Ce qui veut dire en allemand "Comte Zeppelin".
On parlait de lui aimablement en disant, le "Comte Fou" tant ses expériences aérostatiques étaient risquées.
Celui-ci, Général de Cavalerie en Retraite, a été l’inventeur et le réalisateur des dirigeables rigides entre 1900 et 1917, année de sa mort, et ses successeurs, en particulier le docteur Hugo ECKENER, ont continué son oeuvre après la première guerre mondiale, en se spécialisant dans la construction d’aéronefs commerciaux.
Le plus célèbre de tous est le "Graf Zeppelin" baptisé du nom du génial inventeur. De 1928 à 1937, il accomplit de nombreux vols, reliant FRIEDRICHSHAFEN, sa base allemande, à NEW-YORK ou RIO DE JANEIRO.
Son succès est dû au fait qu’il n’eut jamais d’accidents, et il fut désarmé au terme d’un service bien rempli, sans escales, sur les plus longues lignes aériennes du monde, en ce temps-là.
Les vols par avions réguliers, alors, se limitaient à des dessertes de 300 à 1500 Km environ ; ou bien à d’interminables voyages ponctuels et très longs, avec de nombreuses escales et du temps mort ; telles les lignes des "IMPERIALS BRITISH AIRWAYS" pour gagner l’Inde ou l’Australie, et les compagnies françaises pour desservir son empire colonial.
C’étaient là, surtout, des vols et des liaisons de prestige, d’ailleurs très aléatoires.
Aucun plus lourd que l’air ne pouvait se permettre les vols sans escales sur des milliers de kilomètres.
En effet, dans l’équation :
Poids du carburant embarqué / consommation au km parcouru
Masse et volume de l’aéronef
on se rend compte tout de suite à l’évidence que les ratios du bilan de l’économie de l’engin sont très remarquables, à telle enseigne, que la surveillance côtière des USA actuellement, est toujours confiée à bon nombre de "BLIMBS" [] qui se relaient continuellement au dessus de l’espace maritime.
Le ballon aérostatique foctionne selon le vieux principe d’Archimède (appliqué également aux gaz) selon lequel la force qui permet à celui-ci de s’élever est égale à la différence du poids de l’air atmosphérique déplacé et le gaz plus léger que l’air, contenu dans les ballonets autonomes de l’enveloppe ; soit, à peu près un kg par m3 de gaz. On comprend donc mieux ainsi l’énorme volume de ces engins.
Il n’empêche que – une fois le ballon stabilisé à l’altitude convenable, une force propulsive relativement modeste par rapport à son volume, suffit à le faire avancer à une vitesse appréciable avec une autonomie très importante qui a toujours pu être supérieure, dès le début, et maintenant encore, à celle des plus modernes avions commerciaux.
Témoins, les longues étapes de 11 000 km parcourus par le "Graf Zeppelin" en 1929, lors de son très fameux voyag autour du monde qui totalise 34 200 km en 300 heures 2 mn, soit 12 jours et demi de vol.
Les avions les plus performants, mettaient un mois et demi de temps avec leurs nombreuses escales… et avaries mécaniques.
La vitesse de croisère de " Graf Zeppelin " était : 100 km/h.
Sa vitesse en pointe, et par vent nul : 120km/h et 105 000 m3 d’hydrogène ;
Voyez quel chemin on pouvait parcourir – jours et nuits – pendant 24 heures.
LE GRAF ZEPPELIN CHEZ NOUS.
Le bruit s’amplifiant de plus en plus, venait de vers la gare de Sommières (nous habitions la "Savonnière" au faubourg du Pont) puis il s’enfla d’avantage et nous aperçûmes alors le Graf qui montrait sa proue au-dessus de la maison Tartès (aujourd’hui Centre d’Etudes Lawrence Durrell). Il avançait à vitesse réduite, nous semblait-il, ce qui nous donna tout le loisir de bien distinguer sa cabine en aluminium et les cinq moteurs qui vrombissaient.
Il y avait du soleil, aussi l’immense engin était-il semblable à un métal incandescent chauffé à blanc, et une réplique du soleil lui-même.
Il passa au droit de la route de Saussines qu’il croisa, et sur sa lancée alla plonger par dessus les arbres de la maison Gervais.
Ce qui était curieux, c’est que le bruit des moteurs n’était plus semblable à celui qu’on pouvait percevoir quand il venait du lointain.
Ils paraissaient, chacun, jouer leur partition musicale pour donner un son en relief tout à fait agréable à entendre.
Nous, les gosses, nous courions vers l’aire, derrière la maison, sans égard pour la famille Gervais, qui regardait vers le ciel depuis son balcon.
Puis, il disparut derrière Montredon , à notre vif regret.
La frénésie de voir passer le Graf était telle que la vie sommiéroise était suspendue un moment : le temps de le voir arriver, passer, s’éloigner et disparaître.
Les clients du coiffeur Fages, sur les quais, sortaient précipitamment du salon avec leurs blouses blanches et serviettes autour du cou et la figure boursoufflée par la crème à barbe savonneuse. Les consommateurs des cafés attenants les imitaient et traversaient la rue, leur verre à la main, et s’appuyant à la balustrade du trottoir d’en face, devisaient à qui apprécierait le mieux la puissance des moteurs, le cubage de l’engin… ou l’âge du commandant.
Chez PAGES, au "Coton", les ouvriers et ouvrières débrayaient les machines et s’installaient aux fenêtres en grappes humaines bien serrées pour ne pas perdre une parcelle d’un spectacle aussi rare qu’insolite mais intéressant.
Le curé n’avait "qu’une petite ouverture sur le ciel" oui, sur le ciel, depuis l’étroitesse du Planet, mais adressait une furtive bénédiction pleine d’onction à l’adresse de l’aéronef et de ses voyageurs.
Bref, ce passage pourtant connu depuis quelques années, renouvellait à chaque apparition, l’enthousiasme des foules, et les Sommiérois n’y échappaient pas, eux non plus.
Qu’il soit permis, encore une fois de plus à l’auteur de ces lignes, de témoigner combien les nombreux passages du "Graf" étaient populaires et rassemblaient les foules à le regarder croiser en Août au large du littoral méditérrannéen de Palavas-les-Flots, par exemple.
Une certaine fois, à la sortie de la messe et depuis le parvis de l’église de Vacquières, petit village de l’Hérault, au nord-ouest de Montpellier en 1935 ou 36, ce fut un spectacle à la fois insolite en même temps qu’éblouissant, d’apercevoir à 200 m d’altitude et quelques 600 m de distance, le "Graf Zeppelin" en majesté, vu de 3/4 arrière, argenté sur toutes les coutures ,tous moteurs stoppés.
Une réparation de synchronisation entre eux, sans doute, qui commandait que l’on arrêtât ses moteurs. Ce ne furent que des hourras qui montèrent de l’assistance pourtant composée de bon nombre d’hommes, anciens combattants de 14-18 et qui conservaient, alors, une certaine rancune pour tout ce qui arrivait d’outre-Rhin.
Au bout d’un court moment les cinq moteurs Meybach pétaradèrent, l’un à la suite de l’autre, et au bout de quelques secondes, ils enlevèrent de concert l’aéronef sous un angle d’envol rapide de 20° environ.
C’était aussi cela, voir évoluer le Graf Zeppelin de ses jeunes années, et la mémoire du Comte Fou nous est toujours aussi sympathique et vivante.
Pour en savoir plus, voir n° 590 de HISTORIA du mois de janvier 1996 : Le Comte fou Ferdinand Graf von Zeppelin.
Notes
] "BLIMBS ballons dirigeables souples.