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JACQUELINE GAUSSEN SALMON – Site de Sommières et Son Histoire

N.D.L.R : Frédéric Gaussen vient de publier un livre d’art sur l’oeuvre de sa mère, le peintre Jacqueline Gaussen Salmon1. Il évoque ici les relations privilégiées entre cette artiste et Sommières.

En 1928, Jacqueline Salmon, élève de l’Ecole des Beaux-Arts, épouse Ivan Gaussen, issu d’une vieille famille sommié­roise. Pour cette jeune fille de 22 ans, cet évènement n’aura pas qu’un aspect sentimental et familial. Cette union lui fera faire la connaissance d’un pays qui l’enchantera et où elle puisera une part essentielle de son inspiration. Jacqueline Gaussen Salmon a beau­coup peint : à Paris, où elle résidait ; en Normandie, en Bretagne ou sur la Côte d’azur, où elle fit plusieurs séjours. Mais c’est à Sommières, où elle passait ses vacances dans son atelier de la Grand Rue, qu’elle a réalisé la plupart de ses toiles les plus impor­tantes2.

Née le 1er mai 1906 à Paris, Jacqueline Salmon n’était pas entièrement étrangère à la région. Un ancêtre paternel s’était fixé près de Nîmes au XIXe siècle pour y exploiter un domaine viti­cole. Et l’un de ses oncles a longtemps enseigné les mathéma­tiques au lycée de Nîmes. Mais ces liens familiaux s’étaient relâ­chés et le seul contact qu’elle a eu, dans son enfance, avec le midi se résume aux visites qu’elle faisait régulièrement à son grand-père, le colonel de cavalerie Charles Salmon, qui avait pris sa re­traite à Marseille. Pour espacées qu’elles aient été, ces rencontres ont joué un rôle capital dans sa vocation. Ce vieux militaire, per­sonnage chaleureux et haut en couleur, était un passionné de peinture. Habitué des salles des ventes et des ateliers d’artistes, il s’était constitué une collection de tableaux où se côtoyaient des peintures anciennes, de l’école française ou italienne, et des toiles d’artistes provençaux contemporains (Monticelli, Richebé, Giordani, Rolland, Fortuney, Olive de Martigues…). C’est dans ce petit musée familial qu’enfant elle a fait la découverte d’un art qui n’était guère en vogue dans son entourage immédiat. En contemplant ces toiles aux couleurs vives – puis en copiant quelques-unes d’entre elles – elle a pris spontanément conscience d’une vocation vivement encouragée par le bienveillant aïeul. Lorsque plus tard elle évoquera ces séjours marseillais, elle ne pourra séparer dans son souvenir les images du grand père, de celles des tableaux et de la campagne provençale. "Pendant bien des années de mon enfance et de ma prime jeunesse, écrit-elle dans son journal, le jour de Pâques, nous étions à Marseille. (…) Il fai­sait toujours en ce temps-là un gai soleil, un commencement de chaleur qui vous faisait sortir les premières toilettes de l’été, et c’était une fête dans nos coeurs et dans le ciel. Nous retrouvions à midi notre joyeux grand-père, en sa sagesse sereine d’auguste pa­triarche. Tout le déjeuner n’était qu’une fusée de rire, dans cette salle à manger comme on n’en verra jamais plus : bondée de ta­bleaux lumineux, remplie de meubles, de livres, de journaux. (…) L’après-midi se passait en promenade lointaine, au bord de la mer ou dans les pins. J’ai un très lointain souvenir de colline boisée, irréellement pleine de genêts qui en faisait une somptueuse traînée d’or pur." Elle aura encore dans les yeux le souvenir de ces "col­lines boisées" et de l’or des genêts, lorsqu’elle découvrira la Coustourelle et la garrigue sommiéroise…

Une fois ses études terminées à l’école du Temple de l’Etoile à Paris, elle s’inscrit à l’Académie Julian pour apprendre le dessin. En 1926, elle est admise au concours d’entrée de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, dans l’atelier de Pierre Laurens. Elle y restera trois ans, à suivre un enseignement extrêmement formateur sur le plan technique, mais parfois frustrant du point de vue artis­tique. Elle reconnaîtra par la suite qu’il lui aura fallu un certain temps pour s’affranchir du formalisme des Beaux-Arts et trouver sa véritable personnalité. Dans cette recherche, l’influence de la lumière et des couleurs qu’elle découvre sur les bords du Vidourle ou dans les Jardins de La Fontaine de Nîmes sera déterminante. Dès les premières années de son mariage, elle se plonge avec dé­lectation dans cette atmosphère. Elle peint la tour et les remparts de Sommières, la Vignasse et la Coustourelle, les rives du Vidourle, les toits de la vieille ville, les capitelles et les masets, les ruines de Montredon, le château de Villevieille … mais aussi des scènes plus typées comme la Foire aux ânes à Sommières en 1930 ou les traces de la Vidourlade de 1933.

Trois tableaux de cette série sont entrés dans le domaine public : "La vallée du Vidourle", acheté en 1932 par la Ville de Nîmes pour son Musée des Beaux-Arts, "Le château de Villevieille", acquis par l’Etat au Salon des Artistes français en 19331 et "Les vieux remparts", acheté en 1933 par la ville de Sommières, dont Raoul Gaussen le frère de son mari était le maire. Cette toile se trouve actuellement dans le bureau du maire, mais les visiteurs qui pénètrent dans la salle du conseil municipal peuvent en voir une autre version de plus grande taille. L’année précédente en effet, en 1932, elle avait fait un grand tableau des remparts du château pour son ami le chansonnier Poussigue-Meyrel. Peu de temps avant de mourir en 1993, le fils de ce der­nier, le chef d’orchestre Henri Poussigue, en a fait don à la ville. Ainsi les Sommièrois peuvent comparer ces deux visions du même lieu, réalisées par la même artiste à un an de distance.

Henri Poussigue possédait un autre tableau de Jacqueline Gaussen Salmon, qu’il a légué dans les mêmes circonstances à l’un de ses amis sommiérois : c’est le portrait de son père, Poussigue Meyrel. Ce musicien, qui mena une carrière internatio­nale de chansonnier, est bien connu des Sommiérois pour ses poésies en languedocien "Las cansouns dau Maset". La mémoire de cette vieille famille sommièroise (qui compte aussi le poète et auteur de comédies en langue d’oc Poussigue junior, frère de Poussigue Meyrel) est évoquée par la plaque apposée sur la mai­son qu’ils habitaient au 5 rue de la Taillade.

C’est à peu de distance de là, au 4 rue Antonin Paris (ancienne Grand Rue), qu’en 1936, Jacqueline Gaussen Salmon et son mari s’installent dans une vieille maison, dont elle fera la dé­coration elle-même (avec de grands panneaux peints représentant les vendanges, la cueillette des olives, des fleurs ou des natures mortes) et où elle aménage, dans l’ancien grenier, un vaste atelier. Des tableaux sur Sommières faits à cette époque, le plus marquant est incontestablement "Le pont romain à Sommières" (1933), une toile de grande dimension (89/130), dont la grâce et la fraîcheur rappellent celles de Corot, le peintre dont, à cette époque, elle se sentait le plus proche.

Mais elle ne peint pas seulement à Sommières. Ses prome­nades dans la région la conduisent au Jardin de la Fontaine à Nîmes, au Grau du roi et à Aigues Mortes, à Sauve ou au pont d’Ambrussum. De ces années trente date également une série de gravures sur bois consacrées à Sommières (le pont, le château, les rues basses) et au château de Villevieille1 , ainsi qu’à de nombreux monuments de la région : les arènes, la tour Magne et le temple de Diane, à Nîmes ; le duché d’Uzès ; le pont du Vigan ; l’église des Saintes Maries de la mer ; l’arc de triomphe d’Orange ; les Alyscamps d’Arles ; l’arc de triomphe de Glanum, à Saint Rémy de Provence ; l’église de Villefranche de Rouergue… On lui doit aussi un bois gravé représentant le portrait de Frédéric Mistral. Une dizaine d’années plus tard, au début de la guerre, elle fera une autre série de gravures sur bois, à Paris cette fois, dans le quartier du Marais où elle venait d’emménager.

Ce que Jacqueline Gaussen Salmon a appris au contact du midi, c’est que la peinture est d’abord un art de la couleur. Une conception qui tranche avec l’enseignement des Beaux-Arts, qui mettait essentiellement l’accent sur le dessin. Dans un livre qu’il a consacré à Pierre Laurens, le maître de Jacqueline Salmon aux Beaux-Arts, le philosophe Jean Guitton remarque que chez lui "jamais la couleur ne paraît aimée pour elle-même". "C’est à mon sens, la limite de cet art trop sobre, trop tendu", ajoute-t-il. En re­gardant les verts contrastés de la garrigue et des eaux du Vidourle, les couchers de soleil et les ciels d’ orages, l’or des genêts et la patine des vieux murs, Jacqueline Gaussen Salmon, dont le rêve était de restituer par ses pinceaux la somptuosité de la nature, a dé­couvert toute l’étendue de sa propre palette. C’est Sommières qui l’a révélée à elle-même.

Ce regard qu’elle a porté sur la nature explique que, a contrario, elle n’ait jamais voulu se cantonner dans la peinture ré­gionaliste, même si cette spécialisation pouvait avoir un intérêt commercial. Si elle arpente sans relâche les mêmes chemins de la campagne sommièroise, pour refaire les mêmes paysages, ce ne sont pas les sujets en eux-mêmes qui l’intéressent d’abord, mais la leçon de peinture qu’ils peuvent donner. Une fois celle-ci acquise, elle s’en détourne pour d’autres sources d’inspiration. C’est ce qui explique que dans une carrière si brève, elle ait abordé tant de thèmes – paysages, portraits, natures mortes, scènes d’intérieur… – et représenté tant de lieux divers. Elle interrogera les ciels nor­mands, bretons ou de l’Ile de France, avec la même attention pas­sionnée que ceux du Languedoc. Mais dans cette multiplicité des lieux susceptibles de l’instruire et de la séduire, Sommières oc­cupe, malgré tout, une place particulière : c’est là qu’elle revient pour méditer. Pour se confronter à elle-même.

Il y a trois "périodes sommiéroises" dans l’oeuvre de Jacqueline Gaussen Salmon. Chacune correspond évidemment à des circonstances particulières de sa vie personnelle. Mais, dans cette carrière où la vie privée et la création artistique se mêlent inex­tricablement, on peut voir comment elle s’est servi des hasards de l’existence pour nourrir son art et avancer dans sa recherche.

La première période correspond, on l’a vu, dans le commen­cement des années trente, aux premières années de son mariage et à la découverte du midi. La deuxième coïncide avec le début de la guerre, qui la contraint à un séjour forcé loin de Paris. La troi­sième est celle de l’immédiate après-guerre, où, les voyages repre­nant, elle revient sur son terrain d’élection pour tenter d’y expri­mer la révolution intérieure qu’elle est en train de vivre sur le plan artistique.

"4 septembre 1939, 10 heures du matin". Les Français ont appris, la veille, la déclaration de guerre. Jacqueline Gaussen Salmon se trouve seule à Sommières avec ses enfants, son mari ayant déja rejoint la capitale. Cette nouvelle lui porte un tel coup qu’elle éprouve le besoin d’écrire pour elle-même ses impressions. "Ainsi donc depuis hier mon pays est en guerre ! Cet état que l’on croyait précipité dans le passé, que l’on n’évoquait plus qu’avec un peu de lassitude, le voilà revenu… la grande pénitence, que nos aïeux, au cours des siècles, ont connue périodiquement, c’est pro­bablement un effet même de la constitution du monde que nous en prenions notre part"…C’est le début d’un journal qu’elle tiendra presque quotidiennement jusqu’à sa mort, en 19481. Pour l’his­toire de Sommières ce document est précieux : on y trouve consi­gnés, à côté des grands évènements nationaux, toutes sortes d’im­pressions, de petits faits, qui font revivre l’ambiance si particulière de la "drôle de guerre" : la pagaille de la mobilisation, l’inquiétude et l’incompréhension devant l’attente, la vie qui continue comme en suspens. Mais c’est avec son oeil de peintre qu’elle observe cette agitation déboussolée. "Les routes encombrées de chariots hybrides, d’hommes magnifiques dans leur rugosité, offrent seu­lement le spectacle peu coutumier de ces costumes militaires déla­vés et mal ajustés, qui ont un si puissant caractère et une si rude beauté, et que je voudrais tant peindre. Tout homme qui le porte semble consacré, épousant plus exactement le plein air, les verts et les ocres, le teint plus bistre, le regard plus profond. Lorsqu’ils se déplacent par groupes avec la lenteur de ceux qui "attendent" sur le gris d’une route, c’est un ensemble d’une beauté saisissante"…

Bloquée à Sommières par les événements, elle y restera jus­qu’à la fin de l’année. En janvier, elle peut rejoindre Paris, mais le 24 mai 40 la "débâcle" la ramène à Sommières – qu’elle a la sur­prise de voir envahie par les réfugiés belges. "A Sommières étaient arrivés cette nuit 1200 jeunes Belges de quinze à vingt cinq ans, de grands enfants charmants qui ont rempli la ville (…) Ces Belges emplissent les rues, tous les carrefours de la ville regorgent de ce surcroît de population à qui il est interdit de sortir de l’enceinte. Par grappes sur les murs, dans les rues, près des fontaines, ils er­rent tout le jour, démunis de tout, désoeuvrés et sans but. Ils cou­chent dans des hangars, des remises et possèdent pour toute for­tune un petit récipient (casserole, assiette, bol cuvette) ; ils se ren­dent deux fois par jour aux cuisines organisées par quelques-uns d’entre eux…"

Pour conjurer l’angoisse de ces temps incertains, elle met à profit ces séjours forcés pour peindre sans relâche. Les toiles de cette période – des paysages, des scènes de masets, des portraits de famille, des enfants dans un cerisier…- reflètent une grâce non­chalante, un bonheur de vivre, qui contrastent volontairement avec la tension de l’époque. Une notation dans son journal, du 20 sep­tembre 1939, montre à quel point la peinture constitue le seul havre de paix dans cette atmosphère oppressante : "Angoissée, les nerfs à vif, soulagée seulement par les larmes, la journée se passe dans une fébrile impatience. Je me suis tracé un programme auquel je me tiens à la lettre, avec la crainte irraisonnée de ne pouvoir terminer ce qui est commencé. Un moment apaisant toutefois, c’est celui où dans le jardin calme de la petite L., je peux reprendre mes pinceaux et me redonner tout entière à ma tâche (…)"

Dans l’oeuvre du peintre, ces toiles faites dans des circons­tances si graves semblent appartenir encore à la manière gracieuse et légère qui caractérisait sa production d’avant-guerre. La tension, l’intensité dramatique vers lesquelles, les épreuves et la maturité aidant, elle se dirigera dans les années qui viennent, ne sortent pas encore de ses pinceaux. Une métaphore météorologique qui vient sous sa plume, par une journée pluvieuse de décembre à Nîmes, montre bien d’une part le contraste entre les orages qui menacent et la consolation que procure la contemplation de la nature et d’autre part le sentiment qu’il y a, au coeur de cette nature, une beauté profonde et mystérieuse qu’elle rêve de retranscrire dans ses toiles, sans y parvenir encore tout-à-fait.. "Une pluie battante de­puis plusieurs jours. Une pluie navrante, désespérante, un ciel morne, comme si toute la lumière du monde avait fini pour tou­jours. Mais quelle beauté que la Fontaine, un jour pareil ! Une gra­vure en trois couleurs, avec le velouté même d’un parchemin soyeux sur les verts sombres et les noirs des arbres. Quel cuisant regret de ne pouvoir peindre une telle chose – si puissamment, si irréellement belle".

En l’occurence, ce "cuisant regret" éprouvé au jardin de la Fontaine ne restera pas sans réponse. Cinq ans plus tard, lorsque, après bien des tentatives, elle sentira qu’elle approchait du but recherché, elle reprendra ces toiles nîmoises et les reproduira pour tenter d’y mettre ce qui lui avait échappé alors. C’est que pendant les années de guerre, sa manière s’est considérablement modifiée. Recherchant avant tout l’émotion et le choc visuel que provoque l’éclat de la couleur et de la lumière, elle fait une peinture beaucoup plus directe, plus provoquante, traitant la matière en elle-même, par couches épaisses. La transparence et la légèreté du début font place à une densité, à une énergie tragique, comme si le regard du peintre s’était départi de l’innocence de la jeunesse pour débus­quer le feu intérieur et la violence intime de la nature.

Lorsque elle aura le sentiment de tenir au bout de ses pin­ceaux cette nouvelle vision qu’elle a du monde, elle commencera par tester cette découverte en reprenant dans son atelier des toiles anciennes. Ainsi, elle reproduit des tableaux peints à Sommières avant-guerre – "le Cyprès", "Le Puits romain à Villevieille", "Cerisiers en fleurs…"- ou une série de paysages réalisés à Lisieux, en Normandie, trois ans auparavant. En même temps, elle reprend son chevalet et sa boîte de couleurs et repart sur les che­mins familiers pour retrouver le contact avec le motif : Villevieille, la Coustourelle, Montredon, les bords du Vidourle… Mais à la différence de ses expéditions précédentes, elle ne recherche plus les horizons lointains et les vastes paysages, mais se rapproche le plus possible du concret, de la pierre et de la terre. De plus en plus, elle pense que, contrairement à ce qu’on enseignait aux Beaux-Arts, ce n’est pas le sujet qui fait la grandeur du tableau, mais le traitement de la matière picturale elle-même. Ses plus belles toiles de cette dernière période seront des sujets très simples, presque prosaïques, pris dans sa maison de la Grand Rue – "le Porche", "l’Escalier", "les Toits à Sommières" – ou dans celle de parents – la Cour" -. Ce sont des toiles de grande dimension, trai­tées avec fougue et exprimant crument l’énergie contenue dans la matière et la nature. Voici ce qu’elle écrit, le 20 septembre 1946, après avoir terminé "Les toits de Sommières", qui sont un peu son "chef d’oeuvre" de cette période : "Les tuiles dévalent comme de longs serpents de pierres précieuses, se tordent en convulsions comme les laves d’un volcan rose pâle, brusquement pétrifiées. Les pins de la colline sont secs, caillouteux, dans un sol aus­tère…"

Cette description d’une matière ardente, convulsive, aurait pu aussi convenir au tableau, le dernier et peut-être le plus beau, qu’elle a peint l’été 1948 à Montredon (Porche à Montredon), où l’on peut voir un enchevêtrement de pierres et de végétaux, aux teintes brunes et dorées, éclairé de l’intérieur par un rayon de soleil qui se fraie un chemin à travers les ruines et les broussailles.

Ce tableau, à vrai dire, n’est pas tout-à-fait le dernier. Lorsqu’elle meurt subitement, en se baignant sur la plage de Maguelonne, le 1er septembre 1948, elle laisse une toute petite toile inachevée : une autre vision de Montredon, où l’on devine au loin la vallée du Vidourle par-delà un mur en ruine. Par un clin d’oeil du destin, sa vie artistique se terminait là où elle avait vrai­ment commencé : dans la campagne sommièroise.

Par son ampleur et sa diversité, l’oeuvre de Jacqueline Gaussen Salmon dépasse le cadre local. Mais du fait de l’influence que Sommières a eue sur sa genèse et son évolution, elle fait in­contestablement partie du patrimoine culturel de cette région. C’est pourquoi il serait légitime que les Sommiérois et les visiteurs y aient accès de façon permanente1. Le projet adopté, le 19 avril 1991, par le conseil municipal de faire un musée dans les locaux de la mairie, lorsque celle-ci aura déménagé, en donnerait la pos­sibilité. On ne peut que souhaiter qu’il voie le jour.