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Cinquantenaire de la lébération, Exposition commémorative – Site de Sommières et Son Histoire

K. CORNAILLE

L’association "Sommières et son Histoire" a contribué à la commémoration du cinquantenaire de la Libération de la France en présentant au public une exposition consacrée à la Deuxième Guerre Mondiale.

Par l’entremise de près de cinquante panneaux, d’une ving­taine de vitrines garnies d’objets d’époque, et de mises en scène "grandeur nature", les visiteurs se sont vus transportés brutalement au coeur d’un pays déchiré par le conflit. D’emblée, l’ambiance est posée ; l’atmosphère est lourde, pesante, chargée de tout ce passé guerrier qu’il est nécessaire de rappeler au nom du devoir de mémoire .

Le devoir de mémoire, c’est le souvenir de notre patrimoine culturel, c’est l’histoire du passé ; c’est l’histoire de notre passé, de nos racines, de ceux qui se sont battus pour que nous soyons là, avec notre société et nos valeurs morales.

Cette exposition, c’est la contribution que l’association "Sommières et son Histoire" a voulu apporter, parce qu’il est une période et des événements que l’on n’a pas le droit d’oublier… Mais la démarche adoptée par l’association pour faire revivre ce passé s’appuie sur la volonté de suggérer plutôt que d’ expliquer voire de juger . En effet, l’objectif n’est pas de présenter "sa" ver­sion historique mais simplement de montrer, d’afficher ce que fut la France -et Sommières- durant la Deuxième Guerre Mondiale. Le visiteur doit (re)découvrir une époque de la manière la plus objec­tive possible, sans parti pris idéologique. L’appui volontaire sur les journaux d’époque, les objets d’époque et les témoignages de l’époque évite toute tentation d’anachronisme. Le seul élément di­recteur qui dicte la logique de cette exposition est révélateur puis­qu’il s’agit de l’ordre chronologique. C’est de la guerre dont il s’agit, pas d’une querelle dialectique d’historiens. Et le message n’en est que plus clair…

De l’entrée en guerre à la signature de l’armistice [septembre 1939-juin 1940]

La Marche à la guerre : volonté d’action ou attentisme ?

Le thème du panneau1 introductif est consacré aux ultimes moments de la marche à la guerre , prévisible depuis la remilitari­sation de la Rhénanie engagée par Hitler dès le 7 mars 1936. Illustré par des extraits de journaux, ce panneau offre un choix d’articles dont le ton trahit le sentiment général de l’opinion pu­blique et des autorités politiques. Passivité de la pensée ? Passivité dans les faits ? Ou indifférence ? Assurément, la France n’est pas prête à s’engager dans un conflit où elle doit cependant intervenir de par ses engagements antérieurs en matière de politique étran­gère : la "drôle de guerre" commence…

L’éclairage médiatique des événements est significatif. L’Intransigeant, du samedi 2 septembre 1940, titre timidement : « Après l’agression allemande contre la Pologne, mobilisation gé­nérale en France et en Grande Bretagne… ». Déjà la censure offi­cie, avec un "blanc" significatif. Le déclenchement du conflit2 est abordé le lendemain par le même journal et le ton de la première page, emprunt de gravité, laisse entendre le peu d’engouement suscité par cette guerre. Déjà, la propagande est perceptible. En ef­fet, L’Intransigeant, affirme : « Héroïque résistance polonaise… Les troupes allemandes arrêtées… Ultimes pourparlers diploma­tiques… Les mobilisations française et anglaise se déroulent avec une froide résolution… Comme en 1914, les Chambres réalisent l’union Sacrée… ».

La solennité du moment n’échappe pas non plus à Paris-Soir du lundi 4 septembre qui titre : « Depuis 11 heures ce matin, l’An­gleterre est en guerre avec l’Allemagne, et la France sera en guerre à 17 heures. C’est en plein accord que les deux grandes puissances ont présenté séparément leurs injonctions à l’Allemagne… ».

Deux semaines se sont écoulées depuis la mobilisation, mais rien ne semble vraiment changer. La "Une" de Paris-Soir, du lundi 18 septembre, prévient le lecteur que « Les Russes sont entrés en Pologne… », et lui offre une précise et intéressante carte du conflit polonais. La France, semble suivre ce conflit de l’extérieur, en spectateur attentif mais attentiste…

Les Opérations militaires allemandes : le Blietzkrieg

Sobrement présentée en cinq cartes3, plus significatives que tout propos ; la guerre éclair affermit l’avancée allemande.

Trois cartes présentent d’abord la situation dans le Nord-Ouest de la France avec "Les Forces en présence en mai 1940", "L’Invasion de la Belgique du 18 au 20 mai", et "d’Amiens à Dunkerque".

La quatrième carte indique l’avancée allemande, notamment sur la frontière franco-belge ; c’est "L’Attaque des Panzer-Divisions en juin 1940". Rappelons que les chars de Guderian ont traversé la Meuse à Sommière [sans s]… [Sommière, petit village de Belgique, près de Dinant, au Sud de Namur !].

Enfin, la dernière carte dresse la situation militaire générale de la France au 18 juin 1940 à l’issue des attaques allemande et ita­lienne.

Parallèlement, la guerre continue d’avancer en Hollande, Belgique et Luxembourg1 Le déclenchement de la "campagne de France" est ici abordé à l’aide d’extraits de journaux. Paris-Soir du samedi 11 mai 1940 titre : « Les Allemands ont envahi ce matin à l’aube la Hollande, la Belgique et le Luxembourg ». Le même jour, Le Soir, dénonce « Le nouveau crime hitlérien… », et illustre sa couverture avec une photographie du Roi Léopold de Belgique. Le texte de ces journaux est significatif de l’état d’esprit d’alors : on croit encore à la réédition modernisée du plan Schlieffen de 1914, on croit encore pouvoir arrêter l’ennemi…

Toutefois, le déclenchement des opérations allemandes et son corollaire, l’avancée de la Wehrmacht jettent bientôt sur les routes des dizaines de milliers de réfugiés. Et la guerre pénètre dans le Gard… L’arrivée de l’exode belge à Sommières2 est ici présentée par 4 photos de militaires et de civils, par la liste des cantonnements des militaires, par le dénombrement des réfugiés civils [27 familles ; soit 81 personnes] que les Sommiérois ont dû accueillir, alors même que tout était désorganisé et les moyens plus que restreints…

Juin 1940 : la signature de l’armistice

La défaite française se poursuit dans la débâcle des réfugiés, des militaires3, des esprits, tandis que l’Italie entre dans le conflit. L’écrasement de notre armée dans la poche de Dunkerque4 est abordé avec deux extraits de journaux. Le Journal, du mardi 4 juin 1940 explique : « Tandis que les embarquements continuent à Dunkerque, en dépit des efforts acharnés de l’ennemi, bombarde­ment aérien de la région parisienne », « Les nazis réclament l’aide italienne », et « Le rôle actuel de la ligne Maginot ». L’Intransigeant, à la même date, précise : « Est-ce l’heure de Mussolini ? » et « La retraite héroïque des alliés sur Dunkerque ». Nul triomphalisme dans les quotidiens, mais au contraire un fatalisme désabusé…

La défaite française, écrasante, amène la suspension des hostilités. La France est ici le seul vaincu de 1940 à avoir signé un tel document, sous l’influence du Maréchal Pétain. Celui-ci affirme que « Nous reconnaissons tous que la situation militaire est aujour­d’hui très grave. Elle est telle que, si le Gouvernement français ne demande pas l’armistice, il est à craindre que les troupes n’écoutent plus la voix de leurs chefs… Or il est impossible au gouvernement sans émigrer, sans déserter, d’abandonner le territoire français […] L’armistice est à mes yeux la condition nécessaire de la pérennité de la France éternelle »5.

Le panneau6 présente ce moment de notre histoire avec deux extraits de journaux : Le Matin du dimanche 23 juin 1940 dé­clare : « L’armistice a été signé, ordre de cessez-le-feu » . Le Matin du 25 juin 1940 reprend la nouvelle : « Les hostilités sont terminées, l’armistice a été signé à 19h35… ».

Rappelons que la signature de l’armistice avec l’Allemagne s’est déroulée le 22 juin à Rethondes, précisément [et de manière symbolique] dans le wagon où avait été signé celui du 11 no­vembre 1918. L’armistice avec l’Italie fut quant à lui signé le 24 juin.

Concernant plus particulièrement Sommières1, le départ des Belges en exil après l’exode et la débâcle, est illustré par des documents émouvants tels que par exemple une belle lettre de remerciement et le rappel du match de football franco-belge organisé à cette occasion, le dimanche 4 août 1940.

De la France officielle…

“La France coupée en deux”

La victoire allemande entraîna le découpage de la France en cinq zones2. La zone occupée et la zone libre sont les mieux connues mais il existait également une zone italienne , une zone dé­pendant du Commandement allemand en Belgique et une zone in­terdite . Quant à l’Alsace et la Lorraine ; elles étaient alors alle­mandes.

Témoins de ce "charcutage" de notre territoire, les cartes in­terzones et surtout la correspondance…

Les correspondances civiles interzones, familiales et com­merciales indiquaient la complexité de la communication en France. Et que dire de la correspondance "militaire" ?3 En effet, les millions de personnes déplacées4 et dispersées éprouvaient l’intense besoin de correspondre ; d’échanger des nouvelles. Mais ce besoin se heurtait aux limitations apportées par les Allemands et, bien évidemment, à la censure du courrier.

A titre d’exemple, parmi ce type de correspondance, se trouve la carte d’un soldat français annonçant qu’il est prisonnier de guerre. Le message, bien que sibyllin, dut néanmoins apporter un grand soulagement aux proches dont on imagine aisément et la joie de recevoir des nouvelles et… le soulagement !.

Le courrier qui traversait les frontières était pour le moins hétéroclite : Lettres d’un prisonnier en stalag (1940, 1942) ; Lettre en provenance d’un camp S.T.O. (1943) ; Franchise militaire (1940) avec contrôle postal ; Censure allemande sur correspon­dance France-Allemagne (1944) ; Lettre de France pour un officier prisonnier (1941) ; Bon pour l’envoi d’un colis à un prisonnier (1942) ; Lettre en provenance d’Algérie, via la Croix rouge à Genève.

Toute cette littérature du quotidien apparaît révélatrice des délicates conditions de vie de l’époque.

La politique menée par Vichy

Quelques aspects de la propagande

L’objectif de l’exposition de Sommières étant de suggérer et de montrer plutôt que de juger, l’ajout de vitrines garnies d’objets divers aux panneaux plus "froids" a contribué à raconter de ma­nière active la Deuxième Guerre Mondiale.

En matière de propagande, la première vitrine offre aux re­gards les extraits d’un journal qui titre : "Monsieur le Maréchal toute la France est avec vous" ; un ticket émis par la SNCF relatif au voyage Vichy-Marseille-Toulon des 2-4 décembre 1940 du Maréchal Pétain ; ou encore des couvertures d’ouvrages de Georges Deherme dont les titres, éloquents, ne prêtent guère à l’équivoque : La France victorieuse en péril . [Comment agir. De grands devoirs supposent de grandes forces], L’Idéologie salutaire . [Conserver pour améliorer], La Culture sociale de la Race . [Ordre et Progrès], [A l’élite des Français] La France militante . [Pour l’Ordre -condition de toute paix- qui est la base] ; etc…

La propagande est couramment employée pendant toute la période. Elle devient le "maréchalisme", le culte de la personnalité du Maréchal. L’un des panneaux1 l’illustre avec des affiches et des tracts, dont notamment « 1er mai, fête du travail : Je tiens les promesses, même celles des autres », « La révolution nationale », ou « Connaissez-vous mieux que lui2 les problèmes de l’heure ? », ou enfin « M. X est germanophile, M. Y est anglophile, M. Z est italophile, le Maréchal Pétain est Français »…

La mise en place de la ligne politique de l’État français3 est d’autre part symbolisée par l’exaltation systématique du travail, de l’effort à fournir, tel que défini par Pétain dans son célèbre dis­cours de Commentry du 1er mai 1941. Le journal politique quoti­dien Le Nouvelliste, daté du jeudi 1er et vendredi 2 mai 1941 titre : « Le 1er mai 1941 a célébré le travail et consacré la concorde plus que jamais nécessaire entre les citoyens » et accompagne l’article d’une grande photo du Maréchal Pétain et de son discours à Commentry : « Montluçon et Commentry ont fait au Maréchal et à l’amiral Darlan un accueil enthousiaste. A Commentry, le chef de l’État a défini les grandes lois de l’ordre social nouveau ». L’auteur de l’article, le mystérieux "P.F.A", insiste sur le thème de la France unie à un seul visage. Il célèbre la mort de "la France des uns contre celle des autres" et milite pour une France réconciliée. Derrière la propagande, le malaise est perceptible…

Dans la "capitale", le journal Le Petit parisien daté du 2 mai 1941 rapporte lui aussi le "message aux Français" proclamé à Commentry par le maréchal Pétain : le slogan « Le travail est le moyen le plus noble et le plus digne que nous ayons de devenir maîtres de notre sort » s’étale en effet à la "une" de ce quotidien.

Mais c’est surtout dans le domaine de l’éducation des enfants que le poids de la propagande semble le plus net. Davantage per­méable aux discours, puisque vierge de tout passé idéologique, la population scolaire constitue une cible de choix pour les tenants du nouvel "ordre moral".

La mise en œuvre de la politique de "l’ordre moral", élément fondamental de la politique de Vichy, est donc poursuivie au sein même de l’école. L’institution scolaire est en fait considérée comme le prolongement de l’éducation familiale. L’enseignement est épuré et réorganisé, avec par exemple la suppression en sep­tembre 1940 des écoles normales d’instituteurs, « Foyers malfai­sants de la démocratie ». Cet aspect est notamment abordé1 avec des affiches significatives comme « L’école, marraine du combat­tant » ou « Le repas a été bon et copieux à la cantine du secours na­tional… » , et bien évidemment l’affiche présente dans toutes les classes : « Pétain et la révolution nationale ». Enfin, l’affiche intitulée « L’ordre nouveau du Maréchal Pétain » où l’on peut lire « La France a perdu la guerre à cause des instituteurs », ou encore « La France a perdu la guerre parce que les officiers de réserve ont eu des maîtres socialistes… » illustrent clairement l’orientation idéologique dispensée dans les établissements éducatifs.

En outre, la mise en place de la politique de "l’Ordre moral" par les autorités de Vichy est marquée par l’institution dès juillet 1940 des Chantiers de jeunesse , mis en place sous l’autorité du Général de la Porte du Theil2. Autour d’une affiche sur les chan­tiers de la jeunesse, l’exposition fournit la liste des chantiers de la région, les insignes identifiant les diverses fonctions [insignes "Chantier de jeunesse-Gévaudan"], et les idées directrices de ces chantiers.

Par ailleurs, la lecture de certains magazines3 témoigne du décalage entre "le front" et "l’arrière". 7 jours, dans son édition du 13 octobre 1940 présente sur un ton presque folâtre « Comment les Allemands sont entrés à Paris » . La Semaine, choisit pour sa part de consacrer sa "une", un 11 novembre (1943), à des danseuses…

La propagande intérieure1 est donc intense et des magazines tels Actu ou Signal édités sur le territoire français, n’hésitent pas à relayer inlassablement la propagande allemande.

Cinq affichettes en couleur illustrent ce thème2. en louant la puissance de l’Allemagne et en magnifiant ses armées : la Luftwaffe , la Panzer , l’infanterie. L’objectif est également de ga­gner la confiance des Français. Une affiche proclame ainsi : "Populations abandonnées, faites confiance aux soldats alle­mands".

De fait, la victoire allemande de juin 1940 entraîna en France une très importante propagande destinée à magnifier l’ennemi vainqueur ; tâche rendue parfois plus aisée puisque nombre de Français étaient écœurés de cette rapide et totale défaite française tout à la fois prévisible et ahurissante.

La question de l’antisémitisme

Ce thème délicat est abordé de multiples façons dans l’ex­position3. D’abord, deux affiches rappellent quelques fantasmes : « France, prend garde aux revenants » et « Le complot juif contre l’Europe ». Puis, plus officiellement, sont présentés des extraits du premier Statut des juifs du 3 octobre 1940, symbole de l’ouverture de la collaboration effective, avant même la célèbre et médiatique poignée de main de l’entrevue de Montoire du 24 octobre 1940.

Autre symbole, l’étoile jaune est la plupart du temps accom­pagnée de slogans significatifs : « Le règlement du problème juif est un problème d’ordures ménagères » ou « Seul un juif mort est bon Français ».

Enfin, l’aspect sommiérois est abordé avec la dénonciation, puis l’arrestation et l’assassinat de la famille Pin-Atchewel par les Waffen S.S. et la milice d’Alès.

La collaboration franco-allemande…

…à travers les textes

La collaboration franco-allemande4 s’exprime également de manière institutionnelle. Bientôt, les Lois constitutionnelles de 1875, sur lesquelles reposait le régime républicain, sont révisées. C’est la fin de la IIIème République.

L’événement est par ailleurs abondamment commenté dans la presse. La France de Bordeaux et du sud-ouest, dans son édition du jeudi 11 juillet 1940 explique que « L’Assemblée Nationale, réunie à Vichy, a par 569 voix contre 80 [et 20 abstentions] décidé de donner tous pouvoirs au Gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du Maréchal Pétain, pour établir la nou­velle Constitution de l’État français ».

D’autre part, les débuts de la collaboration d’Etat font l’objet d’articles comme dans L’Oeuvre, du samedi 26 octobre 1940 où il est mentionné que « L’entrevue du Chancelier Hitler et du Maréchal Pétain a eu un caractère décisif : (et en ce qui concerne la) collabo­ration franco-allemande, les deux chefs d’Etat, réunis près de Tours, ont jugé qu’elle était plus que jamais nécessaire… ».

La nouvelle relance de la politique de collaboration s’effectue en janvier-février 1941. Quelques journaux s’en font l’écho. Ainsi, Le Petit parisien, daté du lundi 20 janvier 1941 estime que l’on s’achemine « Vers le dénouement de la crise politique : le Maréchal Pétain a reçu dans son wagon-salon M. Pierre Laval. Remaniement ministériel imminent ». Les arguments ici présentés marquent effectivement, au travers des incertitudes, cette accentuation de l’état d’esprit "collaborationniste". Et comment ne pas déceler les difficultés d’une politique autonome pour un État français sans pou­voirs réels à travers la "une" d’Aujourd’hui, du vendredi 14 février 1941 qui titre : « Le Général Franco s’est entretenu à Montpellier avec le Maréchal Pétain, le Général Weygand » …

…à travers les actes

Cette collaboration active1, notamment par l’intermédiaire de la LVF2 est illustrée par des extraits de journaux. L’Oeuvre du lundi 7-mardi 8 juillet 1941 consacre sa première page à l’évoca­tion de « La France sur le Front européen, une Légion de Volontaires Français contre le bolchevisme » et « La Constitution de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme est autori­sée par le maréchal Pétain, chef de l’État avec l’acquiescement du Führer ». De son côté, Le Matin , qui par ailleurs s’autoproclame « le mieux informé des journaux français », dans son édition du mardi 8 juillet 1941 titre : « Des Français combattront les Bolcheviks : une Légion de Volontaires est en voie de recrute­ment ». Notons également que dans un coin de la première page, le journal révèle : « Deux ans de prison à un juif pour injures au chef de l’État ».

Riche en enseignements de toute nature, ces documents méritent une lecture complète et attentive, tant ils témoignent à la fois des événements de l’époque, de la propagande allemande au travers des organes français de la collaboration, et de l’état d’esprit général de la collaboration. Comment, sous cette pression spiri­tuelle et collective, des hommes et des femmes ont-ils pu se lever clandestinement pour porter l’honneur de la France ? Rétrospectivement, leur mérite n’en apparaît que plus perceptible.

Forme militaire de la collaboration, la Légion des Volontaires Français1 est créée en juillet 1941 sous la forme d’une association (Loi 1901). L’objectif est d’envoyer des volontaires français combattre en Russie sous l’uniforme allemand. Dans l’optique de sa lutte contre le bolchevisme, la L.V.F. permettait à Hitler d’utiliser aux côtés des troupes allemandes ces Français farouchement anti­communistes, même si elle ne représentait au total "que" le Régiment n°638 de la Wehrmacht, placé sous l’autorité du colonel Labonne.

Fondée par Doriot [il est bientôt décoré de la Croix de fer pour son combat victorieux en Russie] et Déat, elle combat effecti­vement sur le front russe, et certains de ses membres s’illustrent même dans les Waffen S.S. et dans la Gestapo .

Dissoute en juillet 1942, la L.V.F. cède la place à une "Légion tricolore" censée représenter la France "sur tous les théâtres d’opération où les intérêts nationaux sont en jeu". Cependant, le recrutement se révèle décevant pour les Allemands.

Certaines affiches de propagande ont été consacrées à la L.V.F, telles que : "Engagez-vous", "L’Europe unie contre le bol­chevisme", ou encore "Victoria, la croisade contre le bolche­visme".

Autre symbole de la collaboration franco-allemande, le Service du Travail Obligatoire2. Il s’agit de la réponse de Pierre Laval aux exigences de Sauckel, "planificateur général pour le re­crutement de la main d’œuvre". Créé en février 1943, le "Service du Travail Obligatoire" envoie en Allemagne près de 700 000 Français.

Des affiches aux titres évocateurs [« Ne t’inquiète pas, je re­viendrai », « Finis les mauvais jours, Papa gagne de l’argent en Allemagne » et « Grâce à toi, je pars à mon tour »] participent aux objectifs de la propagande : il faut inciter, rassurer, et surtout convaincre. Les difficultés n’étaient en effet pas rares. L’exposition y fait allusion par l’intermédiaire d’un petit texte rela­tif à des "incidents" survenus "entre des jeunes requis et des mili­ciens", dans la région de Sommières, en mars 1943.

Pour aborder le thème polémique de la milice3, l’exposition use d’une volontaire sobriété. Cette formation paramilitaire de Français créée en 1943 sous les ordres de Joseph Darnand, appa­raît aujourd’hui en effet comme un symbole de toute la terreur physique de la collaboration.

Autour d’une grande affiche proclamant "La Force au service du peuple, 1er Congrès national de la milice française, Paris, 21-25 juin 1944", s’étalent des photos de miliciens. Il semble qu’à Sommières la population dénombrait entre 1 et 2% de miliciens dits "actifs".

Les statuts de la milice étaient relativement clairs. L’article 2 stipulait que "La Milice française est composée de volontaires mo­ralement prêts et physiquement aptes, non seulement à soutenir l’État nouveau par leur action, mais aussi à concourir au maintien de l’ordre". L’article 3, consacré au recrutement déclarait : "Les membres de la Milice française doivent satisfaire aux conditions suivantes" :

1°. Etre Français de naissance

2°. Ne pas être juifs

3°. N’adhérer à aucune société secrète

4°. Etre volontaires

5° Etre agréés par le chef départemental"

Concernant l’engagement des miliciens auprès de l’armée al­lemande, quelques chiffres sont avancés dans l’exposition. Il semble qu’entre 1500 et 2000 miliciens se soient engagés dans la Brigade d’assaut n°7 SS. Près de 5000 volontaires français, outre la L.V.F., se seraient engagés dans le corps motorisé national so­cialiste (NSKK) et celui des motocyclistes des sections d’assaut (S.A.). Environ 2000 Français auraient rejoint la Kriegsmarine, et enfin, quelques volontaires se seraient engagés dans la FLAK ; l’artillerie antiaérienne. Au total, 30000 Français auraient porté l’uniforme allemand…

L’exposition a voulu également souligner la présence alle­mande en France en présentant divers objets qui appartenaient aux troupes d’occupation : des coiffures militaires dont un casque mo­dèle 35, un poignard de combat, un poignard de parade d’officier, une grenade à manche, une grenade offensive dite grenade "oeuf", des décorations et des croix de fer 1ère classe et 2ème classe, une baïonnette Mauser, une boussole, un masque à gaz, des lunettes anti réverbération, des binoculaires (jumelles-périscope de tran­chée), des cigarettes militaire dont un paquet de "Lasso" (1939-1945), un nécessaire de couture, une boite individuelle de panse­ments, une gamelle individuelle, une musette à pain modèle 1931, un réchaud individuel, une lampe chaufferette individuelle, un bi­don individuel, une savonnette militaire, des chaussettes en laine, un modèle de botte, un cadre de paquetage Heer, un modèle de plaque d’identité portée au cou des soldats, et un étui de pistolet P 38. On pouvait également détailler l’uniforme d’un mannequin-fantassin allemand de la Wehrmacht près de son vélo militaire, re­péré dans l’été 1944, dans le Sud de la France…

… à la France réelle

Une priorité : la gestion du quotidien

Mais à cette France officielle s’opposait une France réelle, moins triomphante, moins glorieuse, et terriblement plus pauvre. Cette misère fut particulièrement tangible en matière d’alimenta­tion1. En effet, avec les restrictions, les Français ont dû s’adapter aux difficultés accrues d’approvisionnement. Afin d’inciter la po­pulation à l’économie, une intense propagande fut organisée par voie d’affiches, en forme d’information. Les recettes susceptibles d’épargner les dépenses furent systématiquement vantées. Des pla­cards dans les rues proclamaient : « Économisez le pain, coupez le en tranches minces », « Conservez des tranches de pommes sé­chées », et offraient quelques recettes aux ménagères : « L’omelette avantageuse », « Le vin chaud », « Le bouillon aux herbes »…

Une vitrine rappelle en substance que les "ustensiles" de la vie quotidienne de cette époque ne facilitaient pas la tâche des mé­nagères1 : grattoirs, casseroles, galoches à semelles de bois, bat­toir, carnet d’achat de boucherie [1940], appareil à griller les glands pour le café… et planche à laver complétée par les cendres de bois et les coquilles d’oeufs servant à blanchir le linge…

A Sommières, l’occupation allemande2 s’est traduite concrètement par la multiplication des contraintes.

Les difficultés d’approvisionnement général sont illustrées par deux photos de Sommiérois avec des camions gazogène. Quant aux multiples sujétions de la vie quotidienne entraînées par la pré­sence étrangère, celles-ci sont présentées par des documents issus des archives de Sommières. Ils concernent l’"acquisition" de bâtiments ["Ordre de réquisition du Pensionnat et de l’École maternelle de Sommières"] ; la conduite à tenir en cas d’alerte ["Les consignes de la mairie en cas d’alerte"] ; la liste des logements occupés ; les ordres de réquisition ; un Avis au public de Sommières, Villevieille et Aujargues relatif aux Troupes d’Opérations allemandes à l’initiative du lieutenant Kaufman ; le rappel des services de nuit et de jour devant être effectués par les gardes champêtres et les agents de ville le dimanche et en ville ; et le recensement des troupes allemandes d’occupation dans la région.

Ce dernier document met en évidence l’importance numé­rique de l’occupation locale. D’une part sont recensés officiers, sous-officiers et soldats le 14 février 1944 à Sommières, Aujargues, Calvisson, Congenies, Fontanes, Junas, et Villevieille [A noter que Sommières n’abrite pas de soldats à cette date] De l’autre, la même comptabilité a été établie à la date du 10 mai 1944 pour les sites ci-dessus auxquels ont été rajoutés Boissières, Nages et Solorgues, St Dionisy, Langlade, Aubais, Aigues-Vives, Salinelles et Souvignargue. La présence allemande est considé­rable : 91 officiers et 2800 soldats sont recensés dans la région à cette date. En fait cette concentration était bien évidemment liée au rôle de carrefour du Gard : proximité de la mer (débarquement po­tentiel), proximité de la montagne cévenole (les maquis), couloir de passage multidirectionnel ; vers la région toulousaine, vers l’Es­pagne, vers la vallée du Rhône et le sud-est.

Les difficultés économiques de la France vaincue s’ajoutaient progressivement les unes aux autres. Le rationnement3 combiné à une inflation galopante affaiblissaient considérablement une population civile souvent déjà moralement atteinte.

Institué dès le début de la guerre, le rationnement4 s’ampli­fia jusqu’à devenir une véritable gestion de la pénurie, avec distri­bution de diverses cartes de rationnement qui d’ailleurs ne garan­tissaient pas systématiquement l’obtention des produits. Parallèlement, le régime dénonçait fermement le développement du marché noir. Une affiche proclamait : « Marché noir, crime contre la communauté »…

L’État était cependant conscient des difficultés rencontrées par la population dans le seul but de se nourrir5. Et parfois, la France officielle se superpose à la France réelle… La lutte quoti­dienne pour assurer l’alimentation, mais aussi les influences de la politique de Vichy de promotion du travail provoquèrent la création de "jardins ouvriers", dont la production devait permettre une meilleure alimentation des familles. Cette question était illustrée dans l’exposition par plusieurs documents originaux : affiche, règlement intérieur des jardins ouvriers, données numériques, plans cadastraux de certains de ces jardins, avec mention du nom des attributaires…

L’amorce d’une lutte à l’extérieur de nos frontières

à Londres, De Gaulle…

Les efforts de la France libre en exil à Londres1 transpa­raissent dans une proclamation de De Gaulle et dans trois extraits de journaux. Londres, dans son édition du 14 juillet 1940 titre : « Honneur et Patrie, émouvantes cérémonies 1940 ». Le journal of­ficiel de la France libre, dans son n°1 de sa première année de pa­rution, le lundi 20 janvier 1941, reproduit une déclaration de De Gaulle. Enfin le journal France, du samedi 7 septembre 1940 s’oppose nettement avec son slogan "Liberté, Égalité Fraternité" au "Travail Famille Patrie", la trilogie de prédilection de l’État français de Vichy.

en Russie, l’invasion allemande…

L’exposition aborde ce thème avec des extraits de jour­naux2. Le Nouveau Journal daté du lundi 23 juin 1941 titre en pleine page : « La guerre éclate dans l’Est de l’Europe : l’armée alle­mande entre en Russie avec l’armée finlandaise et l’armée rou­maine », et complète en indiquant que « L’Italie déclare la guerre aux Soviets » ; dans sa page 4, Le Nouveau Journal développe lar­gement cette attaque : « Pourquoi la guerre contre la Russie. Une proclamation du Führer au peuple allemand ? ». Ici encore l’état d’esprit insufflé à l’époque par la presse paraît significatif.

Rappelons que Hitler avait décidé de cette Opération Barbarossa d’invasion de la Russie dès le mois de décembre 1940. Son déclenchement, le 21 juin 1941 marque la nouvelle stratégie de guerre d’Hitler, étendue à l’ensemble de l’Europe, et illustre sa volonté expansionniste, et son désir d’hégémonie idéologique et économique. Hitler l’expliquait lui-même : « Les forces armées du Reich allemand doivent se disposer à écraser la Russie soviétique en une brève campagne avant la conclusion des hostilités contre l’Angleterre… »3.

Sur les autres fronts européens…

Quatre cartes en couleurs illustraient le retour des Alliés vers le théâtre d’opérations européen4. C’est d’abord l’“Opération Torch, l’invasion de l’Afrique du Nord, en novembre 1942”, puis la "remontée" des Alliés vers le Nord, avec le “Débarquement en Sicile de juillet 1943” et l’“Opération Baytown du 3 septembre 1943” sur le Sud de l’Italie, et enfin la “Libération de la Corse, en septembre- octobre 1943”5. Bien évidemment, cet ensemble inté­resse le Sud de la France, où l’on pouvait connaître par la B.B.C. l’avancée de ces opérations, en dépit du "bourrage de crâne" or­chestré par une presse et une radio officielles françaises aux ordres de l’ennemi.

Concernant le Nord1, trois cartes polychromes présentaient l’effort considérable des Alliés : l’opération Overlord (6 juin 1944), la bataille de Normandie (juillet 1944), et la percée d’août 1944 dans le Cotentin. Un ensemble suffisant pour rappeler l’importance des terribles combats avec une armée allemande encore efficace, bien que gênée par les efforts des groupes de résistants.

Complétant les précédents, un panneau2 ramenait l’attention sur notre région à l’aide de trois cartes. Celles-ci, en couleurs, très claires, permettent de mesurer les étapes de cette libération de la région Sud, à laquelle les maquis du Gard ont pris une part appréciable. D’abord, le plan de concentration des forces pour l’opération Anvil-Dragoon , présente la Méditerranée et le regroupement des forces depuis les différents ports et sites d’embarquement vers la région provençale. Puis, le plan du débarquement dans les sec­teurs de Toulon-Cavalaire prépare à la Bataille de Provence des 15-30 août. Enfin une carte de la vallée du Rhône localise opportunément les lignes de communications de la Première armée ; ces lignes de communications qui furent l’un des enjeux majeurs de ces combats auxquels les maquis gardois contribuèrent. En outre, un tableau recense en quelques chiffres la part prise dans cette reconquête par les trois armes des forces françaises (Armée de Terre, de l’Air, et Marine) de l’Opération Anvil-Dragoon .

Plus concrètement, l’exposition avait choisi de matérialiser cette présence américaine en élaborant une mise en situation "gran­deur nature" comportant : une Jeep Willy’s 1944 -le véhicule léger de liaison de l’Armée américaine- avec équipement radio et divers accessoires, entièrement restaurée d’origine ; complétée d’un man­nequin-fantassin américain au surprenant réalisme, chauffeur de Jeep [Torquay ; G.B.] en tenue de débarquement avec blouson de combat modèle 1941, masque à gaz spécial opérations amphibies, brassard de détection des gaz, brassière de sauvetage et fusil semi-automatique Garand.

Étaient également exposés les "Petits équipements du soldat américain 1941-1945", parmi lesquels la "ration K", quelques in­signes dont celui de la 3ème Armée de Patton à laquelle était ratta­chée la 2ème D.B., des casques (U.S.M. 1, police militaire ; U.S.M. 1, infirmier) ; des boites d’allumettes ; une trousse de cou­ture HBT ; une trousse de toilette ; une pipe et un cure-pipe ; une casquette en laine tricotée ; divers couverts ; un réchaud individuel ; ou encore une couverture. Quelques "Gros équipements" égale­ment tels qu’une pelle individuelle, une pioche et son étui et un ré­chaud individuel de marque "Coleman"…

La Résistance et la Libération

La "Contre-propagande"

La Contre-propagande dut réagir pour contrebalancer le dé­chaînement de la propagande anti-alliés3 qui s’appuyait notam­ment sur le thème des bombardements anglo-américains. En effet, des affiches dénonçaient les méfaits de l’aviation alliée : « En 6 mois, l’aviation anglo-américaine a tué 3112 hommes, femmes et enfants ; a blessé 5228 personnes ; a détruit 25 hôpitaux, 44 églises, 118 écoles, 31177 maisons » ; « En avant, soldats du Christ », « Bénédiction d’un équipage d’avion », ou encore « Les bombardements de la Cité du Vatican ». Outre les affiches, des tracts circulaient aussi ainsi que des bandes dessinées. L’une d’entre elles prévenait contre "la Dingaullite (maladie honteuse)" avec les termes suivants : « Lutte contre les maladies mentales, planche de propagande pour la santé publique : la dingolite, maladie honteuse »…

A cette propagande anti-alliés, a donc répondu une virulente -quoique non dénuée d’humour- campagne anti-allemande1. L’exposition présentait un ensemble de huit affiches avec des ori­gines disparates (anglaise, russe, française) et dont les titres étaient souvent évocateurs : « "Travail ! Silence ! Confiance !" On les aura » ou bien « Briser la symbolique allemande et nazie ». Au delà de l’intérêt présenté par chacune de ces affiches, le mérite de ce pan­neau était d’aborder très simplement l’une des particularités ma­jeure de ce conflit : la Seconde guerre mondiale était -semble-t-il- une guerre idéologique et politique avant que d’être un conflit mili­taire. Le sens de ces combats, au-delà de la possession d’un sol ou de biens matériels, n’existait-il pas que dans la volonté de faire triompher les principes de la démocratie ?

Les réseaux de résistance

Concernant les mouvements de résistance "F.F.L." et "F.F.I."2, l’exposition s’est limitée3 à présenter des insignes et brassards (Aigoual-Cévennes, sud-ouest), une affiche et sept photographies diverses. L’affiche en couleur provenant du Musée de la Guerre proclamait : "Vive les F.F.I. de la région de Toulouse". Quant aux photos, il s’agissait de clichés du Général Koenig, chef des F.F.I. ; du Général de Gaulle, chef des Français libres ; du Général Leclerc, chef de la 2° D.B ; ainsi que des photos de sabotage ; de propagande et d’évocation de combats.

D’autres photographies encore furent utilisées pour évoquer la résistance et les maquis4. Outre un très utile organigramme du réseau, neuf émouvants clichés furent exposés, avec au centre, Rascalon, autour de qui gravitaient des photos d’Aire de Côte, de Lasalle, de son maset, du groupe de rescapés du maquis d’Aire de Côte attaqués le 1er juillet 1943, et même un brassard F.F.I….

Sur huit autres photographies de l’époque5, l’on pouvait très nettement reconnaître Sommières, et reprendre conscience -s’il en était besoin- que la guerre comme la libération se déroulèrent ici aussi, et concernèrent étroitement le quotidien. Autour de la photo­graphie de "Fauvette" l’un des pionniers du maquis, deux maisons incendiées (9 août) à la suite d’un accrochage entre le maquis de Lasalle et les Allemands implantés à Montpellier, des résistants défilant dans les rues, et les prisonniers Allemands du 26 août rac­compagnés -à pied- à Montpellier le 30 août. Un tableau numérique présentait ensuite la première équipe sommiéroise du maquis Aigoual-Cévennes.

Ces photos participaient pleinement au devoir de mémoire et témoignaient avec véhémence des conditions de vie de ces résis­tants dans cette Cévenne-refuge. Une citation de René Rascalon donnait d’ailleurs l’esprit de ce panneau : « Surtout, nous ne vou­lons pas faire de politique, nous sommes des Français qui voulons bien nous sacrifier pour que vive la France, mais la politique ne nous intéresse pas pour l’instant. Après la Guerre nous rejoindrons nos partis politiques respectifs si nous le désirons ».

La résistance de 1940 à 1944 dans le Gard1,fut évoquée à l’aide d’une carte et d’une photographie. La carte polychrome, d’un format permettant une lecture très aisée, a été établie par M. Aimé Vielzeuf et par le Colonel [de l’Armée de l’air (E.R.)], M. Jean Castan, et présentait la quasi totalité des forces disponibles ainsi que leurs implantations successives dans les différents es­paces du département. Bien évidemment la région Aigoual- Cévennes présentait la plus grande densité, en liaison avec les possibilités plus importantes de se dissimuler à l’ennemi.

La photographie révélait le "Défilé du maquis Aigoual-Cévennes" à Nîmes, à la fin de l’année 1944", mené par René Rascalon, Germaine Bonnafoux et Guy Arnaud.

L’on pouvait également voir au sein de cette exposition un fusil-mitrailleur français modèle 24-29, utilisé fréquemment dans le maquis, une mitraillette Sten Mark II parachutée aux maquisards, et un émetteur-récepteur de la Résistance.

La Libération en France

Revenons d’abord vers la capitale2, avec des photocopies de journaux : Défense de la France (D.F.), "fondé sous l’occupa­tion ennemie le 14 juillet 1941" consacre sa "une du vendredi 25 août 1944 aux festivités qui se déroulent alors dans la capitale et titre : « Les chars du Général Leclerc sont à Chevilly et à la Croix de Berny » ; le journal consacre d’ailleurs à cet événement, dont nous mesurons mieux aujourd’hui l’impact, la totalité de sa première page.

Ce même 25 août 1944, la "une" de Combat, "de la Résistance à la Révolution", journal fameux de la résistance, titre largement sur « Après 4 ans d’espoirs et de lutte, les troupes fran­çaises entrent dans la capitale libérée », consacrant une part impor­tante de cette première page au Général de Gaulle et à son action. A noter, un petit encadré faisant état de l’arrestation de Sacha Guitry…

D’une manière plus générale, la presse s’est constamment fait l’écho de l’opinion publique (ou de la politique de l’État) tout au long de ces longues années de conflit qui ont déchiré la France. Dans la région, la presse locale1, avec son propre style, raconte elle aussi ce que fut la guerre… Citons par exemple Le Petit mar­seillais (1 franc le numéro) du mercredi 22 décembre 1943 ; Le cri du Gard (1 franc 50 le numéro) du jeudi 31 août 1944 [Organe ré­gional du Parti Communiste] ; Espoir (n° 2 ; 3 francs le numéro) [Journal mensuel communiste paru à Sommières à la Libération, 3 numéros seulement] ; Le Midi Libre, (1 franc 50 le numéro) 1ère année, numéro 1, daté du dimanche 27 août 1944, avec sa célèbre Croix de Lorraine [Organe du Comité Régional du Mouvement de Libération nationale] ; La Renaissance républicaine du Gard, (1 franc 50 le numéro) [Organe départemental du Comité de la Libération] du lundi 20 novembre 1944 ; L’Étoile du Languedoc, (1 franc 50 le numéro) [Organe régional des jeunesses communistes, région Aude-Hérault] (1ère année, n° 1, non daté) ; La Voix de la Patrie, (1 franc 50 le numéro) [Journal du Front national pour le Languedoc et le Roussillon ; "fondé sous l’oppression allemande en 1942] du mercredi 30 août 1944 ; et enfin Le Républicain du Gard (40 centimes le numéro) [Journal Régional d’Informations rapides] du dimanche 28 janvier 1940.

Dans le but de rendre plus concrète cette notion de Libération, des mannequins "grandeur nature" montraient les types d’uniformes pouvant être rencontrés sur le territoire français à cette époque : un fantassin français de la 1ère division française libre, du débarquement de Provence du 15 août 1944 [équipé du casque anglais et de la tenue de treillis américaine…] et un fantassin bri­tannique [été 1944] ; ainsi que divers objets tels que des grenades, un Revolver Webley de type "Commando", les insignes de la 2e D.B. 1944-1945 ; ou encore quelques ouvrages : "Les Conquérants et souvenirs d’évasion" présenté par l’Union des Évadés de France, "Au carrefour de la Trahison" de Jean Lacipieras (Capitaine Ludovic du S.R.), le "Programme du C.N.R.", les "Ordres du jour de la victoire", "Pétain, Laval, Abetz" -Contribution aux dossiers de la trahison- (Pétain et les mutineries de 1917) de Paul Soupiron et des ouvrages mieux connus d’Aimé Vielzeuf et Henri Amouroux.

Témoins également de ces temps bouleversés, les timbres et la monnaie de la période qui font aujourd’hui le bonheur des col­lectionneurs… et des historiens ! Concernant la philatélie2, les timbres exposés rappelaient certains moments forts telle la Libération, la Ligue des volontaires, l’Alsace-Lorraine ou surpre­naient lorsqu’ils supportaient diverses surcharges comme le slogan "Travail, Famille, Patrie" ou d’autres émanant des F.F.I. ou de la censure allemande.

Un panneau3 présentait également six superbes blocs dé­diés aux : "Héros de la résistance" et aux "Soldats de l’ombre morts pour la Liberté…" ; à "L’épopée du Général Leclerc du Tchad au Rhin", aux "Monuments en hommage à la résistance", et aux "Épopées de Juin, De Lattre, et Koenig".

Concernant le domaine de la numismatique, un panneau4 présentait les originaux de 45 pièces de monnaies ayant circulé de 1940 à 1945. Un autre5 rassemblait les originaux de billets de banque : billets du Trésor central [4 juin 1945], et francs complé­mentaires de la Libération,… mis en circulation lors du débarque­ment en 1944 ; ainsi que des émissions d’impressions anglaises ["Marianne de Dulac"] et américaines.

Perspectives d’avenir…

La question relative à l’après-guerre a été traitée dans l’ex­position d’une manière tant insolite que fraîche et humoristique. Deux panneaux présentaient de quoi étaient censés être faits les lendemains de la "Catastrophe"…

Le premier1 proposait des fragments de journaux avec des thèmes prospectifs : "Comment vous vivrez après la guerre". Une triple lecture était possible. D’abord la perception du futur dans la vie quotidienne tel que le concevaient les hommes et les femmes de l’époque, avec parfois une certaine naïveté : nous pourrions ici les rapprocher des gravures à l’identique qui foisonnaient à la fin du XIX° siècle. Ici comme là, la période était riche en progrès scienti­fiques.

Ensuite, nous pouvions évaluer au travers de ces espérances, de ces rêves un peu fous pour l’époque combien la presse s’atta­chait à donner de l’espoir à ces populations blessées par des années de privations, et par une pénurie générale.

Enfin, nous pouvions constater que ces "rêves" sont devenus la réalité de notre vie quotidienne : l’automobile pour tous, la télé­vision, l’avion de tourisme… jusqu’au réveil "qui se remonte tout seul"… !

Le second2 enrichit l’impact du premier, avec des perspec­tives de progrès : "Il ne fera plus noir au cinéma", "les femmes au­ront chez elles leur institut de beauté". Plus énigmatique, la ques­tion de l’exploitation pacifique de l’énergie nucléaire qui concernait alors des Français, appauvris, au lendemain de ce douloureux conflit, demeure toujours d’actualité…