"Je range encore parmi mes plus chers souvenirs, moins telle équipée dans une zone inconnue du Brésil central que la poursuite au flanc d’un causse languedocien de la ligne de contact entre deux couches géologiques. Cette quête incohérente pour un observateur non prévenu offre à mes yeux l’image même de la connaissance, des difficultés qu’elle oppose, des joies qu’on peut en espérer.
Tout paysage se présente d’abord comme un immense désordre qui laisse libre de choisir le sens qu’on préfère lui donner. Mais au delà des spéculations agricoles, des accidents géographiques, des avatars de l’histoire et de la préhistoire, le sens auguste entre tous n’est-il pas celui qui précède, commande et, dans une large mesure, explique les autres ?
Que le miracle se produise, que, de part et d’autre de la secrète fêlure, surgissent côte à côte deux vertes plantes d’espèces différentes, dont chacune a choisi le sol le plus propice ; et qu’au même moment se devinent dans la roche deux ammonites aux involutions inégalement compliquées, attestant à leur manière un écart de quelques dizaines de millénaires : soudain l’espace et le temps se confondent ; la diversité vivante de l’instant juxtapose et perpétue les âges. Je me sens baigné par une intelligibilité plus dense, au sein de laquelle les siècles et les lieux se répondent et parlent des langages enfin réconciliés.
Le chercheur est placé d’emblée devant des phénomènes en apparence impénétrables ; dans les deux cas il doit, pour inventorier et jauger les éléments d’une situation complexe, mettre en uvre des qualités de finesse : sensibilité, flair et goût. Et pourtant, l’ordre qui s’introduit dans un ensemble au premier abord incohérent n’est ni contingent ni arbitraire. A la différence de l’histoire des historiens, celle du géologue comme celle du psychanalyste cherche à projeter dans le temps, un peu à la manière d’un tableau vivant, certaines propriétés fondamentales de l’univers physique ou psychique.
Dans tous ces cas, une sollicitation de la curiosité esthétique permet d’accéder de plain-pied à la connaissance…." [
Monsieur Emilien DUMAS
Propriétaire à Sommières,
Propriétaire et géologue à Sommières,
Ingénieur Géologue,
Ingénieur des Mines,
Naturaliste Géologue,
Membre de plusieurs Sociétés Savantes,
Naturaliste célèbre à Sommières près de Montpellier,
Chevalier de la Légion d’Honneur,
tels sont les libellés des courriers reçus par Emilien DUMAS. Ils montrent la progression de son statut social, d’abord propriétaire par héritage, reconnu ensuite comme professionnel de la géologie, accédant à la notoriété nationale et internationale et récompensé enfin par la nation pour ses travaux scientifiques.
Qui est donc cet homme mal connu des sommiérois ? Une rue porte son nom à Sommières et on peut lire sur la plaque qui y est apposée :
Rue
Emilien DUMAS
Géologie du Gard
1804 – 1870
Même si peu d’entre nous connaissent l’histoire du Général BRUYERE, de l’Abbé FABRE ou du Docteur DAX, leur identité sociale est immédiatement reconnue : Général, Abbé et Docteur. Si de plus les noms sont suivis d’une date et d’un commentaire, alors la plaque se suffit à elle seule et permet à n’importe quel citoyen de situer le personnage dans le temps et de comprendre les raisons pour lesquelles il a acquis cette inaltérable célébrité.
De notre Histoire, on ne retient que ce que l’on a appris et essentiellement les noms des différentes constitutions qui se sont succédées : royautés, républiques, empires et des chaos qu’elles ont engendrés. Les noms qui émergent sont alors ceux des souverains, des chefs d’états et des chefs de guerre (vainqueurs ou vaincus). La liste est longue et continue.
Parallèlement à ce défilé, la création intellectuelle, souvent asynchrone, avec des régimes fiers de leur puissance économique ou de leur force militaire, est limitée dans le temps et dans l’espace, comme des éruptions volcaniques. On ne retient que quelques noms, ceux que l’école a jugé bon de nous livrer. Privilégiant certains aspects de la création, elle a délibérément occulté de nombreux domaines scientifiques et leurs cortèges d’inventeurs : Monge (mathématiques), Corvisart (médecine), Daubenton (naturaliste) ne sont connus que comme des stations de métro et encore par les parisiens !
Qui mérite le plus la postérité : le maréchal Foch, Victor Hugo ou Lavoisier ?
Jean Louis Georges Emilien DUMAS est né à Sommières (Gard), le 4 novembre 1804. Il est le fils de Jean Louis Dumas, propriétaire agriculteur à Sommières et Dame Anne Seillas d’Uzès. Il est issu d’une vieille famille protestante du Gard. Son ar-rière grand père (1664 – 1762) originaire de Cannes (Gard) s’était installé à Sommières dès la fin du XVIIe siècle, pour y exercer la profession de marchand facturier. A cette époque le négoce était la seule occupation possible pour les protestants, les professions libérales leur étant interdites.
Son grand père (1726 – 1806) était membre du Conseil Municipal de Sommières en 1789, mais son âge et son tempérament paisible ne lui permirent pas d’exercer ces fonctions plus longtemps, en cette époque de renouveau.
Son père (1762 – 1836) abandonna le commerce ancestral pour se livrer à l’agriculture. Instruit, il devint, à peine âgé de 30 ans, procureur syndic de la commune de Sommières (notre procureur de la République actuel). Toute sa vie, il sut grâce à ses talents de médiateur, sa saine interprétation des lois, concilier les esprits et diriger des assemblées souvent tumultueuses en cette époque révo-lutionnaire. Très apprécié de ses concitoyens, il exerça ces fonctions jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et siégea au Conseil Général du Gard jusqu’en 1806. Agriculteur passionné d’agronomie, il laissa au Comte de Gasparin, qui les utilisa dans un ouvrage universellement connu : "Cours d’Agriculture", de nombreuses notes pertinentes sur l’agriculture.
Tels étaient les ancêtres d’Emilien DUMAS, des protestants, des hommes publics respectueux des lois, justes et tolérants, républicain dans l’âme en ce qui concerne son père. On a dit d’Emilien DUMAS "qu’il était issu d’une famille où il dut sucer avec le lait, l’amour de la dignité, de l’indépendance et l’exemple des ver-tus domestiques".
Il fit en qualité d’externe ses premières études au collège de Sommières qui jouissait à l’époque d’un renom dans le Midi. Cependant dès 1815, la Restauration s’accompagna de la Terreur Blanche []. Les protestants furent parmi les principales victimes de ces troubles en particulier dans le Sud-Est de la France. Il y eut main mise de l’Eglise sur les esprits, l’inspection des collèges et l’organisation des cultes dans les établissements scolaires fut confiée aux évêques. L’exercice de la religion réformée à laquelle appartenait Emilien DUMAS fut interdite.
Ce fut certainement la raison pour laquelle Mr Dumas éloigna de sa ville natale son fils, alors âgé de 12 ans. Il eut l’intention de le confier au célèbre Pestalozzi, dont le pensionnat installé au château d’Yverdon (Suisse – canton de Vaud), était le brillant rendez-vous de tous les jeunes gens appartenant à toutes les contrées d’Europe. La pédagogie de cet établissement était réputée pour permettre le développement simultané des facultés physiques, intellectuelles et morales. Mais il le plaça à Morges, petite ville suisse située sur les bords du lac Léman, chez un pasteur protestant qui occupait les fonctions de Principal du collège communal.
A cette époque, la Suisse a acquis la neutralité et l’inviolabilité, garanties par les Puissances européennes ; la vie intérieure est stable. C’est dans un climat de liberté et dans un environnement idyllique (face au Mont Blanc), qu’Emilien DUMAS reçut son éducation. Son intérêt se porta rapidement vers les sciences naturelles, intérêt qu’avait déjà suscité un vieil ami de la famille lorqu’il était à Sommières : le docteur Marc Dax.
Ses promenades au bord du lac Léman lui procurent matière à constituer un herbier et il s’attache à déterminer avec exactitude les espèces qu’il récolte. Tous les sujets d’étude le passionnent à l’exception du latin et du grec. Il a aussi l’âme d’un collectionneur : minéraux et fossiles commencent à encombrer ses armoires. Petit à petit son intérêt grandit pour les Sciences de la Terre. L’environnement dans lequel il évolue en est probablement responsable. Les Alpes, comme toutes les chaînes montagneuses sont des livres ouverts de l’histoire de la terre. On y trouve tous les indices nécessaires à la reconstitution de la formation de notre planète. La lecture n’en est pas toujours aisée mais chaque découverte provoque des joies immenses. Son séjour à Morges dura 6 ans, au cours desquels sa passion pour les sciences ne cessa de s’accroître.
Son père désirant qu’il améliorât ses études par l’apprentissage d’une langue étrangère, voulut ensuite l’envoyer en Allemagne, mais Emilien lui exprima sa préférence pour Bâle, désireux d’y suivre Alexandre Vinet, qu’il avait connu à Morges, et qui était nommé professeur de littérature française à cette Université.
Alexandre Vinet (1797 – 1847) fut un critique littéraire émi-nent et un maître à penser pour des générations de chrétiens. Il entraînera ses lecteurs hors de l’Eglise réformée d’Etat vers une "Eglise Libre", et certaines de ses formules resteront indélébiles : "Quand tous les périls seraient dans la liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférerais encore la liberté ; car la liberté c’est la vie et la servitude la mort". Comme beaucoup d’intellectuels suisses il a hérité de la pensée réformatrice ; même si l’héritage calviniste demeure, elle évolue vers une quête de la vérité et les écrivains du XIXè siècle s’éloignent des écoles et des églises officielles. Ce sont des libres penseurs, désireux de faire évoluer la société et c’est dans cette ambiance, lui permettant d’acquérir une grande ouverture d’esprit et la passion du savoir, qu’Emilien DUMAS continue de grandir.
Après deux années passées à Bâle, Emilien DUMAS rentrait en 1824 à Sommières chez son père. Estimant que son fils était suffisamment instruit, il essaya de le mettre à la tête de l’exploitation agricole. Mais ce n’était pas là le désir d’Emilien qui ne put résister à l’attraction de Paris et il partit l’année suivante pour la capitale où il arrive en septembre 1825.
L’Europe occidentale et Paris sont à la fin du XVIIIe siècle le siège d’une intense activité en matière de création intellectuelle et artistique. Paris est à cette époque un échangeur sans frontière. Les contacts personnels pris par les savants, les philosophes et les écrivains français, à l’occasion de l’émigration et de la guerre, avec la pensée européenne et américaine, leur permirent d’élargir le champ de leurs recherches.
En 1825, l’édition française publie entre 13 et 14 millions de volumes, dans un pays où pourtant les deux tiers de la population sont illettrés.
Les sciences brillent d’un vif éclat : mathématiques (Cauchy, Fourrier, Legendre…), Physique et chimie (Fresnel, Ampère, Carnot, Gay-Lussac…), sciences naturelles (Lamarck qui formule des hypothèses sur les êtres vivants que reprendra Darwin et sur-tout Geoffroy-Saint-Hilaire et Cuvier ; le premier expose dans sa Philosophie Anatomique l’hypothèse transformiste, le second protestant fervent, défend l’hypothèse fixiste et réussit à l’imposer pour longtemps aux milieux scientifiques français). La liste pourrait être bien plus longue ; la Restauration [] est l’une des plus brillantes périodes de l’histoire de la pensée française.
A son arrivée à Paris, Emilien DUMAS est émerveillé par tous les trésors et les chefs d’uvres que recèlent les monuments nationaux. Dès que la faculté ouvre ses portes, il assiste aux cours de Cuvier (géologie et paléontologie naissante), Jussieu (botanique), Gay-Lussac (physique), Geoffroy-Saint-Hilaire (zoologie), Brongniart (minéralogie) et Thénard (chimie). Il sent alors qu’il appartient à cette famille de scientifiques et sait qu’il va marcher sur la trace de ses maîtres.
La géologie était de loin la discipline dominante de l’époque. Ami Boué (1794 – 1881, fondateur de la Société Géologique de France – 1830) a résumé cette expansion phénoménale de la ma-nière suivante : "En comparant le nombre des ouvrages parus en 1833 à ceux des années 1830, 1831 et 1832 on obtient la proportion établie par les nombres 300, 450, 500 et 900". (Bulletin de la Société Géologique de France – 1833). En France selon l’Echo du Monde Savant, les mémoires traitant de la géologie et de la paléontologie publiés en 1833 étaient de loin plus nombreux que ceux traitant des autres sciences réunies.
Comme à Morges, la petite chambre d’étudiant d’Emilien est rapidement encombrée de minéraux , fossiles et plantes qu’il ramasse lors de ses excursions. Il effectue à cette époque de nombreux échanges avec l’Ecole des Mines.
Il est définitivement de retour à Sommières en 1826, initié aux premiers essais méthodiques de la géologie, que le XIXe siècle a vu naître ; on pouvait la considérer comme une science neuve, bien que les éléments sur lesquels elle s’appuie soient les plus anciens de l’univers.
Il essaie alors de se plier aux désirs de son père, s’intéresser à l’agriculture. La botanique, la physiologie végétale et la chimie qui le passionnaient auraient pu l’y retenir. Dans une lettre à Alphonse Dumas, son cousin il écrivait, parlant de la chimie : "…quel plaisir en effet de connaître les différents corps qui nous entourent, de connaître l’analyse de l’air que nous respirons, de l’eau que nous buvons et des mets qui nous nourrissent etc., etc… ; quant à moi je crois que l’homme ne commence à exister réellement que dès l’instant qu’il connaît toutes ces choses,… merci au Grand Lavoisier…". Mais ce n’est pas son principal domaine d’intérêt, et rapidement il déserte l’exploitation familiale pour la faculté des sciences de Montpellier, où il se lie avec des professeurs. Il poursuit ses études et ses recherches, d’abord autour de sa ville natale : Sommières.
Il épouse le 9 mai 1828, Mlle Pauline Borel, mariage probablement arrangé par Alphonse Dumas, son cousin de Nîmes. Elle est la seule héritière d’une confortable fortune ; son père possède une filature de soie à Orange et plusieurs propriétés. Emilien DUMAS qui ne voulait pas s’occuper des propriétés de son père devra bien s’occuper de celles de sa femme.
Momentanément absent du cercle scientifique de la faculté de Montpellier, il sera vite rappelé à l’ordre par Jules de Christol, naturaliste et ami, auquel il écrit en octobre 1828 : "…Vous voyez que me voilà marié seulement depuis quelques mois et je n’ai nullement lieu de me repentir de mon changement d’état. Je me hâte de vous rassurer sur les craintes que vous paraissez avoir conçu ; le mariage n’a point éteint en moi l’amour de la science ; il m’a encore moins fait oublier un ami tel que vous, non je ne suis pas un transfuge, l’Etendard Géologique flotte toujours pour moi …".
Et, effectivement, c’est à la même année que remonte sa découverte de la grotte ossifère de Pondres, découverte qui fut le point de départ de sa réputation.
Au cours du XVIIIe siècle, l’accumulation de documents fossiles devint telle qu’il fallut rechercher une explication demeurant en harmonie avec la Bible. Elle prit la forme de la "théorie du Déluge". Celle-ci justifiait la présence de fossiles en affirmant qu’ils étaient les vestiges d’animaux ayant péri dans le Déluge du temps de Noé. Mais la découverte de fossiles antédiluviens, d’une apparence semblable à celle d’animaux postérieurs au Déluge rendait cette théorie de moins en moins crédible.
C’est Georges Cuvier (1769 – 1832), géologue et zoologiste, membre de l’Académie des Sciences qui conforta cette doctrine chrétienne traditionnelle menacée par les gênantes incohérences. Pour expliquer la succession des séries de fossiles mis au jour dans les sédiments rocheux, il avança l’hypothèse d’une suite de catastrophes, chacune ayant anéanti animaux et végétaux (d’où les fossiles). Ces bouleversements étaient suivis d’accalmies durant lesquelles Dieu pourvoyait la Terre d’espèces nouvelles amélio-rées. Dans cette succession de catastrophes, le déluge de Noé, n’était alors qu’un épisode. La "théorie de la Catastrophe" ou "théorie des créations successives" fut un baume pour bon nombre d’esprits endoloris, cependant il existait des irréductibles…
Charles Lyell (1797 – 1875), un anglais considéré comme le père de la géologie moderne, publia en 1830 le premier volume de son ouvrage capital "Principes de Géologie" et qui établit la preuve indiscutable qu’Homo sapiens habitait une planète très ancienne.
La découverte d’Emilien DUMAS avait été suivie d’une publication en juin 1829 [] ; cette publication lue à l’Académie des Sciences eut un grand retentissement et il est fort probable que Lyell ait utilisé les résultats de ces fouilles pour argumenter sa théorie.
Cuvier accueillit cette découverte avec dédain et dans son Discours sur les révolutions de la surface du globe il dit : "… on a fait grand bruit, il y a quelques mois de certains fragments humains trouvés dans des cavernes à ossements de nos provinces méridio-nales ; mais il suffit qu’ils aient été trouvés dans des cavernes pour qu’ils rentrent dans la règle…".
La découverte d’Emilien DUMAS était encore une des gênantes incohérences de la "théorie du Déluge", revue et corrigée en "théorie de la Catastrophe". Dans la caverne de Pondres les restes de l’homme et les débris de son industrie étaient réellement confondus avec les débris d’animaux antédiluviens, d’où la preuve de leur contemporanéité. Dans une lettre à Jules de Christol, Emilien DUMAS exprimait son agacement vis à vis des personnes qui niaient ces évidences : "... Au reste je ne comprends pas comment un fait aussi palpable puisse trouver des adversaires. Selon moi, c’est une des vérités géologique les plus incontournables et je ne conçois pas, comment ce fait n’est pas pleinement admis au-jourd’hui dans tous les traités de géologie.".
C’est en 1830 que la preuve la plus éclatante de l’ancienneté de l’espèce humaine était découverte à Abbeville dans le nord ouest de la France par Jacques Boucher de Crèvecur de Perthes (1788 – 1868). Ce fut probablement l’étape décisive du conflit qui opposait au XVIIIe siècle les créationistes et les tenants d’une certaine évolution. Emilien DUMAS fut un des artisans de cette bataille ; ses jugements étaient fondés sur des observations et non sur des spécu-lations. Preuves à l’appui, il a participé au démantèlement de la théorie de Cuvier, qui fut pourtant un de ses professeurs et maîtres à penser. Il a aussi fourni à Charles Darwin (1809 – 1882), un homme qui avait entre autre, le don de la synthèse de l’information disponible, une partie du matériel pour élaborer sa thèse évolutionniste sur l’origine des espèces [], qu’il divulgua au moment le plus favorable de la conjoncture intellectuelle.
Encore une fois son père essaya de le dissuader de continuer ses recherches. Mais, ces restes fossiles, ces silex taillés recueillis si précieusement, avaient ouvert au jeune savant ( il avait 24 ans à cette époque ) trop d’horizons nouveaux pour qu’il pût renoncer à la nature et à son histoire. Voué désormais à la géologie, Emilien DUMAS se mit à parcourir le département du Gard, allant fréquemment chercher dans les départements limitrophes, l’explication de phénomènes intimement attachés à ceux qu’il observait ici.
C’est alors qu’il conçut la pensée de sa grande Carte géologique du Gard, son uvre, celle qui mêle la rigueur de l’esprit scientifique et le talent de la main de l’artiste.
Pour se figurer l’immense difficulté de la tâche qu’il allait s’imposer il faut se reporter à l’époque où elle fut entreprise, il y a de cela près de deux siècles, la géologie sortait à peine de l’enfance.
Les "Principes de Géologie" de Charles Lyell sont considérés comme l’acte de naissance de la géologie en tant que discipline scientifique. C’est un ouvrage de synthèse qui retire aux fondamentalistes religieux le privilège de l’interprétation de l’histoire de la Terre. Ceux-ci fixaient la naissance de la Terre un lundi matin à 9 heure, en 4004 av. J.C []. Les évidences géologiques ne pesaient pas lourd en face de cette analyse biblique. Lyell trouva sa solution en soutenant que la Terre était suffisamment vieille pour qu’il ne restât aucune trace de son origine. Il n’était pas le premier à émettre cette hypothèse d’un âge très avancé de la Terre, mais même si ses travaux n’ont eu que peu d’influence sur les géologues français, ils ont eu pour objet, avant tout, de fonder la géologie en tant que discipline scientifique.
De la géologie, on donne deux définitions à première vue très différentes. Pour les uns cette science a pour objet la description des masses rocheuses qui constituent l’écorce terrestre ; pour les autres elle a pour but de reconstituer l’histoire des phénomènes qui ont produit ces roches et qui les ont transformées. L’expérience a montré que la reconstitution des processus générateurs permet d’ordonner la description de l’état actuel et de parvenir aux lois qui le régissent.
Le premier travail en géologie consiste en un inventaire miné-ralogique d’un territoire. Cet inventaire s’exprime par la carte géologique.
La carte géologique distingue les formations rocheuses par leur nature lithographique et indique leur rapport de position. Les formations sont celles qui affleureraient si la terre végétale était enlevée. La géologie fournit des règles pour en déduire la constitution en profondeur avec une certaine approximation. C’est une carte qui adopte la gamme conventionnelle des couleurs ; celle de la géologie historique qui fournit une chronologie et une datation relative des formations.
L’établissement de la carte géologique est la base de la plupart des applications techniques : recherche de matières premières, d’eau et de substances minérales utiles.
Emilien DUMAS commença sa carte en 1828 ou 1829 et il mit plus de vingt ans à la compléter. Tout était à faire. Il n’eut à son service pour établir la topographie et le relief du sol que les anciennes cartes de Cassini, documents incomplets et souvent erronés.
C’est dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que fut réalisée la première carte géométrique de la France à moyenne échelle (1:86400), appuyée sur une nouvelle triangulation [] générale exécutée de 1733 à 1744. Cette carte dite de Cassini, ou de l’Observatoire, ou de l’Académie, fut l’uvre de César François Cassini (1714 – 1784) et de son fils Jacques-Dominique (1748 – 1845). Le territoire fut divisé en 182 feuilles. Commencée en 1748, les levés étaient pratiquement finis en 1789 mais les dernières feuilles ne virent le jour qu’en 1817.
La superficie du département du Gard est de 5835 km2, soit un rectangle de 25 x 130 kilomètres. La région ainsi délimitée présente une très grande variété de paysages qui va de pair avec celle de ses terrains. Du point de vue géologique son intérêt est absolument exceptionnel. On y trouve toutes les formations sédimentaires fossilifères de l’Antécambrien [] jusqu’au Quaternaire [], presque toutes les catégories de roches cristallines, cristallophylliennes [10] et volcaniques, la plupart des types de structures tectoniques [11] réalisées au cours de plusieurs orogenèses [12]. On peut enfin y observer l’influence des conditions naturelles sur les établissements humains, depuis les grottes préhistoriques jusqu’aux cités industrielles.
Armé d’un baromètre, d’un marteau, d’une loupe et d’un sac dans lequel il amassait les échantillons, les minéraux et les fossiles, Emilien DUMAS a parcouru inlassablement la campagne languedocienne pendant plus de vingt ans. A cette époque les moyens de transport étaient lents et pénibles, les routes mal tracées et la population des campagnes souvent méfiante. Tout cela formait autant d’obstacles qu’il fallait surmonter chaque jour. A la suite d’une course géologique dans les environs de Saint-André-de-Valleraugue, Saint-Hippolyte-du-Fort et Le Vigan, Emilien DUMAS confiait à Jules de Christol, dans une lettre datée du 18 septembre 1839 : J’espère enfin m’allonger dans un lit qui sera meilleur que la paille sur laquelle j’ai couché la veille…"
C’est un travail de titan auquel s’était attaqué Emilien DUMAS. Beaucoup auraient succombé sans le mener à terme. Il l’a conduit seul, sans subvention, sans le dire et l’annoncer, supportant les fatigues que ce travail exigeait de son corps et de son esprit.
Emilien DUMAS travaillait depuis plusieurs années à la Carte géologique du Gard quand l’administration se mit en rapport avec lui pour en obtenir la publication aux frais du département. Le Conseil Général du Gard avait compris l’intérêt d’un tel document qui serait pour la région une source de renseignements très utile. Sa carte devint donc une uvre d’utilité publique et la première feuille , celle de l’arrondissement du Vigan parut en 1844. Emilien DUMAS dut cependant, sur les conseils de la direction générale des mines, harmoniser sa carte avec la Carte géologique de France à 1:500 000 de MM. Dufrénoy (1792 – 1857) et Elie de Beaumont (1798 – 1874). Cette carte de synthèse, publiée en 1839, donnait les grands traits de la constitution géologique de la France, mais ne comportait pas les détails des cartes départementales.
La seconde feuille, celle de l’arrondissement d’Alais, parut en 1846, puis vint en 1850, celle de l’arrondissement de Nîmes. Enfin la quatrième feuille, celle de l’arrondissement d’Uzès ne fut publiée qu’en 1874, soit quatre ans après sa mort. Ces cartes sont accompagnées d’une notice détaillée dont il n’est donné, malheureusement, qu’à un petit nombre de les apprécier. L’article suivant, rédigé le 18 décembre 1850, et inséré dans l’annuaire du Gard, publié par le Conseil Général, offre un aperçu de la constitution géologique du Gard selon Emilien DUMAS.
Constitution géologique du Gard.
La composition géologique du département est très variée et nous ne pouvons guère en donner ici qu’un aperçu très succinct.
Dans la région haute, qui comprend la totalité de l’arrondissement du Vigan et la partie occidentale de celui d’Alais, on observe le granit, roche éruptive, c’est à dire qui est sortie de l’intérieur du globe à l’état de fusion et qui forme les fondements ou le noyau intérieur des montagnes schisteuses des hautes Cévennes, où il constitue un immense massif dominant de tous côtés les formations voisines et s’élevant, dans quelques points, à plus de mille mètres au dessus du niveau de la mer. Ce corps de montagne granitique s’étend de l’est à l’ouest, depuis Saint-Jean-du-Gard jusqu’aux environs d’Alzon, sur une longueur de plus de 40 kilomètres.
Tout autour de cette grande masse granitique, se montrent des schistes noirs, luisants et talqueux alternant avec quelques rares couches calcaires, groupe de roche désigné généralement par les géologues, sous le nom de terrain de transition, comme pour indiquer que ces dépôts sont intermédiaires entre les roches d’origine ignée et celle dont le principe acqueux ne saurait être contesté. Et en effet ces roches dépourvues de tout débris organiques fossiles, semblent s’être déposées à une époque où la vie organique n’était pas encore développée à la surface de la planète que nous habitons.
C’est sur ces schistes anciens que repose près du Vigan et surtout aux environs d’Alais le terrain houiller, si connu par ses riches couches de ce combustible et à qui l’on doit les beaux établissements métallurgiques de Bessège et d’Alais et l’origine des chemins de fer du midi.
Au dessus de la formation houillère, on observe, dans quelques points assez restreints, une succession de couches de grès et de marnes vertes ou rouge-lie-de-vin, désignée par lesgéologues allemands sous le nom de Keuper, étage qui constitue la partie supérieure du terrain triasique.
C’est sur le Keuper que vient s’appliquer, sur tout le revers occidental de la chaîne des Cévennes, qui court du S.S.O. au N.N.E., une suite de couches, calcaires, argileuses et dolomitiques dont l’ensemble forme un bassin particulier, d’une grande épaisseur, désigné sous le nom de terrain jurassique, parce qu’il compose en grande partie la chaîne du Jura. Le terrain jurassique se subdivise en plusieurs étages particuliers dont plusieurs se rencontrent dans les basses Cévennes et qui sont remarquables par les débris organiques qu’on y observe. Voici le nom de ces divers étages, en remontant la série des couches : le Lias, les Marnes-su-praliasiques, l’Oolite inférieure, l’Oxfordien, et le Corallien.
La région moyenne du département, composée de la partie orientale de l’arrondissement d’Alais et de la totalité de celui de l’Uzès, est constituée presqu’en entier par la formation Néocomienne, par la craie chloritée et par les argiles Aptiennes, étages qui font partie du terrain crétacé dont l’étage supérieur ou Craie blanche, si développé dans le nord de la France, ne se trouve pas, dans le midi.
Dans la région basse ou maritime qui s’étend sur la totalité de l’arrondissement de Nîmes, on observe les terrains tertiaires moyens comprenant la formation lacustre et la formation marine de la molasse coquillière. C’est ce dernier étage qui fournit la pierre de taille par excellence du midi, et qu’on exploite, notamment aux environs de Beaucaire, de Sommières, de Grand-Gallargues, d’Aigues-Vives et de Mus. On trouve également dans cette région, principalement sur la plaine qui s’étend au sud d’une ligne passant par Avignon, Nîmes et Montpellier, le terrain tertiaire supérieur ou Dépôt subapennin composé de sables jaunes, de poudingues et de marnes argileuses et qui doit son nom aux collines subapennines du Piémont où ce dépôt a été primitivement étudié. Cette dernière formation est enfin elle même recouverte sur un bonne partie de la plaine du Vistre et sur les collines de la Costière par les cailloux diluviens, restes du dernier cataclysme auquel le globe a été soumis.
Ces quelques lignes sur la composition du sol du département, doivent faire sentir, même à ceux à qui l’étude de la géologie n’est pas familière, combien cette science toute nouvelle est vaste dans ses recherches et dans ses applications et combien elle pourra contribuer un jour au progrès de l’agriculture, première source de la prospérité des nations.
Emilien DUMAS avait commencé son inventaire par les terrains houillers de la région d’Alès, considérés comme les plus précieux du département. Il entasse les échantillons très variés, et dans la "Notice sur la constitution géologique de la région supérieure ou cévennique du département du Gard", il donne une description détaillée des végétaux fossiles Il admet que toutes les houilles proviennent de la décomposition des végétaux et constate que la flore fossile est différente dans chaque série houillère. Cette observation sur la présence, la rareté, l’absence et la nature des végétaux le conduit à proposer une datation relative : chaque couche de houille d’âge différent peut être caractérisée par des espèces de plantes différentes. Cette conclusion eut une très grande portée et Adolphe Brongniart mentionna ces résultats dans un rapport au ministère de l’Instruction Publique, le 27 décembre 1844. Dix ans après, le professeur Bruno Geinitz de la faculté de Dresde, reprit intégralement les conclusions d’Emilien DUMAS qu’il appliqua aux terrains houillers de la Saxe et qui selon lui étaient générali-sables à l’ensemble des terrains houillers d’autres contrées. Mais la priorité de ces observations, ne lui appartenait pas, elle revenait entièrement à Emilien DUMAS.
Il est sans doute exagéré de dire que la carte géologique du bassin houiller d’Alès est à l’origine de l’établissement des exploitations minières de cette région, mais elle a puissamment contribué au développement de cette industrie (la Grand-Combe, Bessèges), qui au milieu du XIXe siècle était florissante.
A l’opposé il y a le delta du Rhône et la Camargue. Emilien DUMAS a montré que les apports du fleuve ont progressivement comblé cette région, en rejetant la mer et son cordon littoral dans sa position actuelle. L’originalité de ses observations réside dans le fait qu’il fait remonter le cordon littoral primaire au niveau de Tarascon et de Beaucaire, alors que d’autres le voyaient au-dessous de l’étang de Vaccarès. Des études plus récentes ont confirmé ses observations. Il montra aussi que les digues, dont les travaux commencèrent au XIIe siècle et furent achevés au XIVe siècle, contribuèrent à exhausser le niveau du Rhône. Le plus gros de sa charge solide (galets, graviers) se dépose au-dessus de Beaucaire ; seuls les éléments fins (limons) arrivent à la mer, en raison d’une perte de vitesse des écoulements, liée à une diminution de la pente naturelle. Enfin, il prouva que Saint Louis, quittant Aigues-Mortes pour sa croisade en Palestine, dut traverser 10 kilomètres d’anciennes dunes et d’étangs pour rejoindre ses vaisseaux mouillés dans la Méditerranée, dont les rivages étaient, à peu près, ce qu’ils sont de nos jours, en ce lieu.
L’ensemble de ses travaux, qui à lui seul suffit pour illustrer sa carrière, et qui comporte des données très diverses, a pour titre " Statistique [13géologique, minéralogique, métallurgique et paléontologique du département du Gard ". Aux quatre feuilles de la carte géologique, s’ajoute une feuille de coupes qui révèlent la nature des profondeurs du sous-sol. Ces profils ont été publiés après sa mort, en 1875. La notice explicative se présente en 3 volumes : le premier paru en 1875 sous le titre " Constitution physique renferme entre autre une analyse succincte de tous les documents ayant un rapport avec la géologie du Gard ; le second volume " Constitution géologique parut en 1876 et le troisième volume " Exploitation, industrie minérale parut en 1877. C’est probablement le désir d’atteindre la perfection qui a retardé la publication d’une grande partie de travaux d’Emilien DUMAS. S’il avait été plus soucieux de sa gloire et moins perfectionniste il aurait accru sa réputation.
Ses travaux géologiques ne s’arrêtèrent pas au département du Gard ; le Conseil Général de l’Hérault lui commanda un travail similaire pour son territoire. Il accepta, et avec la collaboration de M. de Rouville (géologue et professeur à la faculté de Montpellier), entreprit des levés qui aboutirent à l’établissement de la carte de l’arrondissement de Lodève, dont un spécimen fut présenté à l’exposition de Montpellier en 1860. Fatigué, il ne put cependant pas continuer ce travail, laissant le soin à son collaborateur de l’ache-ver.
La science ne fut pas la seule à accueillir les services d’Emilien DUMAS. Il a été souvent appelé pour prêter ses lumières à la création d’entreprises industrielles : exploitations de houilles et de minerais de fer, auxquelles il consacra les dernières années de sa vie.
Il partit en juillet 1863 pour l’exploration des mines de fer du littoral de l’Espagne. Il dressa les cartes des différentes concessions ferrifères, et précisa leur position dans l’échelle stratigraphique [14]. Il rapporta de cette mission une "luxation à l’épaule", fruit de son inexpérience à monter, des journées entières, un mulet ! En novembre de la même année, il se rendit en Afrique pour étudier les mines des environs de Bône, et surtout celles de fer de Mokta-el-Hadid, dont il précisa l’extension géographique. Ce gîte célèbre, fournit à la France, l’essentiel de la matière première pour la fabrication de l’acier. Il rentra en France à la fin de janvier 1864, et après quelques mois de repos, reprit la mer le 8 avril 1864, pour la Sardaigne. Ce sont encore des mines de fer qui l’attendaient, et un problème sur leur mode de gisement.
Il prit aussi une part active aux recherches industrielles de la houille dans le midi de la France. A Alès tout d’abord, où il fit ef-fectuer deux sondages profonds. L’un confirma ses hypothèses, et donna lieu à deux concessions nouvelles dans ce bassin houiller, dont une fut accordée à la Société de recherche fondée et présidée par Emilien DUMAS lui même. Dans le Var ensuite, où il espérait démontrer que le terrain houiller, mal connu dans cette contrée de la France, recelait des ressources inexploitées. Ses rapports conclurent à la présence de houilles et il encouragea la formation d’une compagnie de recherche.
C’est à cette époque, lorsqu’il parcourait l’Estérel, qu’il fut récompensé de ses travaux : le 16 octobre 1864, il apprenait sa promotion au grade de Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.
Enfin ce fut avec ardeur qu’il entreprit en 1869 une étude sur les minerais de fer des Pyrénées Orientales, gîtes qui étaient mal connus au point de vue de leur allure et de leur position stratigraphique.
Elie de Beaumont, à l’occasion d’une conférence préliminaire sur la géologie au Collège de France en 1839, et au sujet de la pro-fession de géologue disait : " Aujourd’hui qu’on commence à aller à Saint Pétersbourg en cinq jours, à Constantinople en huit ou dix, à New York en quatorze ; aujourd’hui qu’avec le télégraphe électrique on se parle par des signes à plusieurs centaines de lieues ; nous sommes au commencement d’une ère nouvelle où la localité de chacun sera beaucoup plus grande qu’elle ne l’a été jusqu’ici, parce que la faculté de se promener aura été beaucoup augmentée et l’inconvénient d’être absent de chez soi beaucoup diminué. Noustouchons un moment où la localité de chaque géologue sera le globe terrestre "
Le géologue est de toutes les classes de savants le plus obligé à se déplacer. Les moyens de transport sont pour le géologue ce que sont les lunettes pour l’astronome. Lyell, considérait que le voyage était une part essentielle de l’activité du géologue et dans son autobiographie il affirmait : " Nous devons prêcher en faveur du voyage, qui doit être la première, la seconde et la troisième obligation du géologue ". Emilien DUMAS l’avait compris, il avait entrepris tardivement ce second volet de sa carrière, cependant ses observations sur la géologie du Gard dans le domaine minier, faisaient référence, contribuant ainsi à élever la géologie au rang d’une discipline scientifique à part entière.
En Juin 1870, Emilien DUMAS se prépare à repartir dans les Pyrénées Orientales pour continuer ses travaux sur les minerais de fer, quand il apprend la déclaration de guerre avec l’Allemagne. C’est dans ces circonstances malheureuses qu’il reprend la route, conscient d’un futur désastre pour la France. Après plusieurs haltes à Nîmes, Montpellier, Narbonne et Toulouse pour rendre visite à des amis, à Foix pour consulter des archives et des documents nécessaires à ses explorations, il arrive à Ax-sur-Ariège, malade… C’est la fin de son voyage, il y succombera le 21 septembre 1870 d’un anthrax [15] aux reins, loin de sa ville natale.
Au cours de la séance du 4 avril 1871, le Président de la Société Géologique de France rendait à Emilien DUMAS, l’hommage de ses pairs :
" Si nous savons tous le nom de la petite ville de Sommières, c’est à M. Emilien DUMAS que cette localité en est redevable. M. DUMAS comprit de bonne heure l’utilité de la géologie. Son cabinet, était devenu pour les savants du Midi, un centre de réunion où l’on trouvait pour la solution d’un grand nombre de questions plus de ressources que n’en offrent, hélas ! la plupart de nos établissements officiels. Cependant, disons le sans détour et pour exprimer un regret que sa fin prématurée ne justifie que trop, si M. E. DUMAS avait toutes les bonnes qualités de l’homme de science, il ne s’en était pas donné toute la puissance. Malgré les reproches qu’on lui en faisait chaque jour, il restreignait trop le cercle de son action ; tandis que d’autres publient peut-être trop, il ne publiait pas assez, ainsi bien des découvertes qui lui sont dues figurent-elles dans la science sans que son nom y soit attaché et d’autres mourront avec lui parce qu’il ne les a pas enregistrées dans nos publications. Cependant il a eu une influence considérable sur les progrès de la géologie. C’est à Emilien DUMAS, alors collaborateur de J. Christol et M. Tournal, que sont dues les premières observations relatives à l’ancienneté de l’homme qui ont conduit les naturalistes à abandonner l’opinion de Cuvier. Elles se rapportent aux cavernes de Pondres dans le Gard, et de Bize dans l’Aude."
Emilien DUMAS fut aussi archéologue, numismate et son opinion faisait loi pour le classement de tous les documents qui se rattachent à l’anthropologie comme à la céramique antique ; sa vaste érudition en faisait aussi un bibliophile averti.
Ses travaux ne l’ont pas empêché de s’intéresser à la vie politique de sa commune ; pendant près de 40 ans il a rempli les fonctions de conseiller municipal de la ville de Sommières, et de secrétaire du consistoire [16].
En 1870, à la demande de ses amis , il se présentait aux élections cantonales ; on pouvait lire le 31 mai 1870, dans le Courrier du Gard (journal politique, littéraire et commercial) sa profession de foi :
Lettre aux électeurs du canton de Sommières
Messieurs,
Des raisons de santé éloignant M. Causse qui depuis 1848 représentait si dignement le canton de Sommières, de nombreux amis m’engagent à solliciter vos suffrages.
Encouragé, soutenu par eux, je viens vous dire simplement ce que je ferais si j’avais l’honneur d’être mandataire.
Né à Sommières, n’ayant jamais quitté le canton, et m’étant livré à des études sérieuses et de détails pour la confection d’une carte minéralogique et géologique, accueillie par le département avec quelque ferveur, tous les besoins du canton me sont connus, ceux des portions les moins fertiles du territoire, comme ceux des belles et riches communes de la Vaunage, dont la prospérité réclame hautement une voie ferrée.
Exempt de toute ambition, je ne serais gêné par aucune considération extérieure pour défendre les intérêts départementaux. J’ai de nombreuses et excellentes relations. Elles me permettront, je l’espère, de rendre quelques services publics et privés. Je veillerai, aussi sans relâche, au meilleur emploi des deniers des contribuables, en sorte que les sacrifices que nous nous imposons chaque année, profitent dans l’entière mesure du possible au développement de l’instruction publique et au bien être de l’agriculture.
Le 29 Mai 1870
Emilien DUMAS fut battu à cette élection. Son discours politique n’était pas à la hauteur de son discours scientifique. Il a toujours été ennemi du vague et de l’incertain, profondément intègre, qui sont des qualités fondamentales pour un scientifique. Conseiller scientifique d’une société française désireuse d’acquérir une concession minière en territoire espagnol, il avait conclu négativement à ce projet. Le propriétaire espagnol, informé de cette opinion, lui proposa un cadeau de 50000 francs, s’il voulait changer d’avis et faire un rapport favorable. Emilien DUMAS, indigné, refusa et lui répondit : " Monsieur, votre mine ne valait à mes yeux que peu de chose hier ;après ce que vous venez de me proposer, aujourd’hui elle ne vaut rien !".
Emilien DUMAS était géologue avant tout, il a consacré sa vie à éclaircir l’histoire de notre planète ; c’est un des buts de la géologie. Richard E. Leakey, archéologue et préhistorien anglais contemporain la résume à sa façon :
" Si nous devions faire tenir l’histoire de la Terre, jour après jour, année après année, depuis sa formation au sein du système solaire, il y à 4,5 milliards d’années, et que nous disposions d’un seul livre d’exactement 1000 pages, chaque page correspondrait à 4,5 million d’années. Près du premier quart de cet ouvrage, soit 220 pages, décrirait la lente apparition de conditions propices à l’éclosion de la vie après que la condensation des gaz eut formé notre planète en ébullition. Il faudrait attendre que nous ayons feuilleté les trois quarts du texte avant de voir la vie des mers prendre l’aspect familier qu’elle a à nos yeux : l’apparition des poissons remonte à 500 millions d’années ; une des phases les plus étranges de l’histoire du globe, celle qui inspire le plus d’effroi, l’âge des dinosaures, occuperait quelque 30 pages, couvrant la période comprise entre 220 et 70 millions d’années avant nos jours, époque à laquelle ces animaux disparurent avec une soudaineté inhabituelle et furent remplacés par les mammifères. C’est à cette époque, voilà 70 millions d’années, que les premiers primates se développent, petits animaux semblables à des rats qui abandonnent la vie au sol pour devenir arboricoles : grands singes, petits singes et humains dérivants de ces modestes mammifères initiaux.
Le plus lointain des ancêtres identifiables de l’homme surgit 3 pages avant la fin du livre, il y a environ 12 millions d’années. La lignée Homo émerge au bas de l’avant dernière page, tandis que les premiers outils de pierre apparaissent au milieu de la dernière page. Pour finir, l’histoire des hommes actuels se trouverait comprimée tout entière dans la dernière page de l’ouvrage : l’art et le symbolisme des peintures rupestres de l’âge de pierre, l’avènement de l’agriculture, l’exaltation intellectuelle de la renaissance, les bouleversements de la révolution intellectuelle, les pressions exercées par les supergrands, la genèse de l’astronautique et tous les événements qui constituent notre histoire récente, devraient rentrer, se télescoper dans le dernier mot."
Pendant longtemps la géologie fut ignorée, et l’on a cru fermement, jusqu’à nos jours, que le roc était la chose la plus immuable. Puis deux voies se sont ouvertes à la curiosité des choses de la terre, celle qui consiste à étudier les roches en tant que telles, la plus ancienne : l’étude des minéraux ou Minéralogie et l’étude des roches ou Pétrographie ; l’autre qui consiste en la recherche de l’origine des roches et de leur disposition. C’est avec la seconde voie que se développa la géologie, le jour où la notion de "fossile" et par conséquent de vie antérieure à l’époque actuelle, sous des formes différentes apparut.
De telles idées ne virent le jour qu’après le Moyen Age (Bernard Palissy, 1510 – 1590 ; Léonard de Vinci, 1492 – 1519), mais la controverse dura longtemps. Voltaire ironisait encore au XVIIIe siècle sur les coquilles trouvées dans les Pyrénées, qu’il préférait croire jetées par des pèlerins allant à Saint-Jacques de Compostelle. Deux théories principales s’affrontaient au milieu du XVIIIe siècle, quant à l’origine des roches : celle de Werner (1749 – 1817), ou Neptunisme qui proclamait que tous les terrains avaient été déposés par la mer ; celle de Hutton ou Plutonisme qui voyait l’origine des roches dans le feu des volcans.
C’est de ces deux théories sur l’origine des roches qu’allait naître, à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, la dis-tinction entre les roches dites sédimentaires et les roches ignées, ce qui permit le développement de la minéralogie et de la pétrographie. L’évolution des autres disciplines fut plus difficile. Fonder une science revient souvent à créer un domaine hors de portée des autorités religieuses (les démêlés de Galilée avec l’Eglise catholique, sont le combat de la rationalité scientifique contre la persécution religieuse). Aussi, l’évolution des autres disciplines et en particulier la Paléontologie qui eut un impact considérable sur l’évolution de la pensée humaine en général, fut plus difficile en raison de ses implications philosophiques. C’est le combat que nous avons déjà évoqué, celui des partisans de l’évolution contre les créationistes.
Et puis tout est allé très vite ; on s’intéressa à la chronologie des terrains, ainsi se développa la Stratigraphie à laquelle sont attachés les noms d’Acide d’Orbigny (1802 – 1857) et d’Oppel (1831 – 1865). On essaya ensuite de reconstituer les milieux dans lesquels s’étaient formés les terrains sédimentaires : la Paléogéographie. On s’attacha ensuite à l’étude des déformations des terrains : la Tectonique, qui aboutira avec A. Wegener (1880 – 1930), à la théorie sur la dérive des continents. Après avoir eu beaucoup de mal à admettre, par la paléontologie, que le monde vivant avait évolué, par la stratigraphie et la paléogéographie que la limite des mers avait pu varier, il fallait admettre que les masses continentales s’étaient déplacées.
L’histoire de la géologie est une longue lutte contre l’anthropocentrisme [17], son apport est capital, car elle replace l’homme dans le temps et dans l’espace. Les développements actuels de la géologie sont à l’échelle planétaire ; une planétologie dont la géologie du globe terrestre n’est qu’un des aspects. Ses diverses branches tendent à se multiplier et à se mêler aux branches issues d’autres sciences. Cependant le but de la géologie restera avant tout historique, reconstituer l’histoire des temps passés et en tirer les conséquences pour l’époque actuelle.
Chaque jour, science plus exacte, la géologie demeure aussi un art, dont Emilien DUMAS fut un maître.
Extrait du Registre des Délibérations du Conseil Municipal de Sommières
Séance du 10 novembre 1878
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DELIBERATION RELATIVE AU DON, FAIT A LA COMMUNE PAR
M. LOMBARD – DUMAS, DES UVRES D’ EMILIEN
DUMAS ET AU CHANGEMENT DE NOM DE LA RUE
DU FAUBOURG DU BOURGUET EN CELUI DE RUE
EMILIEN DUMAS
L’an mil huit cent soixante-dix-huit et le dix novembre, le Conseil Municipal de Sommières s’est réuni dans la salle de l’hôtel de la mairie, en vertu de l’arrêté préfectoral du 11 octobre dernier, sous la présidence de M. Gaussorgues, maire.
M. le Maire dépose sur le bureau les cartes géologiques du Gard par Emilien Dumas, et trois volumes in-8° servant de texte explicatif à ces cartes, ainsi qu’une notice biographique sur Emilien Dumas par son gendre, M. Lombard.
Il donne ensuite lecture d’une lettre de M. Lombard, ainsi conçue :
"J’ai l’honneur d’offrir à la ville de Sommières les uvres d’Emilien Dumas, savoir : la Carte géologique du Gard et la feuille des coupes qui l’accompagne, avec les trois volumes in-8° qui servent de texte explicatif à cette carte.
En adressant cet hommage à la ville de Sommières j’ai eu à cur de lui offrir un souvenir du savant qu’elle a vu naître, et qui l’a honoré dans le monde scientifique comme dans le monde industriel par plus de quarante années d’un travail sans relâche.
Vous trouverez, Monsieur le Maire, dans la notice biographique que j’ai l’honneur de vous adresser en même temps que les uvres de votre savant compatriote, le détail de tous ses travaux et l’emploi qu’il fit de sa belle intelligence durant sa trop courte carrière.
Veuillez agréer, etc."
M. le Maire s’exprime ensuite en ces termes :
Messieurs, nous acceptons avec une vive reconnaissance le don gracieux de M. Lombard-Dumas.
Les uvres de notre savant compatriote manquaient à notre petite bibliothèque communale ; et, en venant combler ce vide que nous regrettions, M. Lombard nous offre en même temps une occasion que nous saisirons avec empressement de rendre à la mémoire d’Emilien Dumas l’hommage que lui doit sa ville natale.
Je considère que c’est pour nous un devoir à remplir, une dette à acquitter, que de dire ici combien nous sommes honorés et fiers de l’éclat qu’a jeté sur notre modeste commune la haute réputation scientifique de notre géologue.
Emilien Dumas, en effet, nous appartient tout entier, et son nom est en quelque sorte inséparable de celui de Sommières ; c’est ici qu’il est né et qu’il repose ; c’est ici que, pendant quarante ans, il a accumulé avec une patience infinie et un esprit scientifique remarquable toutes ces richesses minéralogiques et archéologiques qui font l’admiration de tous les savants qui les visitent ; c’est ici qu’il exécutait, au retour de ses excursions lointaines, les cartes géologiques du département du Gard, les premières et les plus parfaites qui aient paru en France, et que, appliquant sa belle intelligence à l’étude des choses de la nature qu’il savait si bien observer, il rédigeait ces mémoires qui ouvraient à la science de la géologie, alors naissante, des horizons nouveaux et contribuaient pour une large part au magnifique développement industriel de notre région.
Tous les savants français ou étrangers qui l’ont connu et apprécié, et dont quelques-uns sont venus s’asseoir à son foyer, tous les industriels, tous les ingénieurs qui ont mis à profit ses travaux connaissaient sa demeure : il sera toujours pour eux et pour ses nombreux amis : Emilien Dumas, de Sommières.
Je ne puis pas, Messieurs, vous retracer ici sa vie et vous énumérer ses travaux ; vous n’avez qu’à lire la notice biographique que lui a consacrée M. Lombard pour vous convaincre que notre ville peut s’enorgueillir à bon droit d’avoir donné à la science un homme comme Emilien Dumas.
Et cependant, bien que sa vie se soit écoulée au milieu de nous, il est bien peu de nos concitoyens qui se rendent un compte exact des services éminents qu’il a rendus à la science et à son pays.
Ce n’est que dans un monde restreint et privilégié que se forment et se répandent les réputations scientifiques. Le public qui retient si facilement le nom des généraux qui gagnent et même qui perdent des batailles, passe souvent indifférent devant les hommes qui ont été le plus utiles à l’humanité en élargissant le champ des connaissances humaines, et en créant, par l’étude des lois et des choses de la nature, de nouvelles sources de travail et de bien-être.
C’est à nous, Messieurs, amis de la science, du travail et du progrès, à signaler à la reconnaissance publique les serviteurs passionnés de toutes ces grandes causes. Honorer les hommes qui ont bien mérité de la patrie et de l’humanité, offrir leur vie en exemple aux générations nouvelles, n’est-ce pas faire uvre patriotique et républicaine ?
Permettez-moi d’ajouter en terminant que les cartes géologiques d’Emilien Dumas ont obtenu la Médaille d’or à l’exposition de 1878. Cette médaille n’ajoutera rien au renom scientifique du géologue qui n’est plus ; mais elle est pour M. Lombard la récompense méritée des soins pieux qu’il a consacrés à recueillir et à mettre à jour les derniers travaux du savant que la mort a interrompus, et des efforts heureux qu’il fait tous les jours pour poursuivre et compléter son uvre.
Le Conseil,
S’associant à l’unanimité aux paroles prononcées par M. le Maire.
Décide :
1° Les Cartes géologiques d’Emilien Dumas seront encadrées et suspendues dans la grande salle de la mairie ;
2° Une place d’honneur sera réservée, lors de la réorganisa-tion de la bibliothèque, aux uvres d’Emilien Dumas et à la notice de M. Lombard ;
En outre, le Conseil,
Considérant les services rendus par Emilien Dumas à la science et à son pays ;
Considérant que la ville de Sommières peut s’honorer à bon droit de l’avoir vu naître ;
Emet le vu,
Que la rue du faubourg du Bourguet où il est né et où se trouve la maison qu’il a habitée toute sa vie, porte désormais le nom de rue EMILIEN DUMAS.
Une expédition de la présente délibération sera remise par les soins de M. le Maire à la famille d’Emilien Dumas.
Ont signé les membres présents.
Un décret du Président de la République, en date du 9 décembre 1878, approuva cette décision. Un plaque en fonte, posée à chaque extrémité de la rue qui avait vu naître le savant sommiérois, porte en gros caractères :
RUE EMILIEN DUMAS
GEOLOGIE DU GARD
1804 – 1870
Il n’existe aucune trace dans les archives de la commune de Sommières, du don fait par M. Lombard, à savoir la Carte géologique du Gard (5 feuilles), la notice explicative (3 volumes) et la notice biographique sur Emilien DUMAS.
TITRES HONORIFIQUES ET TRAVAUX
D’EMILIEN DUMAS
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TITRES HONORIFIQUES
Chevalier de la Légion d’Honneur, le 8 octobre 1864.
Sociétés savantes
Correspondant du Ministère des travaux publics.
Associé correspondant de l’Académie du Gard, 11 janvier 1834.
Membre de la Société Géologique de France, 1er novembre 1830 ; de l’Institut des Provinces, 1846 ; de la Société de l’Histoire du Protestantisme français, 1858.
Membre honoraire de la Société scientifique et littéraire de la ville d’Alais, 1869.
Membre correspondant de la Société des sciences physiques, chimiques et arts industriels de Paris, 1833 ; de la Société archéologique de Montpellier, 1834 ; de la Société statistique des Arts utiles et des Sciences naturelles du département de la Drôme, 1844 ; de la Société Linéenne de Normandie, 1845 ; de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, 1849 ; de la Commission de la Topographie des Gaules, 1866.
Sociétés industrielles
Président de la Société des eaux de Vergèze.
Directeur de la Société de Saint-Germain-Alais.
TRAVAUX
Travaux publiés
1841 Lettre à M. le Maire de Nîmes : Géologie du site de Nîmes dans ses rapports avec le forage des puits artésiens. Mém. de l’Académie du Gard. 1841. p. 132.
1844 Mémoire sur le Fraidronite, nouvelle roche plutonique. Congrès scientifique de France, 12e session, 1844.
1844 Carte géologique du département du Gard : Arrondissement du Vigan.
1845 Carte géologique du département du Gard : Arrondissement d’Alais.
1846 Notice sur la constitution géologique de la région supérieure ou Cévennique du département du Gard, lue à la session extraordinaire de la Société géologique de France, tenue à Alais. Bulletin de la Soc. géol. de France, 2e série, t. III, 1846.
1847 Altitudes, ou hauteurs au dessus du niveau de la mer, mesurées à l’aide du baromètre, dans les arrondissements du Vigan et d’Alais (Gard) et dans quelques lieux circonvoisins. Notice sur les nivellements, par Bourdalouë. Valence, 1847.
1850 Carte géologique du département du Gard : Arrondissement de Nîmes.
1852 Carte géologique du département du Gard : Arrondissement d’Uzès. (Publiée après sa mort en 1874).
1852 Coupes géologiques générales, suivant la direction des lignes accompagnées de lettres tracées sur la Carte géologique du Gard. (Une grande feuille, publiée après sa mort en 1875).
1856 Statistique géologique, minéralogique, métallurgique et paléontologique du département du Gard, ouvrage accompagné de planches et d’une carte géologique en cinq grandes feuilles, à l’échelle de 1/86400. Nîmes, 3 volumes in-8°.
1repartie, Constitution physique. (Publiée après sa mort en 1875).
2e partie, Constitution géologique. (Publiée après sa mort en 1876).
3e partie, Exploitation, industrie minérale. (Publiée après sa mort en 1877).
1859 Rapport sur la concession houillère de Cessous et Trébiau (Gard), Nîmes, broch. in-4°.
1864 Note sur la Panopa Aldrovandi, découverte à l’état sub-fossile dans l’ancien cordon littoral de la Méditerranée. Insérée dans la Revue des sciences naturelles, t. IV, septembre 1875.
1863 Catalogue de l’exposition de Nîmes, pour la partie minière et scientifique, dressée en collaboration avec M. Parran. Brochure in-8°.
Travaux inédits
1841 Note sur quelques monuments anciens de la période gauloise, observés dans le département du Gard, avec dessins originaux de Menhirs et Dolmens.
? Mémoire sur la Céramie des anciens, avec recueil en fac-similé des noms de potiers gravés sur les poteries antiques, principalement aux environs de Lyon, de Vienne, d’Orange, de Vaison, d’Avignon, d’Arles et de la ville de Nîmes.
1852 Hypsométrie du département du Gard, 2 volumes. En grande partie publiée dans le Texte explicatif de la Carte géologique du Gard, t. I, Orographie
1855 Recueil de notes et copies de mémoires relatifs aux cartes du Delta du Rhône, conservées au Dépôt général des Fortifications.
1856 Catalogue, avec notes et observations, des cartes du Delta du Rhône et des diverses embouchures de ce fleuve, depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours, pour servir à l’étude géologique de la formation du delta du Rhône. (Ce catalogue est accompagné d’un Atlas de cartes, qu’Emilien Dumas avait réunies par des achats successifs ou des copies patientes de sa main. Il est composé de 95 pièces originales, gravées ou manuscrites, ou de copies exactes de cartes et plans conservés dans divers établissements publics, entre autres à Paris, à la Bibliothèque Nationale, aux Archives scientifiques du dépôt de la Marine, – au Dépôt général des Fortifications, – à Arles, aux Archives et à la Bibliothèque Communale, – à Marseille, aux Archives départementales, etc… Les cartes sont classées en 7 périodes).
1856 Carte agronomique du département du Gard, arrondissement de Nîmes, dressée sur la carte géologique de cet arrondissement, à l’échelle de 1/86400. Essai manuscrit, présenté au Conseil général du Gard en 1856 et exposé à l’Exposition générale de Nimes, en 1863.
1860 Carte géologique de l’Hérault, arrondissement de Lodève, à l’échelle de 1/129600 (réduction au 2/3 de la carte de Cassini). En collaboration avec M Paul de Rouville, professeur à la Faculté des sciences de Montpellier.
1860 Note sur un nouveau genre de Céphalopode fossile, de la famille des Ammonitidées (Ammonitoceras Uciti). Cette note a été en partie insérée dans le texte explicatif de la carte géologique du Gard, t. II p. 405, pl. V.
1860 Note sur un nouveau genre de Polypes fossiles, appartenant à l’ordre des Polypes nus, Lamk. (Nemausina neocomiensis). Cette note a été en grande partie insérée dans le texte explicatif de la Carte géologique du Gard, t. II, p. 326, fig. 24 et 25.
1860 Monographie de la famille des Belemnitidés, avec les figures de toutes les espèces, dessinées d’après nature. (Ce travail d’érudition et de synonymie est malheureusement inachevé).
1863 Rapport sur le gisement de quelques minerais de fer, situés sur la côte orientale et méridionale de l’Espagne, adressé à M. Léon Talabot.
1863 Rapport pour la société Saint-Germain-Alais.
1864 Carte géologique cadastrale (échelle au 1/20000e) des trente communes de l’Hérault où se trouvent compris les terrains Paléozoïques de ce département, en collaboration avec M. Paul de Rouville, professeur à la faculté des sciences de Montpellier.
1864 Rapport sur les gîtes de minerai de fer des environs de Mokta-el-Hadid.
1864 Rapport sur les mines de fer de St-Léon, en Sardaigne.
1865 Etude sur le terrain houiller du Var, avec projet de sondage.
1867 Rapport sur les gîtes de minerais de fer qui existent dans le département des Pyrénées-Orientales.
1869 Mémoire sur la concession houillère de Prades-et-Nieigles (Ardèche).
Notes diverses : Régime des eaux de la fontaine de Nîmes.
Régime des eaux de la fontaine d’Eure.
Sur la durée probable de la production du combustible de nos houillères.
Sur les ciments naturels qu’on peut exploiter dans le Gard.
Sur les pierres employées par les Romains pour la construction du Pont de Sommières.
BIBLIOGRAPHIE
A.D.G.- Fonds Emilien DUMAS. Côte 97 J.
LOMBARD DUMAS A. (1904).- Etude sur les travaux d’Emilien Dumas de Sommières. Seconde édition publiée à l’occasion du centenaire d’Emilien Dumas. Ed. Demontoy & Dejussieu.
AUBOUIN J.- BROUSSE R. – LEMMAN J.P. (1981).- Précis de géologie. Ed. Dunod-Université.
LEAKEY E.R. – LEWIN R. (1985).- Les origines de l’homme. Ed. Champ-Flammarion.
SERRES M. (1991).- Eléments d’histoire des sciences. Ed. Bordas.
DUMAS E. (1993).- Emilien Dumas et l’empreinte de Sommières sur les fa-milles Dumas, Lombard, Laporte, Conard… Ed. Lacour.
MALET et ISAAC (1994).- L’histoire. Tome 3. Les révolutions 1789 – 1848. Ed. Marabout.
Auteur : P. FOUCHER