Depuis toujours les courses de taureaux (type Camarguais) ont appartenu à nos coutumes locales.
De nos jours, l’on assiste à un regain d’intérêt pour ce « folklore » ; ceci est dû en partie à l’afflux des touristes, mais aussi à un certain retour aux sources et à une recherche d’iden-tité causés par notre civilisation moderne.
La tradition pure demeure néanmoins assez respectée dans son ensemble.
Au cours du siècle précédent les choses n’allèrent toujours pas aussi bien et de nombreux incidents et accidents obligèrent les Préfets de notre département à prendre des arrêtés qui, actuellement, provoqueraient une vraie révolution.
Ainsi celui du 19 Janvier 1841 (n° 15) [
« Nous maître des Requêtes, Préfet du Département du Gard, Commandeur de la Légion d’Honneur,
– Vu les arrêtés de nos prédécesseurs qui prohibent les courses de taureaux ;
– Informé que cette sage mesure a généralement cessé d’être observée dans le département ;
– Attendu que des plaintes se sont élevées de toute part contre ces courses, qui, outre qu’elles habituent les populations à des actes de cruauté (déjà !), plongent chaque année une foule de familles dans le deuil ;
Arrêtons :
Article premier : Les arrêtés de nos prédécesseurs sont remis en vigueur. En conséquence, à partir de ce jour, les courses de taureaux sont rigoureusement interdites dans toute l’étendue du territoire de chaque commune du département.
Article deux : MM. les maires, commissaires de police et la gendarmerie sont chargés de l’exécution du présent arrêté qui sera publié et affiché dans toutes les communes du département.
Le Maître des Requêtes, Préfet du Gard
Baron de Jessaint »
Le commissaire de police municipal fut chargé de veiller à l’exécution de cet arrêté.
Devant cette interdiction, la population commença à s’émouvoir, puis trouva un moyen pour passer outre l’interdit. En 1853, nos concitoyens se mirent d’accord avec un manadier du Caylar pour conduire des taureaux jusqu’à Sommières, sans autorisation, bien sûr.
Le maire Emile Boisson, devant l’agitation provoquée, et compte tenu de l’arrêté du Préfet, dressa un procès verbal de l’infraction, qu’il fit parvenir à Nîmes.
Quant au Commissaire de Police, il jugea plus prudent de se faire oublier.
Paradoxalement une circulaire du 10 mai 1811, adressée aux Maires par le Baron Rolland, préfet du Gard, pour la naissance de sa majesté le Roi de Rome avait, pour un temps, levé l’interdit.
« On pourra renouveler tous les anciens usages chers aux habitants, courses, jeux taurins ; la fête se déroulera le 2 Juin, jour de Pentecôte ».
L’Empire écroulé, on reviendra aux anciennes lois qu’il faudra à nouveau et toujours essayer de contourner.
Les différents Conseils Municipaux s’en émouvront. Dans le registre de Délibérations, on lit par exemple, à la date du 23 Août 1911 :
« Séance du Conseil Municipal en faveur du Maintien des Courses de taureaux. [
– Considérant que plusieurs projets de loi ont été dépo-sés, soit à la Chambre, soit au Sénat, et que leur adoption par le Parlement pouvait entamer comme conséquence indirecte la suppression des courses de taureaux ;
– Considérant que jusqu’à ce jour, les courses de taureaux ont été tolérées par l’administration, et que chaque fois que les pouvoirs publics ont voulu procéder à leurs suppression ils ont provoqué d’énergiques et justes protestations de la part des défenseurs des libertés ;
– Considérant que la suppression des courses de taureaux constituerait une grave atteinte aux franchises méridionales dont jouissent de paisibles populations pour lesquelles ce spectacle présente l’attrait particulier d’un divertissement favori auquel chacun est libre de ne pas assister ;
– Considérant que les courses de taureaux attirent dans notre pays une affluence considérable de visiteurs, qu’elles sont utiles à son développement et à sa prospérité, et que leur intervention lèserait de multiples intérêts ;
– Considérant enfin, qu’au cas de suppression des courses, le public habitué à y assister, se rendrait en foule hors de la frontière voisine pour jouir du spectacle, au grand détriment de notre commerce local ;
– pour ces motifs :
– demande instamment aux Pouvoirs Publics de respecter les traditions et les usages locaux, alors qu’ils n’ont rien de contraire à la liberté de chacun, à la morale et à la tran-quillité publique ,
– les invite à autoriser les courses de taureaux dans toutes les communes où elles ont été en usage jusqu’ici, cet usage se déterminant par la présence d’arènes, d’amphithéâtre, sur le territoire de la Commune ».
Nous ignorons la réponse du Préfet. Quoi qu’il en soit, sur tous les programmes des Fêtes de cette époque, les taureaux sont toujours présents.
Les courses doivent leur origine aux divertissements des fermiers et des valets des grands mas. Le dimanche, par jeu, on attachait aux cornes des taureaux un « attribut » (pompon, cocarde) ; les plus téméraires rivalisaient d’adresse pour s’en saisir à l’aide d’un « crochet ».
Bien souvent, cela se passait dans la grande cour du mas.
Ainsi est née la course libre, qui se codifiera au fil des ans pour devenir ce qui est aujourd’hui la course Camarguaise, ce qui n’empêche pas quelques remous dans le monde de la bouvine. (Arènes du Grau du Roi).
Au début, les courses, à Sommières, avaient pour cadre les places publiques, Marché, Aires, Bourguet, Esplanade ; des photographies et quelques cartes postales en témoignent.
Il suffisait de construire un rond avec des charrettes, des tonneaux, des claies, des planches, le tout solidement arrimé.
Chaque spectateur apportait sa chaise ou son banc, et venait encourager les amateurs. Les taureaux arrivaient à pied, encadrés par les gardians à cheval. Ces courses, ainsi que d’autres jeux, animaient essentiellement les fêtes de quartiers.
Des arènes en bois furent construites à l’entrée de l’Esplanade, face à l’actuel « Café de l’Esplanade ». Mais l’inondation du 26 Septembre 1907 emporta pratiquement tout.
En 1952, il fut décidé de la construction de nouvelles arènes, cette fois au fond de l’Esplanade, sur l’emplacement du petit jardin dont beaucoup se souviennent encore.
De structure métallique, avec une enceinte extérieure en moellons, elles résisteront mieux à la terrible Vidourlade du 4 Octobre 1958, mais succomberont sous les coups des engins mécaniques venus les démolir afin d’ériger sur le même site une construction en béton armé, plus vaste et plus conforme aux normes de sécurité.
Quelques cartes postales en témoignent :
• 1903 : un cliché assez rare (n° 3) faisant partie d’une série numérotée. Edition Paulet.
Le rond était construit sur l’emplacement de l’actuel parking Place de la République, ceci afin de laisser libre circulation sur la route Montpellier-Alès.
• 1909 : Cliché B.Alexandre, photo Sommières. Plus courante, elle nous présente une course place du Marché.
Grâce à ces deux cartes, il est possible de se faire une idée de l’intérêt manifesté par la population pour les taureaux, car le nombre de personnes massées sur les charrettes, balcons, estrades, tonneaux est très important.
• 1936 : Une série numérotée, (3 cartes) – Editions Trazic Sommières, photo Joan Van der Kerken montre l’intérieur des arènes, avec taureaux et razeteurs en poste.
• Une autre carte de la même année, Collection Louis Christol, reproduit l’entrée principale des arènes.
• Plus récemment, sur un cliché, Edition SMD Cim, on retrouve l’entrée des arènes, et l’on peut distinguer la surélé-vation des gradins afin d’augmenter le nombre de places.
• Enfin (1975, couleurs – Edition SL), dans la plus pure tradition taurine, c’est une « abrivado » devant l’horloge qui est le sujet retenu par le photographe.
Si contrairement à Lunel, Aigues-Mortes, Beaucaire, il n’y a pas profusion de cartes postales sur nos traditions tauromachiques locales, la « Fé di Bious » n’en est pas moins toujours très vive.
La récente inauguration des arènes le 28 Juin 1992, en présence des autorités départementales, municipales, du monde de la bouvine, et d’un nombreux public en est la preuve éclatante.
Notes
] Archives Départementales du Gard. Recueil des Actes Administratifs de la Préfecture
] Registre de délibérations du CM-Sommières.