NDLR : André Sauveplane, originaire de Salinelles a enseigné l’Espagnol au Lycée de Lunel.
Provençaliste averti, il consacre sa retraite à l’histoire locale et l’archéologie.
En 1991 il a publié chez LACOUR à Nîmes une étude sur « Le Château de Pondres et Les Montlaur » qu’il nous résume ici.
Le hameau de Pondres est situé près de Sommières, commune de Villevieille, entre le Vidourle, la route nationale Montpellier-Alès et le ruisseau d’Aygalade. Comme dans toute la région on trouve des vestiges remontant à la plus haute Antiquité tel le célèbre site de Fontbouisse.
Au sud de Pondres se trouvait une église depuis fort longtemps disparue « Sanctus Pancracius de Pondra ». C’était, d’après Goiffon, l’église d’un monastère ruiné, lui aussi, sans laisser de traces. Il est possible que ce fût l’église primitive de Pondres qui, du fait du nombre réduit de ses habitants, n’a jamais été paroisse.
Le premier texte faisant allusion à Pondres est de 1310. Le village comptait alors 15 feux. L’orthographe actuelle apparaît en 1435.
En 1725 on mentionne 80 feux.
Pondres est surtout connu par ses carrières déjà exploitées depuis l’Antiquité puisque on peut voir encore le chemin romain qui y conduisait. En venant de Sommières elles sont situées sur la droite de la route et l’accès en est très facile.
La pierre de Pondres est dorée, tendre et poreuse. Elle absorbe facilement l’humidité et s’oxyde vite, se recouvrant d’une mousse d’un vert noirâtre. Pendant des siècles elle a été utilisée pour la construction de maisons et aussi d’édifices plus importants, tels que l’ancienne usine de Sommières devenue l’Auberge du Pont romain.
Du fait de sa porosité on l’employait surtout pour construire les étages supérieurs. Facile à travailler, elle servait surtout à faire des éviers, des mangeoires d’écurie, des auges d’arrosage dites « piles », des bénitiers, des linteaux de portes, des margelles de puits qui portent encore la trace de l’usure profonde causée par le frottement du seau, des angles de maison etc.
Aujourd’hui, autour du hameau, des villas neuves ont fait leur apparition et, contrastant avec la beauté du paysage, le béton et l’éverite ont remplacé la traditionnelle pierre.
Le Château
Le fief de Pondres s’étendait sur plusieurs paroisses : à l’ouest Salinelles, toute la rive droite du Vidourle depuis le château de la Clotte, le Bru et le Villa avec le moulin « drapier et bladier » de Coumoulet jusqu’à l’embouchure d’Aygalade.
Primitivement le château était lié au monastère de St Pancrace cité plus haut. Pondres dépendit de la paroisse de Fontanès et se trouve aujourd’hui dans la commune de Villevieille. La ferme de Raymonville ainsi que les carrières sont de l’autre côté de la route d’Alès et certaines terres sont dans la commune de Souvignargues.
Les Origines
Il est certain que l’édifice primitif a été construit sur les fondations d’un village liguro-celte dont il ne reste rien.
Cependant on peut voir aux abords du grand bassin, des thermes parfaitement conservés avec deux baignoires de pierre, vestiges d’une villa gallo-romaine. Tout porte à croire qu’elle se situait dans la partie nord, nord-ouest du château.
Le donjon de la forteresse médiévale était dit « Tour de Bonne Garde ». D’après la tradition de la famille Montlaur, il s’agirait de la tour nord surmontée d’une tourelle hexagonale percée de quatre ouvertures.
C’est le point d’où l’on pouvait, vers l’ouest et le sud, embrasser la plus large vue.
La tour sud comporte des murs de 2,50 m d’épaisseur, un puits et un escalier à vis obturé. En plus elle est la plus rapprochée de l’axe Montpellier-Alès qu’elle commandait. Elle est la seule à être couronnée d’un chemin de ronde.
Le château est un vaste ensemble en forme de quadrilatère flanqué de quatre tours massives. Au cours des siècles sa construction a été remaniée plusieurs fois, particulièrement au temps de la Renaissance et sous la Révolution.
Les Premiers Seigneurs de Pondres
Il est noté dans la généalogie de Bertrand d’Anduze que Guillaume, seigneur de Sommières était présent à l’inféodation par le dit Bernard, du Château de Pondres à Bernard et Jean Fraisnel, frères.
En 1427 on trouve une donation du mas de la Clotte pour Pierre de Ganges.
Bertrand de Ganges avait hérité de son père du fief de Pondres (1552). En 1572 Antoinette de Ganges, veuve de François de Fauçon, épouse Jean de Greffeuille. C’était une famille très ancienne qui tirait son nom de la terre d’Aigrefeuil située près d’Anduze.
Nous n’avons aucun renseignement sur les transformations du château sous les Ganges et les Greffeuille.
En 1590 Pondres passera aux Crouzet par le mariage de Jeanne de Greffeuille avec Pierre Crouzet.
Les Crouzet étaient probablement d’origine protestante. Un Pierre Crouzet né à Sommières fut Receveur Général du Taillon en Languedoc. Il se convertit au catholicisme.
Son petit fils Antoine, né en 1616, baptisé au Temple fut seigneur de Pondres. Son fils Pierre Charles de Crouzet, né en 1654 fut seigneur de Pondres et du Villa. Il épousa en 1686 Jeanne de Montlaur Bousquet, fille d’Etienne, premier Marquis de Montlaur.
En 1740 Anne de Crouzet avait épousé Eugène Henri de Villardi Quinson.
Les Montlaur
Une des plus anciennes familles languedocienne dont le berceau était le château de Montaud(34).
Un de ses ancêtres les plus illustres fut Jean Ier, évêque de Maguelone.
Son épiscopat fut difficile et agité. L’essentiel de son oeuvre fut d’avoir facilité l’établissement de l’Ecole de droit de Montpellier et d’avoir ouvert des écoles aux pauvres d’où ne furent exclus ni les Arabes, ni les Juifs.
Nous retrouvons les représentants de cette illustre famille dans tous les troubles et toutes les guerres qui ont ensanglanté le Languedoc.
En 1622 le duc de Rohan associé aux protestants assiège Montlaur héroïquement défendu par le baron François de Montlaur. Il doit capituler le jour de Pâques, le château est démantelé et ses défenseurs massacrés.
Dans les mois qui suivirent Louis XIII vint en Languedoc avec son armée, reprit Sommières. Montmorency négocia avec Rohan qui demanda pardon au roi qui complimenta Montlaur devant toute la Cour et lui accorda le titre de marquis.
Pondres fut mêlée aux guerres de Religion à l’occasion des deux sièges de Sommières. (1573-1575).
C’est au XVIème siècle que le château avait été transformé en une belle demeure dans le style de la Renaissance italienne et en particulier des maisons patriciennes de Toscane.
La Révolution
En 1792 le Marquis se trouvait à Paris. Le Directoire de Sommières n’avait pas de force exécutive. Le 2 avril les Gardes Nationaux accompagnés d’un grand nombre d’habitants des villages voisins arrivent au château pour se faire livrer les armes qu’on y disait cachées… Le feu est mis en trois endroits différents. La destruction fut complète. On s’acharna sur la « salle des glaces », les toiles de maîtres, les objets d’art. Le lendemain des troupes d’inconnus achevèrent le pillage..
Le Marquis avait été arrêté à Paris, puis libéré le 9 thermidor. Ses fils avaient émigré. Il mourut à Pondres en 1817.
Ses biens furent partagés entre ses trois enfants. C’est le second, Isidore, qui hérita de Pondres. Il avait vécu en Bavière, puis à St Pétersbourg. C’était un musicien de talent. Sa grande fortune lui permettra de rétablir Pondres dans son ancienne splendeur. Il fut Conseiller Général et Maire de Villevieille. Son petit-fils Archambaut fut un chimiste réputé.
La descendance est aujourd’hui éteinte et le château fut vendu en 1920 à Jocelyn Pecout qui remit en valeur la propriété.
Le château de la Clotte, également détruit sous la Révolution, fut vendu à M.Rousset de Sommières. Le Villa a été restauré avec beaucoup de goût par M.Grimaud.
Pendant l’occupation, M.Pécout, secrètement affilié à la Résistance fut averti qu’il allait être arrêté et se réfugia dans l’Allier.
Les 24 et 25 août de violents accrochages eurent lieu à Pondres entre une colonne allemande en retraite et les maquisards.
Aujourd’hui le propriétaire de Pondres est M. Patrick Debras, architecte auteur de nombreuses réalisations en France, en Algérie et en Arabie Saoudite. Mélomane averti, il a essayé de faire revivre le château par la musique.
On visitera avec intérêt la chapelle, le grand escalier, la salle d’armes et au premier étage la salle à manger et la chambre des Montlaur, la salle des Etats transformée en salon de musique et la bibliothèque qui contient de nombreux documents provenant du Président de Crouzet et du comte Isidore.
L’intérieur de l’aile ouest n’a jamais été restauré depuis la Révolution.
Le Parc
On y accède par deux entrées ; celle qui est située sur la route de Sommières est surmontée de la couronne comtale.
Ce parc forme un immense trapèze irrégulier envahi par une abondante végétation qui donne au visiteur l’impression de pénétrer dans un domaine secret de poésie et de rêve. Il a perdu son aspect d’autrefois. Le jardin anglais créé par le comte Isidore a disparu ainsi que l’allée de platanes en double file qui le partageait d’un bout à l’autre. Le grand bassin subsiste encore au nord de la cour d’honneur, mais privé du groupe de plomb surmonté d’un triton.
On peut se perdre dans d’impénétrables sous-bois, envahis de lierre, de ronces, de lauriers, de millepertuis, de chèvrefeuille d’où jaillissent les pins, les chênes et les cèdres du Liban.
De cet ensemble naît une nostalgique poésie, une aura mystérieuse dans ce coin de notre terroir, un peu oublié mais chargé d’histoire.
J’ai eu le plaisir de le parcourir avec Monsieur Charles Humbert Jean de Villardi Quinson, huitième Marquis de Montlaur dont la bienveillance m’a aidé dans mes recherches.