NDLR :
Jean Chassefeyre, commissaire en 1991 de l’exposition « Sommières, carrefour du rail », nous a retracé, dans un pré-cédent article, les grands moments du Chemin de Fer dans notre ville.
Il nous présente aujourd’hui les différents types de gares construites sur les lignes Nîmes-Montpellier-Sommières-Le Vigan-Alès.
Guy Vidal qui a lui aussi participé à l’exposition nous a confié un document extrait des Archives Départementales du Gard, joint en annexe, et concernant le choix de l’emplacement de la gare de Sommières.
C’est en 1840 que le chemin de fer apparait dans le département du Gard. Lors de la construction de la ligne de la Grand’Combe à Beaucaire les bâtiments sont édifiés en brique avec des parements en pierre tels que cela se pratiquait alors en Angleterre et qui servit de modèle pour les chemins de fer continentaux. La gare de Ners est d’ailleurs la reproduction exacte d’une station anglaise, ceci en hommage à Stephenson fils, qui s’était lié d’amitié avec Paulin Talabot concepteur et constructeur de la première ligne gardoise.
Le développement rapide du chemin de fer dans la seconde moitié du XIXe siècle va conduire les Compagnies à normaliser les constructions dans un but d’économie et de rapidité d’exécution. Dans notre région, deux Compagnies vont peu à peu se partager l’exploitation des Chemins de fer : La Compagnie du Chemin de fer de Paris à Lyon et la Méditerranée (PLM) dirigée par Paulin Talabot et la Compagnie des Chemins de fer du Midi, appelée « Le Midi » sous l’influence des Frères Pereire.
Chaque compagnie s’est attachée à construire des bâtiments d’exploitation parfois forts différents les uns des autres. Notre propos se limitera aux gares de « campagne » à l’exclusion des bâtiments de villes importantes telles que Nîmes, Montpellier, Sète ou Béziers qui sont de véritables gares-monuments. Ainsi vont appaître dans nos régions des constructions tellement typiques qu’un oeil même peu exercé, reconnaîtra facilement au détour d’un chemin, une gare désaf-fectée.
A partir de 1882, Sommières se trouve au centre d’une étoile ferroviaire dont les branches se dirigent tour à tour vers Nîmes, Montpellier, Gallargues, Alès et Le Vigan. Ce réseau d’une relative densité constitue le trait d’union entre Garrigues et Cévennes. Il était exploité par le PLM. A partir de 1892, la Compagnie du Midi met en service la ligne Tournemire-Le Vigan dont le point de jonction avec le PLM se situe dans la sous-préfecture gardoise.
Nous envisagerons donc dans une première partie les bâtiments construits par le PLM et dans une seconde partie ceux édifiés par la Compagnie du Midi.
I – Les Constructions de type PLM
Dès le départ, les construteurs du Chemin de fer ont compris que la gare est le point de rencontre entre le Chemin de fer et la cité. Bâtiment d’exploitation il doit être aussi la vitrine du Chemin de fer. C’est ainsi que le PLM est amené à édifier des constructions d’une certaine qualité. A partir d’une gare type (à deux ou trois portes), la Compagnie va élaborer plusieurs variantes destinées à satisfaire les besoins des différentes localités desservies et ce, en fonction de leur importance. On retiendra que le bâtiment voyageur (ou BV dans le langage cheminot) est toujours implanté du côté de l’agglomération desservie. Il marque la fin de l’avenue de la Gare et assure la transition avec les emprises du Chemin de fer proprement dites (voies). Dans les cas d’une gare commune à deux agglomérations le premier nom est celui de la commune où est situé le bâtiment de la gare. (exemple : Le bâtiment de la gare de Fontanès-Lecques est situé sur la commune de Fontanès et l’entrée des voyageurs est placé du côté Fontanès). Pour la facilité de l’étude, le type de bâtiment est défini en fonction des portes qui donnent sur le quai.
Le type de gare le plus communément répandu est 2 ou 3 portes avec toit à deux pentes. Le bâtiment est contruit en pierres ajustées au mortier de ciment et crépi. L’encadrement des portes et fenêtres est en pierre de taille tandis que les menuiseries sont en bois avec des portes fenêtres à volets intérieurs au rez-de-chaussée et des volets à persienne à l’étage où se trouve l’appartement du Chef de Gare. Le rez-de-chaussée est réservé au service (guichet, salle des pas perdus, bureau du Chef de Gare). Les modèles à deux portes ne possèdent pas de marquise. Parmi les bâtiments, à deux portes on peut citer quelques exemples : Nages, Saint Christol, Fontanès-Lecques, Orthoux-Sardan. Il s’agit pour l’essentiel de stations de faible importance. Parfois les besoins de l’exploitation ont conduit à rajouter une aile à une porte d’un rez-de-chaussée seulement. Tel fût notamment le cas pour la gare de La Cadière.
Les villages plus importants ont droit à un bâtiment « 3 portes », tels Castries, Saint Geniès de Mourgues, Vic Le Fesq, Junas-Aujargues, Caveirac. De plus une marquise abrite les voyageurs sur toute la longueur du bâtiment. Dans les Chefs-lieux de canton et les bourgades de plus de 1 000 habitants, la gare comprend un bâtiment « 5 portes » avec toit à quatre pentes divisé en un corps principal à 3 portes et deux ailes à une porte élevées d’un étage sur rez-de-chaussée, c’est ainsi que des gares de ce type ont été construites à Calvisson, Sauve, Sumène ou Pont D’Hérault. Dans ce dernier cas, la présence d’un bâtiment important s’explique par la correspon-dance par tranway en direction de Valleraugue qui aurait dû être établie. Ce projet n’a jamais vu le jour.
Dans les sous-préfectures (Le Vigan-Uzès) la gare comprend un bâtiment principal à cinq portes flanqué de deux ailes à deux ou trois portes au rez-de-chaussée. Côté ville une horloge frontale coiffe l’édifice. Une marquise abrite les voya-geurs sur toute la longueur du bâtiment, tandis que sur le quai opposé au bâtiment-voyageur se trouve un abri de quai métallique comme en gare du Vigan.
Les gares de catégorie inférieure possèdent généralement un abri de quai en maçonnerie flanqué d’une ou deux portes où se trouvaient respectivement la lampisterie et le magasin.
Le nom des gares est écrit en lettres blanches sur fond bleu sur des plaques en tôle émaillée. Il est répété sur l’abri de quai ainsi que sur les lampadaires de la gare. En ce qui concerne les WC, ceux-ci sont établis dans un petit bâtiment séparé de la gare.
Un place à part doit être faite au profit des locaux affectés au trafic des marchandises. Dans les gares les moins importantes (Boisseron, Fontanès, Lecques, La Cadière par exemple) une ou deux voies desservent un quai surélevé découvert. Dès que le trafic des marchandises est plus dense, le quai découvert est prolongé d’une halle à deux ou trois portails. Une des voies pénètre alors dans le bâtiment et permet le transbordement des marchandises en toute sécurité.
Les gares les plus actives (Le Vigan, Sommières) ont une halle qui comporte jusqu’à dix portails.
La Gare de Sommières nécessite à elle seule une étude particulière en raison de son rôle de gare de correspondance. En effet le bâtiment-voyageurs est un neuf portes avec un corps principal à trois portes donnant sur la salle des pas perdus flanquée de deux ailes de trois portes auquel s’est ajouté vers 1910 un appenti d’une porte au rez-de-chaussée côté Nîmes. Outre la salle des pas perdus, on trouve au rez-de-chaussée les guichets de la recette, le bureau du Chef de Gare et ceux des sous-chefs. Bien que la gare possède trois quais, il n’y a pas d’abri pour les voyageurs.
A côté de la gare proprement dite, le buffet a rythmé pendant des décennies la vie des voyageurs. Il s’agit d’un bâtiment à trois portes avec une aile au rez-de-chaussée à une porte. De semblables édifices ont été édifiés à Quissac, Le Vigan et Lézan.
Le PLM était riche, malgré l’existence de plans-type, la Compagnie n’hésitait pas à avoir des installations proportionnées aux localités traversées. Dans le cas d’une Compagnie moins fortunée on va se rendre compte d’une variété moins grande de bâtiments.
II – Les Constructions de type « MIDI »
La gare-type du « Midi » comprend un élément principal à deux portes élevé d’un étage sur rez-de-chaussée. La Halle à marchandises était accolée à ce bâtiment elle-même prolongée d’un quai découvert d’une dizaine de mètres de long. Contrairement aux gares PLM qui disposaient d’un nombre de voies important, la gare « midi » ne possède que trois voies. La voie principale, la voie d’évitement qui est opposée au bâtiment-voyageurs, et la voie de débords qui longe le bâtiment-voyageurs et la halle de marchandises.
Cette disposition avait été adoptée par la Compagnie pour toutes ses gares. C’est ce modèle que l’on trouve par exemple à Molières-Cavaillac, Bez et Esparon, Aumessas, Alzon, Sauclières sur la ligne qui conduisait à Tournemire où l’on rejoignait la ligne Béziers-Neussargues.
Les sous-préfectures et préfectures avaient un sort plus enviable puisque la halle à marchandises était séparée. Le bâtiment voyageurs comprenait et comprend encore de nos jours, pour certaines gares, un corps principal à deux portes à étage flanqué de deux ailes d’un rez de chaussée à deux portes. Tel est le cas de Mende et Marvejols.
Parfois le bâtiment s’apparente à ceux du PLM avec horloge frontale et toit mansardé sur le bâtiment principal. Tel est le cas de la gare de Millau, dans les départements de l’Aveyron.
Un autre exemple nous est fourni par la gare de Bédarieux (Hérault) qui comporte une grande marquise métallique couvrant toutes les voies de la gare. Cette situation un peu exceptionnelle est dûe à la générosité d’une riche Bédaricienne qui voulait prendre le train à l’abri des intempéries.
Amateur de Chemin de fer, ou profane, chacun peut de nos jours repérer des bâtiments ferroviaires. Cet exposé permettra aux plus curieux de parfaire leurs connaissances. Quoi qu’il en soit, cette architecture est le témoin non seulement du Chemin de fer mais encore de la vitalité de certaines régions. Comment expliquer par exemple l’importance de certaines installations comme au Vigan, à Alès, ou à Sommières si ce n’est par l’importante activité économique ?
En d’autres endroits, c’est le Chemin de fer qui a créé de toutes pièces des bourgades ; tel est l’exemple de Séverac-Gare dans l’Aveyron, des quartiers Ouest de Bédarieux, ou de cités construites de toutes pièces comme Tergnier dans le Nord de la France.
A l’heure où les rails viennent d’être enlevés entre Ganges et Le Vigan, à l’heure où des projets sérieux de transformation de la voie ferrée Nîmes-Le Vigan en piste cyclable semblent prendre forme, j’espère que les promoteurs d’une telle entreprise sauront conserver le caractère des bâtiments et rappeler à l’occasion leur destination primitive.