A. JEANJEAN
Tout visiteur attentif peut très facilement remarquer que notre église paroissiale St Pons présente une anomalie peu courante : elle n’est pas orientée ouest – est vers le tombeau du Christ, mais sud – nord. Quelle en est la raison ? C’est ce que nous allons essayer de déterminer à travers la tumultueuse histoire que cet édifice a vécue au cours des siècles.
Les origines
Une tradition respectable et bien établie assure que Sommières a reçu la lumière de l’Evangile dans la seconde moitié du IVe siècle. Ce serait St Flour (Florus), premier évêque de Lodève qui lui en aurait apporté le bienfait. Personne ne discute à ce saint homme la qualité « d’apôtre du pays » acquise par les travaux auxquels il s’était livré pour annoncer la bonne parole, non seulement dans son évêché, dans la Gaule romaine, mais aussi en Aquitaine, dans les Cévennes et jusqu’en Auvergne où il serait mort en 389 selon les uns, en 419 selon d’autres.
Une église primitive, dont l’origine ni la date ne peuvent être avancées, remonterait au delà du Xe siècle. Son architecture primitive, les ornements qui la décoraient et qui auraient pu servir à fixer l’époque de sa fondation, ont depuis longtemps disparu à la suite des mutilations subies en particulier au cours du XVIe siècle lorsque ses pierres serviront à la construction d’un petit temple, place Saussine actuelle. Peut-être la face de roi ou de bouffon qui tire la langue, scellée sur la façade d’un immeuble en est le seul reste visible de nos jours.
La tradition veut qu’un catholique l’ait fait placer ironiquement là, afin que son frère protestant et demeurant de l’autre côté de la place, la découvre matin et soir, lors de l’ouverture et de la fermeture des volets de sa maison. La famille Vènes, dont un des membres, Jean, deviendra architecte à Genève au cours du XVII e était responsable du grenier à sel de la ville tout proche.
Etant donnée l’époque, il ne peut s’agir que d’une de ces nombreuses églises romanes si fréquentes dans notre région. Pourquoi St Pons ou Ponce ? Nous l’ignorons totalement. Martyrisé en 258 à Cimiez, quartier de Nice, le saint homme a donné son nom à la célèbre abbaye de Saint Pons de Cimiez. Ses reliques ont été transférées à St Pons, Hérault, dont l’abbaye avait été érigée en évêché, en 1317, par Jean XXII (Cahors 1245 – Avignon 1334 ; pape de 1316 à 1334). Y aurait-il un quelconque rapport avec Raymond Pons comte de Toulouse fondateur en 936 de l’abbaye ? Goiffon n’ose pas s’aventurer dans cette explication.
Située au pied de la Coustourelle (ou Coustounelle) la bâtisse devait être de modeste importance car coincée entre la colline et Vidourle. Ce n’est qu’en fin du XIIIe et au début du XIVe siècle que les descendants de Louis IX, en particulier Philippe le Bel, agrandiront la ville vers le nord et empièteront dans le lit du fleuve.
Les guerres de religions
La ville de Sommières a été une des premières de la région à adhérer aux doctrines de la Réforme. Les protestants, bien qu’au début peu nombreux, s’enhardissent rapidement : insultes, menaces aux catholiques, bientôt voies de fait et dégradations contre les églises. Les croix sont renversées. Le 24 octobre 1560 une réaction catholique les relève. Mais le nombre des réformés augmente de jour en jour ; ceux de Nîmes ne voulant pas abandonner leurs frères sommiérois, leur envoient un des plus fameux prédicants. Le 17 mai 1562, le pasteur Georges Viret vient à Sommières. On se réunit sous les arceaux. Viret se répand en invectives contre le clergé et les moines et annonce que le peuple sera désormais exempt des dîmes, tailles et censives qu’il est obligé de payer au clergé et au gouvernement. C’est bien évidemment un argument qui correspond aux aspirations populaires.
Malgré tout, grâce à l’intervention de Martial Guillot, les sommiérois ne vont pas jusqu’à signer, comme cela se fait en d’autres communes, une délibération qui les déclare « protestants ». La visite de Viret n’est pas sans conséquences. Le nombre des protestants augmente et le 24 septembre 1562 ils s’emparent de l’église St Pons qu’ils pillent, brisent les statues. Il abattent des murs, récupèrent des matériaux pour bâtir à proximité un petit temple. Peut-être l’utilisent-ils en partie comme temple ? Les sources diffèrent sur ce point. Les catholiques sont obligés de construire à la hâte une modeste église près de la porte Valescure, au quartier du Plan de l’Oly qu’occupera plus tard le couvent des Ursulines. Ils sont néanmoins contraints par la force d’assister au prêche. Nous ne retracerons pas ici les évènements qui vont s’en suivre, en particulier les sièges de 1573 et 1575.
Sauf quelques intervalles plus ou moins longs, elle restera plus de soixante-dix ans entre les mains des protestants et ne sera rendue à sa destination première, c’est à dire au culte catholique, que sous le règne de Louis XIII, mais dans un état de dégradation semblable à celui de tous les édifices de ce genre dont la Réforme s’est emparée dans la région.
Premières restaurations
Trop peu nombreux et trop pauvres pour entreprendre sa restauration, les catholiques sommiérois doivent se contenter d’y effectuer les réparations les plus urgentes afin d’éviter la ruine complète. Ce n’est qu’en 1686, après la Révocation de l’Edit de Nantes, que devenus majorité et soutenus par le pouvoir central, ils se livrent à des travaux qui remettent l’église dans un état acceptable, mais bien inférieur à celui de l’église primitive.
Ils démolissent le petit temple pour, à leur tour, récupérer des matériaux de construction. D’après la description que nous en avons, elle présente la forme d’un parallélogramme ayant au midi une porte d’entrée carrée, sans ornements, avec un grand œil de bœuf au dessus. (l’orientation aurait déjà changé une première fois) Le porche, d’environ deux mètres carrés, supporte une tribune qui règne sur toute la larguer de l’édifice. A droite et à gauche sont deux autres tribunes au dessous des quelles se trouvent deux chapelles en voûte à arc surbaissé. Une troisième chapelle existe à gauche, et une autre à droite, dans laquelle s’ouvre une petite porte latérale du côté du levant. Ces chapelles sont toutes séparées les unes des autres par de grands massifs de maçonnerie qui soutiennent leurs voûtes ainsi que celles des tribunes.
Le chœur, formant un demi-cercle, ferme l’église au nord. Le clocher est au côté droit du chœur près la petite porte latérale.
Telle est à peu près l’église St Pons en 1748, époque à laquelle elle subit une nouvelle restauration. Le clocher actuel est élevé sur l’emplacement de maisons particulières achetées à cet effet ; le chœur est refait sous une forme à peu près pareille. Le tout est peu élégant et ne présente aucune espèce d’ornement intérieur ni extérieur. Elle sert dans cet état jusqu’en 1793, où, comme tous les autres édifices religieux, elle est enlevée au culte catholique pour être destinée au Culte de la Raison. Nouvelles dégradations et modifications intérieures.
Le Concordat de germinal An X (5 juillet 1801) la rend au culte catholique. Mais les protestants sommiérois, plus puissants politiquement, la récupèrent. Pour obtenir qu’elle soit rendue, il faut de longues transactions au bout des quelles intervient un accord, par l’intermédiaire et en présence du préfet du Gard, dans les termes suivants : les catholiques, acquéreurs de l’ancien couvent des Cordeliers cèdent ce couvent et l’église qui en dépend à l’hospice de Sommières, qui à son tour cède cette église à la ville, moyennant une rente perpétuelle de 700 francs. La ville devenue ainsi propriétaire de l’église de l’ancien couvent des Cordeliers, la cède aux protestants, et dès lors, les catholiques peuvent rentrer dans leur église paroissiale.
L’échange se passe en 1805 ; mais ce n’est qu’en 1806 qu’ils en prennent possession après qu’on y ait fait des réparations « convenables ». Ces réparations trop hâtées se révèlent bientôt insuffisantes. En 1829 il faut refaire en forme de plafond la couverture en planches qui en constitue la voûte. Rapidement, et dès 1836, on s’aperçoit que des lézardes se manifestent dans la façade et les murs latéraux. Cette menace de ruine alarme la municipalité qui commence dès lors à s’en préoccuper plus sérieusement.
En 1840, l’architecte du département reconnaît que ce vieil édifice ne peut plus supporter une restauration partielle et que sa reconstruction est nécessaire. Le conseil de fabrique demande un plan et devis à l’architecte qui le lui présente et qui mérite son approbation. En 1842, il est soumis à celle du conseil municipal ; mais ce conseil, alors en majorité protestant, oppose une résistance qui s’appuie sur la dépense énorme qu’il présume devoir en être la suite.
Les catholiques décident alors de lancer une souscription qui en peu de jours réunit une somme de 17 000 F. Le recouvrement est garanti par M. Bouscarut, vicaire général. La fabrique ajoute à cette somme une somme de 3 000 F sur ses propres ressources. On présente le résultat au gouvernement qui veut bien accorder un secours de 20 000 F, et ceci grâce aux démarches du maire, personnage influent, Achille Aubanel. La commune est alors mise en demeure de concourir à la dépense pour une autre somme de 20 000 F. Et comme elle refuse, une ordonnance royale du 1 février 1846 l’impose d’office.
Ces trois sommes réunies formant les fonds nécessaires pour couvrir toute la dépense, l’adjudication des travaux est faite le 5 avril de la même année 1846, aux sieurs François Danioc père et fils, entrepreneurs de travaux publics, et au sieur Hippolyte Descous, propriétaire.
Les travaux de démolition de l’ancien édifice commencent le 1 juin 1846, et la première pierre de la porte d’entrée de la nouvelle église est posée le 4 août suivant sous la direction de M. Bourdon, architecte départemental, auteur des plans et devis. Un procès verbal, signé de toutes les personnes présentes à la cérémonie, est enfermé en double original, dont l’un en latin et l’autre en français, dans une bouteille soigneusement fermée et scellée dans la première pierre du mur occidental, posée ce jour-là.
L’an 1847 et le 11 avril à l’issue des vêpres, dans la dix-septième année du règne de SM Louis Philippe Ier roi des Français et la première année du souverain pontificat de SS Pie IX,
Mgr JF Marie Cart, évêque de Nîmes ; M. Boucarut Jean Louis, natif de Sommières, vicaire général,
M. Darcy Hugues Iéna, préfet du Gard,
M. Achille Aubanel-Delpon, chevalier de la Légion d’Honneur, maire de Sommières ;
En présence :
De Messieurs :
Renouard Joseph, président du conseil de fabrique de l’Eglise paroissiale de Sommières,
Coulange Jacques Philippe, trésorier,
Boisson François Louis Ulysse, secrétaire,
De Rebillot, vicomte d’Oreaux Léonce et Renaud Alfred, docteur en médecine, membres du dit conseil de fabrique ;
De Messieurs :
Aubanel-Delpon, maire,
Encontre-Gautier Jean, négociant et ancien maire,
Cadel Barthélémy, propriétaire et ancien secrétaire de mairie,
Puech Hippolyte, négociant,
Renouard Joseph, négociant, déjà nommé comme président du conseil de fabrique,
Le vicomte Léonce d’Oreaux, propriétaire, déjà nommé comme membre du dit conseil,
Coulange Jacques Philippe, armurier, nommé comme les deux précédents,
Boisson Claude François Emile, notaire,
Labaume Joseph Victor, greffier de la justice de paix,
Descous Joseph, propriétaire,
Martin Hippolyte, négociant,
Dombre Jean, négociant,
Membres catholiques du conseil municipal de Sommières ;
De plusieurs personnes notables de la ville,
Nous, François Corrieux, prêtre curé de la ville de Sommières, chanoine honoraire de Nancy, avec l’autorisation de Mgr l’évêque de Nîmes, et en vertu des pouvoirs qu’il nous a délégués, avons, assisté de M. l’abbé Emile d’Everlanges, notre vicaire, de Messieurs Méjan et Léonard, prêtres, supérieur et directeur du collège, et de plusieurs autres ecclésiastiques, procédé à la bénédiction et à la pose de la première pierre de taille, formant l’angle des fondements du mur occidental de l’église St Pons de cette ville, dont la reconstruction reconnue nécessaire avait commencé le premier juin de l’année dernière (1846).
Le témoignage d’Emile Boisson, notaire, futur maire (élu le 4 octobre 1848), s’arrête là, car son livre « De la ville de Sommières » est publié en 1849. Pour connaître la suite des évènements, nous devons donc interroger nos archives communales.
Nous y apprenons que dans les travaux de reconstruction ont été oubliés les ouvrages de sculptures réalisés par M. Colin, directeur de l’école de sculpture de Nîmes. Il faut donc voter une dépense supplémentaire de 4111 F. 19 juin 1849.
Nouveaux problèmes
Le 14 novembre 1858, M. Urbain Isidore Etienne, né le 26 mai 1818 et auparavant curé de Garons, prend possession de la cure de Sommières. Dès son installation, il doit s’occuper d’une nouvelle reconstruction de l’église St Pons. Ce monument placé sur la pente de la montagne, se trouve entraîné par un mouvement du terrain et menace la sécurité publique. Il faut se hâter de construire une église provisoire en planches au Jeu de ballon sous la Coustourelle…
Nous en trouvons un très large écho dans les Registres de délibérations du Conseil Municipal. Mais les ennuis ont commencé bien avant l’arrivée de ce curé, on pourrait presque dire au lendemain de la mise en service du nouveau bâtiment.
17 novembre 1850. Délibération qui rejette une demande de secours par le Conseil de Fabrique qui ne peut plus payer les dettes contractées lors de la construction de l’église.
17 août 1851. Rapport de trois architectes MM. Feuchère, Revoil, Ballon, sur les travaux de reconstruction de l’église. Il est question de malfaçon de la toiture formellement reconnue et de beaucoup la plus importante.
19 août 1852. Règlement définitif des travaux et des comptes de la reconstruction de l’église. (que l’on envisage déjà de reconstruire !).Nous y trouvons les noms des divers artisans qui ont travaillé, ainsi que leur spécialité et nous y apprenons qu’en plus des dépenses prévues s’élevant à 81 912,66 F, il a déjà fallu ajouter 2500 F pour réparation de la toiture, du mur de l’abside, pour l’écoulement des eaux et pour les statues ; le total général de la dépense s’élève à : 84 412,66 F. Maintenant il faut payer, ce qui pose pas mal de problèmes.
8 novembre 1852. Demande au Gouvernement d’un secours pour les dépenses de la reconstruction de l’église. (10 000F).
18 novembre 1852. Autorisation au maire de souscrire des bons négociables aux entrepreneurs de l’église (Descous) et nomination d’une commission.(approuvée par le préfet le 23 mars 1853).
10 février 1853. Règlement définitif des sommes dues en capital et intérêts aux entrepreneurs. (20 197,88 F).
17 mai 1853. Il faut acheter une partie de la cave de la maison Albigeois parce que les colonnes du chœur reposent sur la voûte de cette cave. (600 F).
8 novembre 1853. Vote de 8 nouveaux centimes additionnels pour les dépenses de l’église et la retenue du solde des honoraires à M. Bourdon, architecte. (810 F, à titre de dommages et intérêts de garantie pour les travaux. 15 voix contre 4).
4 février 1855. Vote de l’élargissement de la tribune au sud pour l’installation d’un orgue dont la paroisse vient de faire l’acquisition. (1000 F). Cinq cents francs seront pris sur le reliquat de l’exercice 1854 et cinq cents francs seront demandés au préfet.
8 janvier 1856. Autorisation au maire de traduire l’architecte et les entrepreneurs devant le Conseil de préfecture sur les conseils de M. Numa Baragnon, avocat au barreau de Nîmes, député du Gard et ancien membre du Conseil de préfecture. (Responsabilité de l’architecte, vices de forme de la part de l’entrepreneur).
5 février 1856. Lecture d’une lettre du préfet qui considère que la partie latérale de droite depuis la porte d’entrée jusqu’au fond de l’abside, peut être utilisée sans crainte d’accident, de manière à donner aux fidèles la faculté d’assister aux offices, sans qu’il soit besoin de construire une église provisoire.
27 février 1856. Demande à l’évêque d’utiliser les deux chapelles du collège et du couvent pour les besoins du service paroissial. La partie droite de la nef ne serait qu’un long corridor. S’il venait à se produire quelque accident pendant les offices, la panique ne manquerait pas de s’emparer des personnes qui y assisteraient
22 janvier 1857. Autorisation de se pourvoir devant le Conseil de l’Etat contre l’arrêté du Conseil de Préfecture qui a débouté la commune de son action en garantie contre l’architecte et les entrepreneurs de l’église.(5 pages, 12 voix contre 5).
8 novembre 1858. Vote d’un crédit de 1946,36 F pour le paiement de deux traites de 973,18 F chacune souscrites à l’Ordre des entrepreneurs de l’église et qui doivent venir à échéance le 20 octobre 1859.
18 novembre 1858. Délibération du conseil renforcé portant vote d’une imposition extraordinaire de 6c _ sur l’exercice 1859 pour le paiement de deux traites aux entrepreneurs de l’église et une imposition de 9c sur les exercices 1859, 1860, 1861 pour couvrir partie de la dépense d’un nouveau cimetière.
Notre nouveau curé est présent à Sommières depuis quatre jours.
Séance du 12 novembre 1859. (8 pages de compte rendu).
M. le maire a fait au conseil le rapport suivant :
Vous connaissez, Messieurs, la triste issue de notre pourvoi devant le Conseil d’Etat. Il a été rejeté par un décret de l’Empereur du 28 juillet dernier. Quelque pénible que soit ce résultat, la population qui s’y était préparée, a su l’accueillir avec résignation et courage.
La question de réparation et de consolidation de notre église revient donc devant vous avec toutes ses conséquences et réclame de votre part une décision immédiate, non seulement pour tirer la population catholique de l’abri provisoire offert à la célébration du culte dans des conditions peu convenables et pleines d’inconvénients à leur point de vue ; mais aussi pour ne pas laisser s’augmenter les dégradations de l’édifice et avec elle la dépense, par de plus longs retards.
Le maire a demandé à un architecte parisien, M. Laval, d’étudier l’état de l’église. Ce dernier a établi un devis des réparations à la date du 6 juin 1857, devis qu’il fait précéder de deux observations :
Nous ne chercherons pas à décrire en détail l’état de dégradation auquel est arrivée l’église de Sommières dont la construction néanmoins, remonte à peine à dix ans.
Cette construction vicieuse en principe et d’ailleurs d’une mauvaise exécution, a été l’objet de diverses vérifications, qui, toutes, ont constaté combien il importait d’effectuer sans retard des réparations ayant pour but de préserver cet édifice d’une ruine imminente….. la cause principale des dégradations fâcheuses… provient de ce que la poussée des grandes voûtes était mal répartie par rapport à ses point d’appui… Les contreforts appelés à soutenir ces voûtes ont leur point de résistance placé au dessous de leur poussée. Les arcs doubleaux des bas côtés étaient, il est vrai, destinés à servir d’arcs-boutants ; mais comme ils se trouvent trop élevés, la poussée s’est exercée sur les arcs même qui se sont tous rompus à leur sommet.
Suit toute une liste de travaux nécessaires pour sauver l’église. L’architecte insiste sur le fait qu’ils doivent être réalisés par un homme à la fois habile et consciencieux. Le montant du devis s’élève à 26 627,33 F dont 1 267,33 F de frais d’architecte.
L’administration municipale, avant l’étude demandée à M. Laval, fait effectuer un premier devis par M. Lazard, de Montpellier. Ce dernier, sans donner de chiffres indiquait que la dépense serait considérable. Enfin, le conseil de Préfecture avait appelé un expert qui considérait que le chiffre de la dépense ne s’élèverait qu’à 8 000 F.
Le maire demande donc au conseil municipal de choisir entre les trois projets ; c’est à son avis celui de M. Laval qui lui paraît préférable. Mais où trouver l’argent nécessaire ? Le maire propose un budget qui, sur six années, réunira la somme totale de 30 015 F.
Le conseil municipal vote à l’unanimité, moins une abstention, le projet Laval et le budget du maire.
12 décembre 1859. Séance extraordinaire à laquelle sont invités un nombre égal de citoyens parmi les plus imposés. Seuls, quatorze se présentent, ce qui n’empêche pas le vote de deux impositions extraordinaires de 10c et 20c additionnels. Une commission de six membres est créée. Elle comprend MM. Roux Jules, Dumas Emilien, Puech Lucien, conseillers et MM. Comert aîné, Dumas César, Manse Jules, plus forts contribuables.
Emile Boisson est réélu le 12 août 1860. Plus de nouvelles de l’église jusqu’aux séances des 3 et 8 janvier 1861. Délibération relative à l’affaire de l’église. Onze pages ! Plus une brochure de 33 pages, avec plan, imprimée à Nîmes chez Clavel-Ballivet.
Un tiré à part manuscrit est accompagné du texte suivant :
L’affaire de l’église paroissiale de Sommières a été présentée au public sous un point de vue si éloigné de la vérité et a été tellement défigurée soit par ignorance, soit à dessin, qu’il a été jugé bon et à propos pour la faire bien connaître, de livrer à la publicité le document officiel suivant, la délibération par laquelle le Conseil Municipal de cette ville a donné, dans les limites de sa compétence et sauf l’approbation légale, une solution à cette question importante.
Cette délibération contient le rapport du maire à suite duquel a été adopté le projet d’une reconstruction totale de l’édifice sur un nouvel emplacement et elle est suivie de trois annexes qui accompagnaient ce rapport ainsi que de l’avis ou du vœu émis à ce sujet par le Conseil de Fabrique de la paroisse.
L’opinion publique éclairée à l’aide de ces divers renseignements sera mise à même de se prononcer en connaissance de cause. Son jugement qui ne peut manquer d’être favorable au projet, ne fera que précéder, il y a lieu de l’espérer, la décision conforme de l’autorité supérieure, juge suprême et en dernier ressort de la question dont il s’agit.
L’architecte Laval ne garantissant pas les travaux de restauration qu’il a lui-même proposés (son devis est d’ailleurs passé à 75 836,95 F), le conseil municipal décide de demander à un autre architecte un plan et devis de reconstruction complète de l’église sur un autre emplacement. En effet :
L’emplacement de l’église actuelle est topographiquement mauvais et géologiquement impropre, attendu qu’il est sur un terrain déclivé dans toute sa partie latérale au couchant et sujet aux infiltrations de la montagne…. Il est situé dans une sorte d’impasse, dans un quartier reculé et privé de vie, sans abords niavenue ; il est non seulement inaccessible aux voitures, mais même aux piétons les jours d’orage ou de fortes pluies… Il est d’une étendue insuffisante surtout pour le chœur ; évidemment trop exigu pour les cérémonies du culte, puisque le chœur ne mesure, y compris la place occupée par le maître autel et par les stalles du clergé, qu’environ 7 mètres en largeur sur 6 mètres de profondeur… En totalité l’église actuelle ne présente qu’une surface de 632m2 ; ce qui, à raison de 35 cm2 par personne, ne donne que 1750 places…. La population catholique de Sommières est de 2650 fidèles, y compris l’annexe paroissial de Villevieille ; il manque aujourd’hui 900 places.
Le conseil municipal se prononce à l’unanimité, pour une reconstruction totale et il émet le vœu à l’unanimité moins une voix pour que la nouvelle église soit tournée du côté de la Grand rue, cette position lui paraissant de beaucoup préférable à la position actuelle et offrant de plus l’avantage d’une orientation parfaitement canonique
Il faut aussi acheter quelques parcelles voisines : aussi sont annexées des promesses de vente ainsi qu’un plan de situation.
Le devis estimatif dressé par E. Laval, architecte du département du Gard est le suivant :
Maçonnerie et charpente 82 492,91 F
Menuiserie 858,88 F
Serrurerie 2480,70 F
Peinture et vitrerie 1067,60 F
Total86 900,09 F
Travaux imprévus 6 000,00 F
Total92 900,09 F
Honoraires architecte et inspecteur 7% 6 503,00 F
Total99 403,09 F
A déduire (matériaux de démolition) 10 000,00 F
Dépense réelle89 403,09 F
Tout serait parfait dans le meilleur des mondes si… deux propriétaires ne refusaient obstinément de céder leur parcelle si ce n’est par voie d’expropriation ! Dans les séances des 26 et 29 décembre 1861 (7 pages), le conseil décide de créer une commission qui… cherchera un nouvel emplacement et vote le principe d’un emprunt.
25 janvier 1862. Nouvelle séance et délibération du conseil assisté des plus imposés relative aux voies et moyens de faire face à la dépense pour la construction de l’église. Mais tout ne semble pas se passer comme prévu.
En effet, 7 et 12 août 1862, nouvelles séances et délibération relative à une nouvelle solution de l’affaire de l’église. Le Ministre de l’Intérieur a refusé son approbation aux voies et moyens proposés par la délibération du 29 décembre 1861 pour la construction de l’église. Il faut donc abandonner le projet et l’effectuer de manière plus restreinte sur l’emplacement déjà occupé par l’église actuelle ( 12 voix pour, 3 abstentions ). C’est le retour à la case départ.
17 septembre 1862. Il faut trois convocations successives à cause de vices de forme pour réunir le conseil (18 présents sur 20 en exercice) et les plus imposés (15 présents sur 20). L’objet de cette réunion est de faire voter une imposition extraordinaire de 12c pendant 12 ans, produisant une somme de 50 000 F, complément de la dépense pour la construction de l’église. Cinq conseillers et onze des plus imposés déposent une protestation ; mais comme ils sont en minorité, le projet est voté.
17 septembre 1863. Délibération (6 pages) relative à l’affaire de l’église portant approbation du plan et devis, et indication des voies et moyens de paiement de la dépense. (15 conseillers présents). M. Laval, devant certaines critiques des membres de la commission chargée de donner son avis sur le projet, a adressé sa démission d’architecte directeur. On a donc créé une sous commission chargée de contrôler la commission ! Elle est d’avis de persister dans le projet de démolir et de reconstruire l’église actuelle sur l’emplacement qu’elle occupe, conformément au plan de M. Laval ; de reconnaître que le devis présentant quelques erreurs de chiffres ou de calculs dans le cubage des travaux de maçonnerie et de charpente, le montant total du devis doit être porté à la somme de 93 000 F. Et si l’on ajoute quelques modifications (pavé en pierre de Barutel au lieu de pierre de Viviers, chœur paré d’une mosaïque en pierre de couleur…) la dépense prévue est de 102 000 F
30 septembre 1863. Conseillers (17) et plus imposés (6 sur 19). Le maire dépose sur le bureau :
les plans et devis dressés par M. Laval en date du 5 mai dernier
la délibération précitée du 17 septembre qui contient un rapport étendu et détaillé sur l’importante question dont il s’agit
le budget de l’exercice courant et le budget de l’exercice prochain
mais surtout en profite pour faire voter une imposition extraordinaire de 11c par an additionnée aux quatre contributions directes de la commune, pendant 15 ans à partir du 1 janvier 1866.
Le conseil émet le vœu d’un secours de la part du gouvernement de l’Empereur et supplie le Ministre des Cultes d’accorder une somme de 15 000 F.
19 décembre 1863. Réunion extraordinaire, conseillers (14) et plus imposés (7 sur 35) qui demande l’autorisation d’emprunter à un taux n’excédant pas 5% une somme de 36 000 F, remboursable en quinze ans, à partir du 1 janvier 1867.
Les travaux vont-ils enfin commencer ? Je ne pense pas si je me réfère à la séance du 5 février 1865 :… la communeétant à la veille de faire procéder à la réparation qu’exige son église paroissialeil y a opportunité de jeter les yeux sur ses abords ; l’emplacement qu’elle occupe a été de tout temps reconnu peu favorable pour un pareil édifice qui se trouve situé dans une espèce d’impasse, où l’on n’arrive qu’au moyen d’une rue fort étroite appelée la rue St Pons, ayant seulement une largeur de 3m, largeur évidemment insuffisante. Pour faire disparaître le vice d’une telle situation, il paraît opportun de procurer à la rue un élargissement de 3m à 10m, ce qui permettrait d’y établir un trottoir à droite et à gauche…
Boisson est réélu maire le 3 septembre 1865. Quelques jours après, 17 septembre, le conseil se réunit car….. le projet de reconstruction de M. Laval a été rejeté ! ! ! Le choix d’un nouvel architecte, M. Bègue, d’Uzès n’a pas été ratifié par le préfet.
Par contre, le maire a découvert l’existence d’une compagnie dite Des Travaux Publics de la Méditerranée, Michel fils et Cie, établie à Marseille, avec laquelle il a traité et qui propose un devis de 83 454 F. Le conseil approuve.
28 septembre 1865. Le conseil (19 élus), les plus imposés (8 sur 23) acceptent les propositions de la société et le plan de financement : 70 000 F prix du traité, 2656 F pour dépenses diverses (architecte, peinture, vitrerie), 10 798 F pour le service des intérêts.
Les travaux démarrent enfin. Il aura donc fallu attendre sept ans.
Malheureusement on a oublié la sacristie que l’on ne peut utiliser sans danger, et l’escalier d’accès rue des Baumes, dans un état de délabrement tel que la circulation y est en quelque sorte impossible. A noter que l’église est à nouveau orientée vers le nord .
Boisson étant décédé, Jules Roux fait fonction de maire. Séances des 12 et 23 août 1866. Le conseil accepte un devis de 3600F présenté par la Sté Michel (dépenses diverses) ; toutefois, le préfet le trouvant trop élevé, ce devis est ramené à 3000F. Par contre on a aussi oublié l’autel, les vitraux : coût 7 000 F. On va donc demander 10 000 F au gouvernement.
Les travaux avancent. Mais le 4 août 1867, Jules Roux, maire, réunit le conseil pour lui indiquer que dans la reconstruction de l’église paroissiale, certains travaux supplémentaires qui ne figurent pas dans le traité conclu entre la ville et la maison Michel, ont été reconnus indispensables et mis en étatd’exécution… asphaltage de l’escalier conduisant aux tribunes de la grande nef, de l’escalier conduisant à la rue des Baumes, achèvement de chapiteaux, de colonnettes, réparations d’entretien au presbytère effectuées par François Albigeois plâtrier…soit 255 F. La somme est prise sur le budget supplémentaire
Un architecte, M. Polge, qui avait présenté il a quelques années un plan de reconstruction auquel on avait préféré celui de M. Laval, réclame 592,40 F que le conseil refuse de payer. 4 août 1867.
Le 8 novembre 1867, le conseil considérant que la population de Villevieille se compose de 450 habitants en majorité catholiques, exprime le vœu qu’une succursale soit érigée dans cette commune afin de ne point priver toute une population de cette importance de se livrer à l’exercice de son culte.
Goiffon écrit à propos des travaux : Ils étaient terminés vers la fin de février 1867et, le 24 de ce mois, eut lieu la bénédiction solennelle de l’église St Pons devenue plus belle et plus gracieuse que jamais, grâce au bon vouloir d’une municipalité intelligente et aux généreux sacrifices de la population. La cérémonieétait présidée par M. Boucarut, vicaire général de Mgr Plantier qui l’avait délégué à titre d’enfant de Sommières. Plusieurs chanoines parmi lesquels M. Corrieux, ancien curé de Sommières, devenu archiprêtre de la cathédrale et de nombreux ecclésiastiques entouraient l’officiant. M. de Cabrières, depuis évêque de Montpellier, fit le sermon du soir. La ville parfaitement décorée conserva, jusque dans la nuit, son air de fête et la population se pressait pour admirer la belle et resplendissante illumination du portail de l’église, bénissant et l’ancien curé qui avait jadis entrepris la reconstruction du monument et le zélé pasteur qui avait su parfaire son œuvre. M. l’abbé Etienne ayant été promu à la cure de la cathédrale de St Théodorit d’Uzès, sa succession échut à M. Jean Honoré Cavart qui, depuis près de vingt ans remplissait les fonctions d’aumônier des Ursulines.
Je pense que Goiffon est quand même un peu injuste vis à vis de Boisson qui a pesé de tout son poids dans cette affaire.
L’église est celle que nous connaissons actuellement, de style néogothique très en vogue à l’époque (autre exemple : celle d’Aspères). N’étant pas architecte, je ne me lancerai pas dans un étude architecturale du bâtiment.
J’ai trouvé une délibération du 10 février 1870, relative à la réparation du presbytère : escalier intérieur, toiture, plafond et pavés, enduits portes et fenêtres, réclament une réparation urgente. Total de la dépense : 4377,65 F. Il faut donc faire un emprunt. Séance du 7 avril 1870.
Contracté de gré à gré à la Caisse des Dépôts et Consignations, il s’élève à 4300 F. Séance du 25 juin 1870.
La République est proclamée le 4 septembre 1870 et l’on ne parle plus de l’église.
Nouvelles inquiétudes
Les archives comportent un petit dossier renfermant quelques factures relatives à des travaux effectués à l’église.
Entreprise Générale du Bâtiment. Salem Marcel. 25 septembre 1944. Presbytère. Révision des toitures, des carrelages, raccords divers et blanchiment de la cuisine : 8834 F.
Ponts et Chaussées. Constructions communales. Travaux de réfection de la toiture de l’église :
Delord Marcel 1 174 500 F
Forner Martin 1 062 600 F
Bernardin Gaston 226 300 F
Lalèque André 10 055 F
Total2 475 455 F
Honoraires de service 84 263 F
Total général2 559 718 F
Dressé par l’ingénieur des TPE. Nîmes le 3 octobre 1952.
On s’aperçoit que l’église reçoit à cette époque toute une ossature métallique supportant la toiture.(voir plan).
Il y a quelques années, la foudre est tombée sur le pinacle gauche qui, depuis, présente une légère inclinaison. Heureusement qu’il n’est pas descendu, car les conséquences auraient pu être graves. Le pinacle, dans l’architecture gothique, voire néogothique, est un couronnement en forme de cône d’un contrefort. Ce n’est pas une simple parure, mais une charge utile qui empêche le contrefort de se déverser sous la poussée des arcs-boutants.
Les malheurs de notre église sont-ils terminés ? L’avenir nous le dira.
Document 1
Mémoire à consulter adressé par Boisson à M.Bouscarut Vicaire général.
La Révolution ayant mis la main sur les églises et les édifices consacrés à la religion, les catholiques de Sommières se trouvèrent en 1795, époque où il leur fut permis de célébrer leur culte, sans aucun local. Le ci-devant couvent des Cordeliers était en vente : on fut jaloux de le conserver et de se procurer par ce moyen un édifice vaste et commode.
Le sieur Louis Rédarès seul parmi ses coreligionnaires osa se présenter (il fallait du courage pour cela à cette époque) et se rendit adjudicataire du ci-devant couvent des Cordeliers et dépendances au prix de 40 000 F assignats. On était sans ressources pour le paiement de cette somme : on fit face aux premières échéances au moyen de la vente de diverses propriétés et au moyen d’une souscription ouverte parmi les catholiques de Sommières. Un grand nombre contribuèrent à cette première souscription suivant leurs moyens respectifs.
Cependant il restait une certaine somme à payer ; les ventes partielles et les souscriptions n’avaient pu suffire à la solde du prix. Il fallut de nouveau avoir recours à la charité des fidèles : cette fois c’était de l’argent et non des assignats qu’il fallait donner. Avant de s’y déterminer, il fut convenu que le sieur Rédarès seul nominativement propriétaire des objets par lui acquis, s’en dessaisirait au profit de la masse des catholiques, et sur cette assurance on versa le reliquat.
Rédarès, fidèle à sa parole, fit par contrat passer devant Maître Seguin notaire à Sommières le 29 pluviôse An XI, vente à quarante deux individus y dénommés des quarante deux quarante troisièmes de la propriété dite le couvent des Cordeliers et dépendances qui restaient invendues ; se réservant pour lui une seule action.
Comme on craignait à cette époque que cette propriété ne devint dans la suite une propriété particulière et que l’intention des acquéreurs a toujours été qu’elle servit constamment au culte catholique ou à un établissement public, on inséra dans le contrat sus mentionné une clause ainsi conçue : « Demeurant convenu entre les susdits acquéreurs comme clause de rigueur, que dans aucun cas, les susdites propriétés ne pourront être morcelées ni divisées, devant être jouies en commun et au cas que quelqu’un des acquéreurs voulut transporter son droit et action, il ne le pourra qu’en le transportant aux acquéreurs restants, et non à aucun autre, a peine de nullité, sans qu’il puisse déroger à la clause de l’indivis absolu qui forme une des conditions expresses du présent acte ; le dit Rédarès y demeurant également soumis pour sa côte part. »
On observe que les quarante deux acquéreurs étaient loin d’être les seuls qui eussent contribué au paiement du couvent des Cordeliers ; et que les autres souscripteurs ne jugèrent pas à propos de figurer dans l’acte, croyant, certainement mal à propos que ce nombre de quarante deux était suffisant pour conserver l’indivision et ne pas laisser de prise à la cupidité.
Les choses restèrent en l’état jusqu’en 1806. A cette époque, les catholiques, qui jouissaient en commun, en vertu du contrat sus mentionné, du couvent des Cordeliers, ayant désiré rentrer dans leur église paroissiale, dont les protestants s’étaient emparés pendant la Révolution, firent des démarches pour obtenir leur réintégration auprès du Ministre des Cultes. Le Préfet du département se transporta tout exprès à Sommières et, il fut fait en sa présence une transaction, par laquelle les quarante trois copropriétaires du ci-devant couvent des Cordeliers cédèrent à l’hospice de Sommières cette propriété et reçurent en échange celle du ci-devant couvent des Récollets dont ledit hospice était propriétaire. La ville de Sommières s’obligea envers l’hospice à lui servir une rente de 700 F pour la jouissance de l’église des Cordeliers, qui fut cédée par elle aux protestants, pour l’exercice de leur culte ; et les catholiques rentrèrent alors dans leur paroisse.
Cependant, fidèles à leurs intentions, lors de la fondation qui eut lieu à peu près à la même époque d’un établissement en cette ville de dames Ursulines, les coacquéreurs s’empressèrent, vu l’incapacité de ces dames pour acquérir, de leur passer bail pour 27 années du ci-devant couvent des Récollets qu’ils avaient reçu en échange, moyennant un modique loyer, qui devait être employé à l’entretien du culte catholique et au paiement des contributions.
Sous la foi de ce bail et d’après l’intention connue des acquéreurs de leur laisser cet établissement à perpétuité, les dames Ursulines se livreront à des réparations considérables qui ont porté fort haut la valeur de la propriété.
Pendant nombre d’années et jusqu’à peu près en 1824, personne parmi les coacquéreurs n’avait manifesté d’intention contraire. Et pourtant quelques indices de sentiments peu conformes à leur générosité première, parvinrent aux dames Ursulines et à l’administration locale. On sut que quelques uns d’entre eux voyant la valeur acquise par la propriété et l’accumulation des loyers qui n’avaient pas entièrement reçu leur destination, voulaient faire une espèce de spéculation en profitant de l’action qui résidait sur leur tête. D’un autre côté, plusieurs des coacquéreurs étant morts, leurs enfants ou leurs héritiers, qui n’avaient pas par eux mêmes connaissance des choses ne voulaient voir uniquement que leurs titres. Dans cette occurrence on crut devoir, comme une mesure utile, prendre des dits acquéreurs une déclaration pour constater leur commune intention à l’égard de l’établissement dont s’agit, et l’abandon qu’ils avaient manifesté de faire en faveur des dames religieuses des loyers échus. La très grande majorité (35 sur 43) s’empressèrent de déposer dans un acte sous seing privé en date du 24 mai 1824 les sentiments qui les avaient toujours animés.
La première partie de cet acte est ainsi conçue : « Nous sous signés propriétaires par indivis de la maison, église et dépendances du ci devant couvent des Récollets, sise sur la place du Bourguet de cette ville, déclarons, pour rendre hommage à la vérité, que lorsque nous avons acquis du sieur Louis Rédarès la ci devant maison, église et dépendances des Cordeliers qui ont été échangées en vertu d’un acte du 6 mai 1807 contre la dite maison église et dépendances des Récollets, notre intention a été que ces édifices serviraient à perpétuité à l’exercice du culte catholique, ou à l’établissement d’une corporation religieuse ; que cette intention résulte de la close insérée en l’acte même d’acquisition par laquelle nous nous sommes soumis à rester dans l’indivision et à ne point faire vente des objets compris dans le dit acte d’acquisition à d’autres qu’aux acquéreurs ainsi que du bail à ferme qui fut fait pour vingt sept années du dit couvent des Récollets et dépendances à la communauté des dames religieuses de l’ordre de Sainte Ursule, qui les occupent aujourd’hui, en vertu du dit bail : et afin de ne laisser aucun doute à cet égard, nous déclarons formellement par la présente, que nous entendons et voulons ne donner dans aucun temps aux sus dites propriétés aucune autre destination que celle ci dessus mentionnée. »
La seconde partie relative à l’abandon des loyers porte : « Comme depuis que les dames religieuses jouissent des maisons et dépendances des Récollets, elles y ont fait de grandes réparations et augmentations, qui en ont considérablement accru la valeur ; que ces réparations et augmentations surpassent de beaucoup le montant des loyers qu’elles auraient à nous payer suivant le susdit bail, et que les dits loyers devaient être employés aux frais de l’exercice du culte catholique, nous déclarons que nous abandonnons à titre d’indemnité envers les dites dames tous les loyers courus et ceux à courir jusqu’à l’expiration des 27 années qui forment la durée du susdit bail, sauf lors du renouvellement dudit bail, s’il y a lieu, à faire de nouvelles conditions à raison du loyer dont le montant, conformément à l’intention que nous avons toujours eue continuera à être employé aux frais de l’entretien du culte catholique. »
Mais cette déclaration ne pouvait lier ceux qui ne l’avaient pas souscrite et qui étaient les seuls capables de former un obstacle. Elle ne pouvait pas plus que l’acte primitif procurer une éternelle indivision. En effet, un des coacquéreurs, au commencement de cette année 1828, a introduit une instance en partage qui est dans ce moment impoursuivie ; mais qui peut être toujours reprise.
On observe que 13 actions ayant été données aux dames religieuses reposent sur la tête d’un des acquéreurs qui s’empressera sans doute de les transmettre mais à qui ? Personne autre qu’un coacquéreur n’a qualité pour recevoir cette transmission. On avait eu l’idée d’engager tous les acquéreurs à céder la propriété entière à la ville de Sommières sous la condition expresse de la faire servir à l’établissement religieux déjà existant ou à tout autre établissement de ce genre ou d’instruction publique.
Pour éluder le pacte de préférence, les acquéreurs bien intentionnés et celui qui est titulaire de 13 actions ne pourraient-ils pas faire donation de leur cote part à la ville de Sommières sous la même condition ? Une pareille donation emporterait assez de faveurs par elle-même pour être validée, ce semble, par les tribunaux en cas de contestation.
On voudrait conserver l’établissement dont il s’agit soit en faveur des dames religieuses existantes, soit en faveur de la ville de Sommières, aux fins indiquées dans la déclaration du 24 mai 1824, et réaliser par là les intentions de la majorité des acquéreurs. En l’état des choses, quels en seraient les moyens ?
Dans une assemblée qui a eu lieu à Sommières en présence de Mgr l’Evêque, on a convenu de présenter aux co-actionnaires bien intentionnés un projet de donation à la ville de Sommières de la propriété et dépendances dont il s’agit au mémoire ci-dessus. Cette donation serait faite sous la condition expresse :
De laisser jouir ladite propriété par la communauté des dames Ursulines qui l’occupent actuellement, tant que la dite communauté existerait.
En cas de dissolution de cette communauté, soit volontairement, soit par force majeure, d’y former à sa place tout autre établissement d’utilité religieuse, catholique sous la direction du maire, du curé de la ville et de l’évêque diocésain, qui sera reconnu par eux convenable aux besoins de la ville.
Et, en cas d’extinction de cet établissement, ou d’inexécution de la condition ci-dessus, sous la réserve expresse que les co-actionnaires donateurs, leurs héritiers ou ayant …. Rentreraient dans la propriété et jouissance des objets donnés.
Rédiger un projet d’acte dans ce sens avec toutes les solennités que le conseil jugera nécessaires pour la validité de la donation, ainsi que toutes les autres conditions qu’il trouvera à propos d’y ajouter.
Le conseil est prié d’envoyer avec ce projet une note du montant de ses honoraires.
Réponse de M. Viguier, au mémoire à consulter, transmise à Boisson par l’intermédiaire de M. Bouscarut, vicaire général à Nîmes. (en faire part à MM. Le Maire, Portalier fils, et le Curé).
Il ne paraît pas qu’on puisse empêcher les 10 copropriétaires dissidents de demander la licitation des bâtiments de l’ancien couvent des Récollets de la ville de Sommières. Cette licitation est nécessaire pour déterminer la valeur des 10/43ème leur revenant de ces bâtiments, prélèvement fait de l’augmentation de valeur résultant des constructions faites postérieurement à l’adjudication.
Ces 10 copropriétaires ne seraient point admis à demander le partage en nature soit parce qu’il n’est pas possible de diviser les bâtiments en 43 portions égales, soit parce que dans l’accord primordial il y eut renonciation tacite à partir de l’indivision par le moyen d’un partage et qu’il fut stipulé qu’on n’emploierait d’autre voie pour sortir de l’indivis que la cession ou le transport des droits des copropriétaires qui voudraient faire cesser l’indivision en faveur des autres ou de l’un d’eux. On ne se réserve donc que le droit de vendre avec pacte de préférence en faveur des copropriétaires qui voudraient conserver la propriété des immeubles adjugés. La licitation est le moyen indiqué par la loi pour déterminer d’une manière légale la partie du prix de la cote part des dissidents. Elle équivaut d’ailleurs à un partage lorsque la division des biens ne peut pas se faire commodément entre tous les copropriétaires ; et ici, comme on l’a déjà fait observer, il est à présumer que les experts qui seraient nommés par la justice décideraient que le partage effectif ne peut pas voir lieu.
La ville de Sommières pourrait prendre un autre parti dans le cas où la voie de la licitation ne convint pas à tous. Ce parti consisterait à faire constater par un procès verbal de commodo et incommodo, que l’acquisition de l’ancien couvent des Récollets est un objet d’utilité publique relativement à l’éducation des personnes du sexe de la ville de Sommières. M. le Maire provoquerait ensuite l’autorisation du Gouvernement pour en faire l’acquisition dans l’intérêt de la ville ; et lorsqu’il l’aurait obtenue il suivrait les formes prescrites par la loi du 8 mars 1810.
Dans l’un et l’autre cas, les 33 copropriétaires qui sont unis de sentiments feraient abandon en faveur de la ville de Sommières des portions de prix qui les concerneraient. Il serait même à propos que l’acte notarié qui établirait cet abandon fut joint à la demande que formerait M. le Maire au nom de la ville pour l’acquisition du couvent pour cause d’utilité publique.
Document 2
Monsieur Emile Boisson notaire à Sommières
Des sentiments religieux émouvant le cœur et l’esprit des fidèles du culte catholique apostolique et romain de Sommières ils formèrent une association à l’effet d’acheter l’église des ci-devant Cordeliers de Sommières pour conserver et avoir un temple pour la continuation de l’exercice de notre culte dont un gouvernement peu sage et engourdi dans les ténèbres de l’erreur avait voulu l’en dépouiller. La plupart des sociétaires qui se présentèrent et qui se réunirent à ces fins commirent M. Louis Rédarès pour faire des offres et il devint adjudicataire le 21 octobre 1791 pour et au nom de la société pour une somme de 42 000 F.
Pour effectuer le paiement du prix de l’enregistrement et des premiers paiements qui furent faits ils empruntèrent de la dame veuve Viger, ma mère, les sommes nécessaires pour subvenir au susdit paiement. Les paiements étaient faits en assignats comme vous savez. Mais ils dérivaient du remboursement de l’argent qu’avait placé feu mon père. Les assignats perdant progressivement, de plus il résulta qu’à l’époque où ma mère fut remboursée les assignats qu’on lui remit en paiement ne représentaient pas plus d’un dixième du montant réel du prix qu’elle avait donné à l’époque qu’elle les avait prêtés et comptés de sorte que les sociétaires qui devinrent actionnaires d’après l’acte reçu Maître Seguin notaire ne le furent en très grande partie qu’au détriment du capital primitif avancé par ma mère.
Lors de la réintégration du culte par Bonaparte les protestants obtinrent provisoirement l’église de la paroisse Saint Pons pour leur servir de temple, les catholiques romains désirant avec fondement d’être réintégrés dans leur primitive église l’échange ne put avoir lieu qu’avec l’autorisation du gouvernement et il ne put être effectué qu’après de pressantes sollicitations auprès de ce dernier, pour la formation des quelles j’en formai auprès du Ministre de l’Intérieur qui furent d’un succès décisif.
L’on s’occupa ensuite à recréer le couvent des Ursulines de Sommières, nous le fîmes avec satisfaction et je coopérai d’après ma position autant qu’il était en moi de faire effectuer l’échange des bâtiments du ci-devant couvent des Cordeliers pour ce ayant appartenu au couvent des anciens Récollets pour pouvoir fournir un asile propre et suffisant au rétablissement du couvent des anciennes Ursulines de Sommières.
Des personnes dignes de la formation de cet établissement se présentèrent et se consacrèrent à cette formation qui devint de plus en plus prospères sous père de Jouvel.
Mais malheureusement des intrigants, des factieux plus occupés d’eux-mêmes que de la foi s’émiscèrent dans la gestion ; ils firent naître sous peu le désordre et la confusion de sorte qu’il en résulta un scandale qui anéantit pour ainsi dire la prospérité du dit établissement, de sorte que malgré le zèle et les lumières de ceux qui l’ont géré depuis lors cet établissement n’a plus repris sa primitive splendeur.
Serait-il juste, Monsieur, que celui par qui le prix de cette acquisition a été fourni en très grande partie au détriment de l’héritage de ses pères fut privé de retirer aujourd’hui une faible parcelle du prix d’une propriété dont la moitié lui appartiendrait incontestablement et avec justice si chacun des actionnaires indiqués dans l’acte recevait proportionnellement au prix réellement donné par chacun d’eux.
Quoique cette propriété soit consacrée à un culte religieux, elle n’est pas moins propriété par sa nature et le sera toujours soit que l’établissement religieux s’y perpétue soit qu’il soit réuni à d’autres établissements d’ailleurs soit enfin qu’il soit supprimé. N’aura-t-il pas à cette époque la même valeur qu’il a aujourd’hui si on y fait constamment les réparations convenables ? Et en quelles mains le prix qu’il représentera lorsque les actionnaires qui sont acquéreurs et à qui il appartient indubitablement s’en trouveront entièrement dépouillés.
Ceux qui se trouveront à cette époque munis d’un acte légal et authentique, le prix leur en appartiendra, comme il leur appartient aujourd’hui.
Quel est l’homme tout religieux qu’il serait et qui se trouverait au dessous de ses besoins, comme je le suis, qui se soumettrait à faire un pareil sacrifice ?
N’importe, je ne reviens pas de ma proposition toute préjudiciable qu’elle me soit ; faites en part, je vous en prie, comme vous m’avez dit que vous vouliez le faire, à Monsieur notre curé et aux dames du couvent. Communiquez leur mes motifs, mes raisons. Je suis convaincu d’avance qu’on les trouvera non seulement recevables, mais louables.
Il est inné en moi de faire des sacrifices. Ma petite fortune que je tenais de mes pères en a souffert mais heureusement que nous avons assez conservé pour justifier de l’honneur et de la bonne foi qui nous ont constamment caractérisés dans la carrière de la vie.
Et pour ne pas dévier de mes principes, si mes propositions contre mon attente n’étaient point accueillies, j’offre de m’en rapporter à la décision par écrit de deux théologiens qui en jugeraient canoniquement et je nommerai à cet effet M. Pagès curé de Sommières pour lequel j’ai la plus grande vénération à raison de la rigidité de ses principes et la plus grande confiance à raison de l’esprit de charité qui le caractérise. Il s’adjoindrait celui que bon lui semblerait concurremment avec les dames religieuses.
Je vous prie, Monsieur, d’accélérer la fin de ma demande de ne pas négliger de m’écrire ainsi que vous l’avez fait quoi que vous me l’eussiez promis et me croire plein de confiance en vos talents et votre honnêteté et réellement d’après une affection naturelle.
Signé : votre affectueux et dévoué serviteur.
Viger père.
Copie de la quittance qui me fut faite par M. Caumel agent de la dite société pour l’avance des droits d’enregistrement.
J’ai reçu de M. Ant Viger coassocié dans l’acquisition des biens et bâtiments du ci-devant Cordeliers 120 livres pour servir au paiement du contrôle et autres frais relatifs à la dite acquisition à Sommières le 5 ventôse An XI.
Signé M. Caumel.
Pour que M. le curé et les dames du couvent puissent se bien pénétrer des justes motifs de ma réclamation et de l’autre côté pour vous éviter de vous dessaisir de l’original de la lettre que j’ai l’honneur de vous adresser j’ai cru Monsieur qu’il convenait de vous en adresser deux copies pour que vous puissiez en remettre une à M. Pagès notre curé et l’autre aux dames Ursulines de Sommières.
Pour m’assurer que cet envoi vous est parvenu je vous prie Monsieur de vouloir bien m’en accuser la réception et notamment de vouloir bien vous occuper incontinent à en faire finir pour m’éviter de me livrer à des poursuites que je voudrais très fortement éviter.
Document 3
Sommières vient d’avoir un de ces jours qui laissent dans les souvenirs d’une ville une lumineuse et ineffaçable empreinte. Un de ces jours, dont le triomphant éclat reflète tout ce qu’il y a dans les populations de vie religieuse et d’exubérante foi.
Dimanche a eu lieu la Bénédiction solennelle de l’Eglise. Enfin allait s’ouvrir à l’impatience des fidèles le temple nouveau où l’art coalisé avec la foi s’est plu à répandre sur la pierre ses vives et savantes inspirations et à créer un monument remarquable. Aussi, dès le matin, les habitants avaient-ils revêtu leurs vêtements de fête, et leurs foule joyeuse et frémissantes, grossie sans cesse par l’arrivée des populations voisines avait déjà envahi de ses flots pleins de bruits et de rumeurs le théâtre où devait se développer les cérémonies. Bientôt, par un soleil magnifique, au son de toutes les cloches, au bruit des hymnes religieux, précédé d’un nombreux clergé, arriva le prêtre qui devait bénir le pieux édifice. Sur le perron, le maire l’attendait, entouré de son conseil municipal et des autorités. On devait s’attendre à la profonde impression produite par la parole éloquente et si connue du magistrat. Dans son cœur battaient toutes les joies et toutes les émotions qui frémissaient à ses côtés. Il a été l’écho, le chaleureux interprète de tous ces entraînements, de tous ces enthousiasmes. Tous, ont été remerciés de leur bienveillant concours à la construction de l’édifice. Il n’a pas été oublié cet habile magistrat qui brillait par son absence et dont la victorieuse énergie a surmonté avec tant de constance les difficultés et les luttes du commencement. Rien dans cette allocution pleine de bienveillance n’a rappelé de déplorables et systématiques oppositions. On n’a eu qu’un désir, et ce souhait on le pardonnera facilement à l’ardeur de nos convictions, c’est de voir la cité mélangée, confondue, comme dans les anciens jours, dans une même croyance et un même amour. Ce désir s’est élancé en accents brûlants de l’âme du magistrat « pourquoi, s’est-il écrié, séparés depuis plusieurs siècles, sur le même sol que nous allons fouler, ne pas nous retrouver en ce jour solennel, réunis, confondus dans une même foi, comme nos communs ancêtres, dont les cendres catholiques se ranimant à ce consolant spectacle, tressailliront sous leurs linceuls funèbres de joie et de bonheur ? ». Aussi nourrit-il l’espoir qu’une génération plus fortunée verra s’opérer cette réunion désirée. Déjà, il entrevoit l’aurore de ce jour et son cœur tressaille d’aise rien qu’à la seule perspective de ce calme horizon ; aussi la première prière qui s’élancera du temple nouveau, qui l’inaugurera, demandera à Dieu la réalisation de cette douce espérance.
Il était difficile à Monsieur le curé d’exprimer tout ce qu’il y avait de tressaillements joyeux, de profonds bonheurs dans son âme de prêtre. Lui aussi a trouvé dans son cœur, une ardente effusion de remerciements. Plus que le magistrat, il devait sentir sa joie amoindrie, diminuée par la pensée qu’une partie de ses enfants allait s’abreuver aux sources empoisonnées de l’erreur. Nous concevons qu’il n’ait pas voulu s’arrêter sur cette idée ; elle était trop lourde à porter.
Après ce mutuel échange de discours, la cérémonie commence. Le prêtre a répandu avec l’hymne sur les murs extérieurs de l’église l’eau qui bénit et purifie. N’est-il pas convenable d’écarter du temple où allait résider le Dieu de toute pureté les légions de l’abîme dont la présence est partout une souillure et un péril ? L’Eglise s’est ouverte et la foule à peine contenue, a laissé le prêtre achever dans la solitude, les dernières purifications.
Maintenant Dieu peut venir habiter sa demeure ; ces colonnes, ces murs ne sont plus profanes. Il y est venu, et c’est alors que le culte catholique a déployé l’éclat de ses pompes et la magie de ses solennités.
Jamais spectacle si saisissant et si solennel ! Une foule immense, s’allongeant et se déroulant dans les spirales des rues, rangée sous des bannières déployées et flottantes ; des chants qui s’échappent de tous les cœurs et de toutes les lèvres remplissent les airs ; les brillants éclats d’une musique saisie d’enthousiasme ; le ciel qui semble s’associer à la fête, verse au lieu de ses pâles rayons d’hiver, les flots d’une vive lumière ; les éclairs qui jaillissent du fer et des casques de cette garde d’honneur inaugurant les services religieux avec tant d’éclat et de précision militaire ; des nuages d’encens et de parfums s’élevant des urnes embaumées ; Dieu remplissant tout de sa présence et atteignant tous les cœurs ; c’était plus qu’il ne fallait pour que tous les fronts s’inclinassent de respect et d’adoration.
Dieu est entré dans sa demeure au milieu de la foule tumultueuse qui débordait de partout. La messe a été célébrée solennellement au milieu de l’émotion générale, et quand sous le souffle fécond de la parole du prêtre, JC est descendu pour la première fois dans cette enceinte, il n’est personne qui le front dans la poussière, n’ait appelé sur soi et sur les siens la bénédiction du ciel. Dieu alors semblait plus facile à fléchir. Il semblait qu’à cet instant auguste, il devait s’échapper des mains divines plus de grâces et de pardons.
Nous l’avouons facilement le spectacle de cette foule recueillie, de l’ardeur de sa foi, a rempli notre âme d’espérance. Les horizons de l’avenir nous paraissent moins gros de tempêtes ; et nous ne saurions croire à des funérailles prochaines pour notre France, tantqu’une étincelle de cette foi catholique qui vivifie, brillera sur elle.
Texte anonyme.
Notes
Ces documents privés proviennent des archives de l’ancienne étude Boisson et ne sont pas répertoriés dans les Archives de Sommières. Ils nous donnent une idée des tractations qui ont eu lieu à l’occasion de l’achat du couvent des Cordeliers.
Voici les divers couvents de la ville :
Cordeliers : temple protestant actuel.
Frères Mineurs : Hospice ; maison de retraite La Coustourelle.
Récollets : école privée Maintenon.
Ursulines : rue Taillade, centre L. Durrell.
BIBLIOGRAPHIE
Archives municipales – Série : BB 33 – DD 23, 24 – 1M1 – 1D7 – 1D8.
E. Boisson – De la Ville de Sommières – 1849.
Abbé Goiffon – Monographies Paroissiales – 1898.
Père René Guignot – Evêché de Nîmes – Archives de Catholicité.
BOUSCARUT Jean Louis né à Sommières le 27 janvier 1793, son père Jean est tonnelier rue Droite ; ordonné prêtre le 31 mai 1817. Vicaire à St Gilles le 21e juin 1817 ; Professeur au Grand Séminaire de Nîmes le 1e octobre 1822 ; Supérieur du Grand Séminaire de Nîmes le 1e octobre 1823 ;Chanoine honoraire le 10 novembre 1823 ; Vicaire général honoraire le 25 novembre 1825 ; Vicaire général titulaire le 20 septembre 1838 ; Vicaire capitulaire le 12 août 1855 ; Vicaire général titulaire le 1e novembre 1855 ; Vicaire général honoraire le 1e janvier 1875. Décédé le 14 septembre 1880 (lieu non précisé).
MM. Boisson et Bouscarut doivent bien se connaître car dans les échanges de correspondance, ils se tutoient.
M. Viger a été nommé maire de Sommières le 14 Messidor An VIII (3 juillet 1800). Il occupe le poste jusqu’au 7 mai 1809.
24 février 1803.
Il semblerait que Viger qui ne possède aucun acte notarié, alors qu’il a le plus investi dans l’acquisition du couvent, réclame un acte légal et authentique. En cas de vente, cet acte lui permettrait de récupérer sa mise de fonds.