleur. Il doit effectuer le sabotage systématique. Pour exemple, nous pouvons citer M. Benoit : “Dans la nuit du 3 au 4 août, les lignes téléphoniques sont coupées à différents endroits et les fils enlevés sur plus de quatre kilomètres entre Caveirac et Sauve, sur la ligne Nîmes-Le Vigan. D’autre part cinquante-sept poteaux supports sont sciés à la base. Le 5 août, c’est entre Quissac et le Mas des Gardies que les fils sont enlevés sur deux kilomètres et vingt-deux poteaux sciés” . Il résume bien l’intensification des actes de résistance et cela d’ailleurs est valable pour toute la région.
A partir du 22 août, le groupe reçoit l’ordre de défendre la ville de Sommières et d’assurer son ravitaillement et le 23 août, c’est l’action directe contre l’allemand qui est décrétée pour tous les groupes A.S. Le 24 août, le mouvement des troupes allemandes amène le groupe de sabotage à se battre aux côtés de “l’Aigoual-Cévennes” sur la route N 99. C’est pourquoi les combats seront étudiés ensuite. Cet exemple de groupe séparé donne à voir le rayonnement du maquis “Aigoual-Cévennes” dans la région et aussi son organisation minutieuse. Laissons là le groupe de sabotage, ainsi que tous les autres groupes ayant appartenu au maquis pour les retrouver au combat et les voir contribuer aux heures de gloire du maquis.
C. L’Aigoual-Cévennes et les combats libérateurs
Il faut maintenant voir en quoi la structure défensive de l’Aigoual-Cévennes lui a permis d’être efficace lors du passage à l’affrontement direct. Il y a trois phases, du 18 juillet au 14 août 1944, le 15 août et l’effet du débarquement, et du 24 au 30 août 1944 la libération du Gard et du Sud.
1. Les premiers combats et jour noir du maquis
a) Les premiers combats
Le premier affrontement direct avec l’ennemi a lieu à Pont d’Hérault, le 18 juillet 1944. Le 17 juillet 1944, lors de l’attente d’un parachutage, qui n’a d’ailleurs pas eu lieu, les maquisards de l’Aigoual-Cévennes capturent un sous officier allemand qui parle sans problème. Il leur explique qu’il y a un poste allemand au Vigan composé de dix-huit hommes et que le 18 juillet, ce poste doit être relevé par un arrivage d’hommes nouveaux venant de Ganges. Le directoire décide alors une opération afin de stopper ce camion. L’opération doit se dérouler à Pont l’Hérault, village situé entre le Vigan et Ganges sur la N 99. En fait, c’est en début d’après-midi que l’embuscade est tendue. Ouvrier dirige cette opération. Les maquisards ont cinq fusils-mitrailleurs bien installés, un FM (Fusil-mitrailleur) est installé sur le parvis de l’église du village avec quatre hommes pour empêcher le replis des allemands et trois autres FM sont installés avec les hommes nécessaires pour les alimenter, un sur un side-car, un sur la route du pont de chemin de fer, deux autres à flanc de montagne, ils appuient les hommes sur le parvis de l’église. Pour finir, un cinquième est placé plus en avant, sur la route de Ganges.
L’ennemi est donc suffisamment encerclé pour éviter tout recul, d’ailleurs les lignes téléphoniques de Pont d’Hérault ont été coupées. A 16 heures, l’attaque commence, les allemands sont surpris et se rendent vite, il y a sept allemands de tués et dix prisonniers mais le plus intéressant reste le matériel récupéré par les hommes, des cartouches, des grenades et des fusils en nombre important.
Cette première attaque qui est une entière réussite remonte le moral des maquisards car l’application de ce qu’ils ont appris jusque là s’est faite sans problème. Il faut faire ici une parenthèse sur le traitement des prisonniers. Les dix pris à Pont d’Hérault sont amenés à l’infirmerie du maquis et sont soignés comme les autres . Pour prouver ce respect des prisonniers et surtout que l’esprit de vengeance n’a pas cours dans son maquis, Rascalon donne cet exemple : “Dans l’expédition se trouvait notre camarade, le fils Ordinez ; un de ses frères et son père avaient été parmi les pendus de Nîmes. Ce fut l’un des plus acharnés au combat mais il a refusé d’achever au revolver un allemand blessé et intransportable” .
b) Après Pont d’Hérault
Malgré l’humiliation subie à Pont d’Hérault, les allemands n’organisent pas de répression sur la population. Ceci est dû au manque d’hommes dans la région car, depuis le 6 juin 1944, beaucoup d’allemands sont envoyés en renfort au Nord. De plus, leur moral est bas et ils craignent ces maquisards dont ils ne connaissent pas les forces exactes et qu’ils ont tendance à surestimer. Cette idée que se font les allemands sur les forces de la résistance, va permettre parfois au maquis d’éviter l’affrontement, par exemple lorsqu’après le 18 juillet, l’ennemi monte à Valleraugues pour effrayer la population, il ne va pas plus loin car il arrive à l’Aigoual, terrain des maquisards.
Jusqu’au 10 août, les hommes sont au calme, seul les maquisards appartenant au groupe de sabotage de Ramuntcho, ceux du corps franc de l’Aigoual, dirigés par J. Castan et ceux de Lasalle dirigés par Guy Arnaud ont une activité incessante.
Pour le corps franc, dirigé par M. Castan, il se charge du ravitaillement de l’Aigoual en coordination avec Lasalle. Le groupe de sabotage de Ramuntcho lui, se doit de miner les accès à l’Aigoual. Ce groupe est composé d’environ quinze à vingt-cinq hommes dont des mineurs de Molières sur Cèze.
Les autres maquisards sentant le moment de la libération proche, ont besoin plus que jamais d’actions. Le 31 juillet, lors d’un parachutage, ils ont maille à partir avec des miliciens et des DMR qui veulent leur confisquer le matériel. Cette rencontre est une victoire pour les hommes de l’Aigoual mais aussi le baptême du feu pour beaucoup de jeunes restés jusque là à l’arrière. Toutes ces actions positives donnent aux maquisards et à leurs chefs, l’envie de s’attaquer directement à l’ennemi. C’est pourquoi, une attaque d’envergure va être mise en place, celle du Vigan.
c) Le jour noir du maquis : 10 août 1944
Le 9 août 1944, Marceau propose d’attaquer les allemands postés au Vigan, notamment les vingt gardes du poste de transmission. Un déserteur arménien vient dire aux maquisards de l’Aigoual que son régiment de “l’OST légion” arrive de Mende pour se poster au Vigan, ils sont environ six cents , et il laisse entendre que ces derniers aimeraient cesser le combat. Cette nouvelle précipite la décision d’attaquer le Vigan. Au PC, tout le monde n’est pas d’accord pour cette action, Rascalon et Colas sont partagés face aux risques qu’elle entraîne, Olivès quant à lui demande aux hommes d’attendre de savoir réellement ce que veulent les arméniens.
Malgré ces divergences d’opinion, la décision est prise d’attaquer le 10 août 1994 à 6 heures. Pour faire accepter leur optique, Marceau et Penninkx ont beaucoup insisté. En fait, cette attaque aurait dû se réaliser avant, mais vu que l’ennemi est arrivé par groupes successifs, ce ne fût pas possible.
Le 9 août 1944 au soir, tous les plans sont fixés et malgré des alertes venant du Vigan, rien n’est changé. Effectivement, des bruits courent dans la ville que l’attaque par le maquis va se faire. D’ailleurs le 9 août M. Olivès rencontre un paysan en remontant à l’Aigoual, ce dernier lui dit de ne pas aller au Vigan car les maquisards doivent attaquer le lendemain.
Le 10 août 1944, malgré tout, le plan est mis en oeuvre. Chaque groupe a une mission bien précise à remplir, par exemple pour le groupe onze , il doit se poster devant les écoles où sont cantonnés les arméniens. Le corps franc quant à lui, doit attaquer l’Hôtel du Midi qui est le PC des allemands. Ce groupe est composé de M. Castan et de Marceau.
Le plan doit être déclenché à 6 heures par un coup de feu, mais à 5 heures 45 une bombe explose, c’est une sentinelle de Rochebelle qui donne l’alerte, cet homme n’était pas signalé aux maquisards. L’attaque commence donc un quart d’heure avant l’horaire prévu et certains groupes qui ont pris du retard, ne sont pas en place. M. Castan nous a expliqué l’action du corps franc. Il est en retard sur l’horaire car, le car les descendant de l’Aigoual s’est embourbé. A 5 heures 45 malgré leur retard, Marceau décide d’effectuer la mission attribuée au corps franc, c’est à dire prendre l’Hôtel du Midi, ceci en l’attaquant avec des grenades pour frayer un passage aux hommes. A 5 heures 45 donc, les hommes avancent vers l’Hôtel du Midi mais dans le noir, ils ont du mal à discerner les allemands des maquisards, pour faciliter la reconnaissance, ils doivent siffler “La madelon”. Marceau et un maquisard nommé “l’alsacien” sont en tête du groupe et ils entendent des bruits vers l’Hôtel, dès lors, ils sifflent la chanson mais, en réponse ils reçoivent les tirs allemands.
Lors de cette bataille, Marceau est mortellement blessé, c’est un jour de deuil pour le maquis car, tous les témoignages convergent pour dire que Marceau avait une valeur militaire exceptionnelle et qu’il était un des moteur du maquis “Aigoual-Cévennes”. Cette bataille dont nous avons parlé est en fait floue car, nous avons donné ici la version de M. Castan qui fut témoin mais qui reconnaît avoir un souvenir troublé de ce jour, il se souvient d’illuminations, du bruit produit par les tirs nourris des allemands. En fait, le corps franc devait obliger l’ennemi à se rendre mais ce dernier, ayant été prévenu, a pu se préparer à l’attaque, de plus, les arméniens ne se rendent pas de façon spontanée comme l’espéraient les maquisards.
Au travers de nos recherches, nous avons trouvé deux coupures de journaux extraites du Midi Libre. L’une datée du 9 août 1945 et l’autre du 10 août 1994, cette dernière donne à voir un article de M. Aimé Vielzeuf. En fait, après lecture des deux extraits, leurs différences est frappante et M. Benoit nous a dit ne pas reconnaître les faits retranscrits dans l’article du 10 août 1994 car, l’attitude de Marceau qui avait une valeur militaire reconnue parait inconcevable. En effet, il s’avance avec l’alsacien et parlemente avec les allemands à trois reprises pour obtenir leur reddition. Cette version des faits contenue dans l’article du 10 août 1994 ne l’est pas dans celui du 9 août 1945 et M. Castan nous a dit que Marceau avait effectivement eu l’intention de parlementer mais il n’en avait pas eu le temps.
Cette remarque est un exemple parmi d’autre qui montre combien l’histoire de la résistance reste trouble car encore proche, et cela met en exergue la difficulté éprouvée par les étudiants pour interpréter les sources.
2. Du 14 au 24 août, le débarquement et ses effets immédiats
a) La situation dans la R3 à la veille du 15 août 1944
Le débarquement du 6 juin 1944 a permis aux résistants du Nord de passer à l’attaque. Au Sud, par contre, l’attente d’un débarquement sur les côtes méditerranéennes pose des problèmes. Les maquis sont de plus en plus importants, il faut par conséquent renforcer la sécurité tout en multipliant les actions extérieures pour ravitailler les hommes, ce qui est dangereux. De plus, l’attente exacerbe les passions et antagonismes politiques car, l’approche de la libération ouvre les appétits politiques pour la prise du pouvoir. Dans la R3, le PC s’infiltre progressivement dans les administrations et notamment dans le Gard où Michel Bruguier est le chef des FFI. Le maquis “Aigoual-Cévennes” refuse cette soumission, ceci a pour conséquence une résistance de plus en plus disparate à la veille du 15 août 1944 où elle devait être unie plus que jamais. En effet, tous les mouvements devaient être sous les ordres de Gilbert de Chambrun dit Carrel, chef des FFI-AS et Chauliac chef de la R3.
Comme nous l’avons dit précédemment FTPF et AS ayant une vision différente de la résistance, ils ne pouvaient pas s’entendre et s’unir. En plus de ces tensions internes , s’ajoute la dissémination des cadres de la résistance par l’ennemi. Les allemands affaiblis par la ponction de troupes au Sud, sont tendus. Cette tension est entretenue par les sabotages et harcèlements des maquisards ; ceci donne lieu à une répression aveugle de l’ennemi qui voit les alliés avancer irrémédiablement. Quel est l’état exact des troupes d’occupation et des forces de répression dans la R3 à la veille du débarquement Sud ?
Les forces allemandes sont sous le commandement du général Wiese de la 19 ème armée de l’air du général Petersen dont le QG est à Caperdu (Aude). Il y a aussi la 9 ème PZD du général Brittich positionnée dans la partie orientale du bas Languedoc dont le QG est à Nîmes et pour finir, la 11 ème PZD qui est elle dans la région de Toulouse-Carcassonne.
Les allemands craignant depuis longtemps un débarquement Sud, ont implanté un système militaire défensif surtout durant les années 1943-1944. A la fin de l’été 1943 est créé le mur de la Méditerranée et après le débarquement en Normandie, les allemands s’attachent à créer des lignes de fortification intérieures mais, l’opération au Nord oblige les forces ennemies à se diviser et ce sont des PZD entières comme la 9 ème par exemple, qui partent vers le Nord.
Ceci permet d’ouvrir une brèche dans le système défensif au Sud et, les allemands qui restent, sauf la 11 ème PZD sont généralement réservistes, très jeunes ou réquisitionnés de force, comme les hommes de l’OST légion . L’ennemi est donc affaibli à la veille du 15 août 1944 mais, il reste pour le soutenir les forces de répression françaises qui sont composées de la milice et des GMR.
Dans le Gard, les gendarmes sont quasiment tous montés au maquis, sauf la gendarmerie du Pompidou (Lozère qui à étroitement collaboré avec l’ennemi). La milice est mobilisée le 8 juin 1944, elle se compose dans la R3 de mille cinq cents à deux mille hommes en théorie mais, un certain nombre ne répondent pas à la mobilisation et seul des groupes bien précis participent à l’attaque des maquis aux côtés des troupes d’occupation.
b) Débarquement et mouvement des colonnes allemandes
Dans la nuit du 14 au 15 août a lieu le débarquement en Provence nommé l’opération “dragoon.” Cette opération met en présence deux mille navires, neuf porte avions, vingt-cinq croiseurs, quarante-cinq destroyers, deux mille avions et la première armée B française de deux cent cinquante-six mille hommes, commandés par le général Delattre de Tassiguy. Ceci est important car c’est la résistance extérieure qui prend pied en France et qui participe activement aux combats. Pour la résistance intérieure ce débarquement déclenche l’action directe. C’est dès le 14 août que les troupes d’occupation vont commencer à se replier vers le Nord, c’est dans ces mouvements qu’elles vont entrer en contact avec les maquis.
Il y a deux vagues dans ces déplacements .Une du 14 au 21 août avec les mouvements de la 11 ème PZD, de la 198 ème DI (Division d’Infanterie) vers le Rhône ainsi que le retrait d’un nombre important de personnel (chemins de fer …). L’autre a lieu à partir du 20 août, elle voit le déplacement de colonnes allemandes qui vont aborder le Gard. En fait, il s’agit d’unités qui viennent du Toulousain et même d’Aquitaine, elles appartiennent à la 716 ème DI, à des garnisons de villes, à des groupes de l’OST légion, au personnel des transmissions, des bases aériennes et aussi des éléments retardés de la 11 ème PZD.
La première vague se déplace dès le 14 août 1944 . Face à l’imminence d’un débarquement Sud, le général Wiese de la 19 ème armée, demande au QG du Fürher, le départ de la 11 ème PZD pour la Provence. Le 13 août Wittersheim a l’autorisation de bouger. C’est pourquoi elle commence à se déplacer le 14 août sur la RN 113 en direction de Remoulins mais, elle arrive trop tard pour contenir la poussée des alliées et c’est à ce moment là que les troupes de couverture de la 11 ème PZD empruntent les nationales 87 et 99.
La 11 ème PZD est composée du 15 ème régiment de blindés (chars Panther), précédé du 110 ème régiment de grenadiers blindés ainsi que divers services de la division du 209 ème bataillon des pionniers … Les troupes de couverture qui passent par les N 87 et N 99 se composent de nombreux véhicules de services de la Panzer, un détachement de reconnaissance blindé n°111 qui rejoint la N 99, un régiment blindé de la division …
Il est clair que ces troupes sont solidement armées et elles ont pour mission de traverser le Rhône pour rejoindre le gros des troupes allemandes. C’est le 23 août que la quasi-totalité de la 11 ème PZD sera sur la rive gauche du Rhône, au prix de nombreux accrochages.
c) Accrochage entre l’Aigoual-Cévennes et la première vague
Il faut voir maintenant la relation entre les déplacements de la 11 ème PZD et le maquis Aigoual-Cévennes. Au 15 août, chaque mouvement résistant a une mission bien précise. L’Aigoual-Cévennes est en position avancée par rapport aux FFI gardois, de plus il a une structure défensive importante, c’est pourquoi il va entrer la premier en contact avec les troupes d’occupation en mouvement. La mission “Minaret” donne au maquis l’ordre de tenir et neutraliser la RN 99 dès le 15 août.
Dès lors, c’est mille cinq cents hommes qui sont mobilisés sur l’Aigoual pour attaquer les allemands. Le jour du débarquement, l’action commence, elle se déroule sous forme d’embuscades tendues aux éléments de la 11 ème PZD, elles s’enchaînent du 15 au 18 août 1944.
Le 14 août, les maquisards de l’Aigoual sont postés au lieu dit l’Eglisette sur la N 89 entre Saint Hippolyte du Fort et Ganges, à côté du hameau de la Cadière. Ils doivent ralentir un convoi allemand. L’embuscade est bien préparée et chacun sait le poste qu’il doit tenir. Le but des hommes n’est pas d’éliminer l’ennemi mais, de le ralentir, une fois le contrat rempli de décrocher en bon ordre, pour éviter au maximum les pertes.
Dans le cas de la Cadière, les maquisards sont pris de court mais, ils arrivent à décrocher à temps sans perte en ayant endommagé quatre à cinq camions allemands, tué environ quinze hommes et fait autant de blessés.
En parallèle s’est effectué le sabotage du pont d’Alzon et celui du pont d’Hérault pour couper la N 99, mais ces sabotages ne sont pas réussis le 15 août car les maquisards manquent de matériel. Après cette date, les résistants ne rencontreront plus ce problème car ils vont avoir des parachutages .
Les accrochages se feront tous dans la région de la Cadière-Pont d’Hérault-Pont d’Alzon car ce sont des passages obligés pour la 11 ème PZD, c’est d’ailleurs pourquoi le pont d’Alzon, comme celui du pont d’Hérault vont être détruits malgré la gêne procurée aux populations civiles.
Le 16 août, seize hommes tendent une embuscade à Jauverte, à un kilomètre de pont d’Hérault. Une fois de plus, la supériorité numérique de l’ennemi empêche le combat mais les hommes ont le temps de décrocher tout en ayant rempli leur mission. Le 17 août dans une ferme, les maquisards tentent d’harceler les résidus de l’armée allemande mais, ils ont beaucoup de blessés car l’ennemi leur fait croire qu’il se rend et attaque au dernier moment. Dans la même journée, c’est au pont d’Alzon que les maquisards attendent l’ennemi. Ils sont environ soixante hommes avec deux mitrailleuses Hotchkiss et un fusil-mitrailleur. Une fois encore, les maquisards arrivent à partir sans pertes et laissant derrière eux, des allemands morts .
Le bilan de ces journées d’accrochages est positif car il y a peu de pertes pour les résistants alors que l’ennemi lui a à déplorer de nombreux morts , des blessés et surtout le moral des troupes est de plus en plus bas.
3. Marschgruppen et “Aigoual-Cévennes”. Des jours de gloire du maquis à la libération totale du Gard
A partir du 24 août, les hommes de l’Aigoual-Cévennes reprennent le chemin des combats après huit jours de repos. C’est le 23 août 1944, que la mobilisation générale contre l’ennemi est proclamée, dès lors, les maquisards quittent leurs refuges pour descendre dans la plaine.
a) Les Marschgruppen
Avant d’analyser les combats de “l’Aigoual-Cévennes” contre les colonnes allemandes, il faut expliquer ce que sont les Marschgruppen. Cette deuxième vague s’étale du 20 au 28 août 1944, elle se compose de quatre Marschgruppen qui sont les groupements de marche rassemblant des unités assez disparates . Le premier Marschgruppen est le plus important, il est constitué de la 716 ème DI étant venue relever la 272 ème division envoyée en Normandie au mois de juillet. Ce Marschgruppen est appelé la colonne de Narbonne, ville d’où il est parti ; il remonte lentement en passant par Saint Pons, Clermont l’Hérault, Canet, Gignac, Grabels, Montferrier, Jacou et arrive à Sommières le 24 août. A partir du 24 août, cette colonne se divise pour atteindre l’Ardèche.
Le second Marschgruppen appelé la colonne de Toulouse, est entièrement motorisé ; comprenant environ deux mille hommes, des éléments de la cinquième brigade de la Francazal, la Flack (DCA Allemande) et de la base aérienne de Toulouse. Cette colonne est commandée par de hauts gradés tels que le général Konrad Martin Nitche qui se suicidera à la Madeleine près de Tornac . La colonne va partir le 20 août de Toulouse pour passer par Albi, Clermont l’Hérault, Gignac ; le 24 août sa tête est devant Ganges où l’Aigoual-Cévennes va la rencontrer, de même que le 25 août devant Saint Hippolyte du Fort. Ce Marschgruppen aura à subir le combat de la Madeleine et atteindra l’Ardèche durement affaibli.
Le troisième Marschgruppen, nommé la colonne de Rodez, part le 18 août avec environ deux mille à trois mille hommes dont les éléments de la Luftwaffe, de l’OST légion et de la Feld gendarmerie. Cette colonne traverse l’Hérault par le Caylar, Aniane, Grabels, elle perd une partie de son arrière garde à Montferrier et aborde Sommières le 25 août. C’est là que “l’Aigoual-Cévennes” va connaître son plus beau combat et sa plus belle victoire. Ceci aura pour conséquence, la division de la colonne dont seulement la moitié pourra partir en passant par Vic le Fesq et Brignon.
Pour finir, le quatrième Marschguppen, nommé la colonne de Cahors est composé de mille huit cents hommes dont trois bataillons de l’OST légion . Cette colonne passe par Aniane, Saint Martin de Londres, Valflaunès cantonne le 26 août au soir à Corconne et entre à Quissac le 27 où elle surprend un groupe de l’Aigoual. Cette colonne sera parfois appelée la colonne des Mongols à cause des éléments de l’OST légion qui effrayent les populations. Elle atteindra l’Ardèche vers la fin du mois d’août 1944.
b) “L’Aigoual-Cévennes” : les jours de gloire
Ce qui frappe après cette description, c’est le passage systématique des colonnes par l’Hérault, le Gard et certaines villes. L’Aigoual-Cévennes qui est en poste sur la N 99 va rencontrer les Marschgruppen et se battre avec quelques éléments.
Le 24 août, la colonne de Narbonne passe devant Sommières et les maquisards en sont informés. Aux alentours de Sommières, est installé au bois de Pondres, le PC du commandant De Zutter, chef du secteur A de “l’Aigoual-Cévennes” dont le groupe de sabotage est en liaison avec ses chefs . L’accrochage est donc organisé à l’extérieur de la ville et les habitants sont priés de bien vouloir rester chez eux. Un coup de feu déclenche la bataille plus tôt que prévu, dans Sommières. Les allemands sont déroutés mais, ils réussissent à sortir de la ville avec des otages, pour être sûr de pouvoir avancer. C’est au bois de Piquet, à côté du bois de Pondres que l’ennemi est à nouveau attaqué par trois groupes de “l’Aigoual-Cévennes”. Les allemands sont déstabilisés et le calme revient le 25 août au matin, quelques soldats sont prisonniers et les autres continueront vers Uzès.
En parallèle, le jeudi 24 août, la colonne de Toulouse, dirigée par la général Nitche, arrive aux abords de Ganges. Les groupes de maquisards doivent ralentir la traversée de la ville par les allemands. Pour ce faire, ils se sont postés au bout des ponts par lesquels sont obligés de passer les troupes ennemies. Ce combat va durer dix heures, de six heures à seize heures et, l’ennemi se replie vers Ferrières les Verrières ayant à déplorer de nombreuses pertes et beaucoup de dégâts. Les maquisards ont eux huit morts.
Le 25 août, le maquis doit à nouveau faire face à la colonne de Toulouse, devant Saint Hippolyte du Fort. Cette ville est bien tenue par “l’Aigoual-Cévennes” et des groupes sont en place sur la route en direction de Pompignan, pour attendre l’ennemi. Les renforts arrivent progressivement et de nouveaux groupes sont installés dans la ville et sur les différentes routes qui l’entourent.
Lorsque l’ennemi arrive, il est vite dépassé car, les hommes de l’Aigoual tirent de toutes parts. Nonobstant son entrée dans la ville, l’ennemi ne réussit pas à se ressaisir et la colonne part en se dispersant, certains groupes se trompent même de route, ils vont vers le Cros, la route de Ganges et peut-être vers Sauve. Le bilan de cette bataille donne trente-huit morts allemands inhumés au cimetière communal, beaucoup de blessés et une centaine de prisonniers avec leur armement. Cette colonne a été mise à rude épreuve par “l’Aigoual-Cévennes” et elle va terminer cette journée par le combat de la Madeleine .
c) Du 26 août au 28 août 1944, derniers combats et libération du Gard
La 26 août, ce sont des éléments de la colonne de Rodez qui abordent Sommières et passent par la route de Saussines, ils décident de cantonner à Salinelles. Cette colonne assez importante possède en tête et en queue, une batterie anti-aérienne, elle est composée d’un groupe de Mongols qui effrayent les populations féminines . Les allemands veulent cacher leur matériel et leurs vivres. C’est Fauvette qui est envoyé en reconnaissance avec Charly, ils vont vers Salinelles et sur la route, ils capturent un sous-officier qui dit que les allemands sont tentés de se rendre. Dès lors, il retourne au PC allemand avec les deux maquisards, il porte sur lui les conditions de reddition imposées par De Zutter. Les allemands refusent ces conditions et en même temps De Zutter prévient “l’Aigoual-Cévennes” et Colas pour qu’ils envoient du renfort car l’ennemi est en sur nombre par rapport à eux. L’opération contre la colonne postée à Salinelles se monte progressivement ; Sharp contacte l’aviation alliée basée sur quelques porte-avions dans le Golfe du Lion en Méditerranée. Ce sont toutes les forces disponibles de l’Aigoual qui sont mobilisées et la dizaine de groupes présent amorcent l’encerclement de Salinelles.
Le 26 août à 17 heures 30, l’ennemi reprend sa marche et tombe sous le feu de l’aviation alliée, qui tue les servants de la FLAK et incendie les véhicules. La coordination entre les maquisards et l’aviation alliée a permis la prise de huit cent cinquante prisonniers, de récupérer un important matériel et du ravitaillement. Tous les témoignages convergent pour dire qu’à partir du 24 août, les hommes sont euphoriques et partent au combat sans réticence car, ils sentent la fin de leurs souffrances proche.
Pour “l’Aigoual-Cévennes”, le 27 août marque la fin des combats mais aussi un dernier jour noir.
Effectivement, ce jour-là, le 4 ème Marschgruppen qui a cantonné à Corconne le 26 août au soir, s’avance vers Quissac. Dans cette ville, se trouvent des maquisards de “l’Aigoual-Cévennes” dirigés par Bouvreuil . Leur fonction, se poster sur la route de Salinelles pour éviter la fuite d’hommes de la colonne de Rodez, harcelée par les maquisards à Salinelles. Ce sont soixante hommes qui sont postés le 27 août 1944. Malheureusement, c’est la colonne de Cahors qui arrive par derrière et les maquisards ne connaissent pas son existence. Surpris, les hommes de l’Aigoual ont du mal à changer leur position et même si beaucoup arrivent à décrocher, quatre sont tués dont Bouvreuil.
En parallèle, aux combats de “l’Aigoual-Cévennes”, les autres maquis ont eux aussi rempli leur mission et c’est ainsi que le 24 août, Nîmes voit les allemands partir, le 28 août Sommières est libérée et le Gard aussi. C’est la coordination entre les maquisards et l’aviation alliée qui a permis cette réussite.
Le 29 août, les maquisards de l’Aigoual vont tous à Nîmes où la nouvelle administration s’installe déjà depuis le 24 août.
C’est l’administration préfectorale mise sur pied par les CDL qui remplace celle de Vichy. Le préfet est M. Don Sauveur Paganelli, inspecteur général de l’instruction publique et membre du FN, les sous préfet sont à Alès, M. Laurent Spadalle membre du FN, au Vigan M. le Docteur Laget des M.U.R.
Le CDL s’installe dans les locaux du Conseil Général. Les maquisards ont fait ce qu’il devaient faire mais à la libération, tout va changer et la rupture va être difficile pour ces hommes qui ont vécu dans la clandestinité durant des années. Certains vont arriver à reprendre leur vie normale ; pour d’autres ce ne sera plus jamais comme avant la guerre.
INDEX
AS = Armée Secrète BCRA = Bureau Central de Renseignement et d’Action BOA = Bureau des Opérations Aériennes CCR = Comité Central de la Résistance CDLL = Ceux De La Libération CDLR = Ceux De La Résistance CDL = Comité Départemental de la Libération CFLN = Comité Français de Libération Nationale CLL = Comité Local de Libération CNR = Comité National de la Résistance COMAC = Comité d’Action (affilié au CNR) COMIDAC = Comité d’Action en France (affilié au GPRF) COSOR = Comité des Oeuvres Sociales de la Résistance DMR = Délégué Militaire Régional DMN = Délégué Militaire National DMZ = Délégué Militaire de Zone EM-FFI = Etat Major des Forces Françaises de l’Intérieur FFI = Forces Françaises de l’Intérieur FFL = Forces Françaises Libres FTP = Francs Tireurs Partisans GMR = Groupes Mobiles de Réserves GPRF = Gouvernement Provisoire de la République Française MLN = Mouvement de Libération Nationale MOI = Main d’Oeuvre Immigrée MUR = Mouvement Unis de Résistance NAP = Noyautage des Administrations Publiques PC = Parti Communiste PPF = Parti Populaire Français PZD = Panzer Division (Division blindée allemande) ORA = Organisation de Résistance de l’Armée SAP = Service Atterrissage Parachutages SOL = Service d’Ordre Légionnaire
AS : Armée secrète : le général Delestraint Vidal sur l’ordre de De Gaulle devient chef de l’Armée Secrète, ceci le 30 octobre 1942. En fait, cette armée comprend l’ensemble des formations Gaullistes pourvues d’armes et de moyens par Londres.
CDLL-CDLR : Ceux De La Libération et Ceux De La Résistance sont deux mouvements de la résistance dans la zone Nord.
CDL : les Comités Départementaux de Libération sont crées en 1944 afin de pourvoir chaque département d’une institution capable de remplacer celle de Vichy. Cela est même prévu au niveau local avec les CLL qui ont pour but de remplacer les hommes de Vichy dans les mairies.
CFL : Comité Français de Libération crée en 1944 dans le Gard, il est organisé par Michel Bruguier Audibert.
FFI : Forces Française de l’Intérieur : vu le désir d’action de certains mouvements résistants, Londres tente d’encadrer cela, des DMR : Délégués Militaires Régionaux sont parachutés en septembre 1943, certains délégués sont au niveau national, M. Bourges-Maunoury, M. Chalban-Delmas. Les FFI furent crées le 1er janvier 1944, elles englobent : l’AS des MUR, l’ORA, les divers maquis, groupes francs et les FTP, branche armée du FN à tendance communiste. A la suite de cela, la France est divisée en région militaire, notamment le Languedoc-Roussillon porte le titre de R3. En mars 1944, Koenig est le chef des FFI, le chef départemental du Gard est Michel Bruguier Audibert.
MUR : Mouvement Unis de la Résistance. Fusion en zone Sud des mouvements de résistance : Combat d’H. Frenay, Libération d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie (CGT-CFTC) et Francs-Tireurs Tillon (PC-FTP), ceci c’est réalisé sous l’impulsion de Jean Moulin en 1943.
SOL : Service d’Ordre Légionnaire, légion française des combattants, crée par la loi du 29 août 1940, elle remplace les anciens combattants, organisme à base civique-morale-sociale. Elle est en zone Sud seulement, elle s’occupe d’oeuvre sociale pour les prisonniers mais, une branche dure collabore et se range du côté de Darnand. Le SOL est d’ailleurs l’ancêtre de la milice.
SOURCES
Presse : Articles Midi Libre 9-10 août 1945, 28-29 août 1964, 10 août 1994
Entretiens oraux : M. Marcel Benoit, Lunel : 21 septembre 1994 M. Jean Castan, Nîmes : 14 décembre 1994 M. Laurent Olivès, Le Vigan : 19 octobre 1994
Archives privées : Archives Fauvette, M. Marcel Benoit Archives Alais : M. René Rascalon conservées par M. Marcel Benoit – cahiers – correspondances – textes officiels BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages généraux
A. GUERIN : La résistance chronique illustrée, 5 volumes (1976) J.F. MURRACIOLE : Histoire de la résistance en France, Que sais-je ? (1993), 126 pages H. NOGUERES : Histoire de la résistance en France, 5 volumes (1967-1981)
Ouvrages régionaux
G. BOULADOU : Les maquis du Massif Central méridional : 1943-1944, thèse de 2 tomes présentée à Montpellier (le 5 mars 1974) R. BOURDERON : La libération dans le Languedoc méditerranéen, Collection Libération de la France (1974) Colonel REMY : Les français dans la résistance, Encyclopédie sur la résistance dans le Languedoc-Roussillon, 2 volumes utilisés G. De CHAMBRUN : Journal d’un militaire d’occasion (1982) J. LAPICIERAS : Au carrefour de la trahison (1949). La libération dans le midi de la France travail de l’Université de Toulouse Le Mirail série, tome 35 (1986), pages 15 à 30 La situation militaire à la libération dans la région 3 par Jules Maurin A. VIELZEUF : Et la Cévenne s’embrasa (1965) La résistance dans le Gard et la Cévenne (1991) On les appelait Les bandits (1992) Au temps des longues nuits (1969) Epopée en Cévennes FTP-FFI (1976) Demain du sang noir (1970) Marceau (1993) Ouvrages sur les maquis du Gard et Aigoual-Cévennes
M. BENOIT : Courage camarades le matin vient, manuscrit 1964 A. JEANJEAN : Les années difficiles à la libération Août 44 à Sommières (1994) In Sommières et son histoire, tome 2, pages 110-188 F. LEONARD : Le groupe onze (1993) P. MAZIER : Quand le Gard se libérait… (1992) L. OLIVES : Souvenirs d’un enfant du siècle (1992) R. POUJOL : Aigoual 44 Ouvrage collectif Le maquis d’Ardaillès (1984) Ouvrage collectif Cévennes terre de refuge 1940-44 (1994) R. RASCALON : Résistance et maquis FFI Aigoual-Cévennes ( 1945) A. VIELZEUF : Les lieux de mémoire de la seconde guerre mondiale dans le département du Gard, collection chemin du souvenir (1994) Le mois d’août 44 à Sommières vu par les élèves du cour complémentaire Le procès d’Angelo Chiappe réquisitoire de Georges Servigne devant la cour de justice du Gard