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UNE INDUSTRIE SOMMIEROISE INCONNUE, LES FABRIQUES DE SUCS DE REGLISSE – Site de Sommières et Son Histoire

Pendant tout le XVIIIème siècle et la première moitié du XIXème, Sommières fut un des centres lainiers importants du Languedoc.

A cette époque, chaque printemps voyait converger vers la « place des Aires » de très nombreux troupeaux de moutons provenant des basses terres de la vallées du Vidourle en route pour « l’estive » vers la Lozère et la Margeride, sur les antiques « drailles » de transhumance via Anduze, Mialet, puis le col de Jalcreste. A chaque automne (au retour), la foire de la Saint Michel rassemblait au champ de foire près de 50 000 bêtes à laine.

Alors que la vapeur n’est pas encore utilisée, toute l’industrie « concentrée au fil de l’eau », utilise le Vidourle et ses affluents pour traiter sur place la laine du pays, produite en abondance et réputée la meilleure.

Dans le bassin de Sommières, près de 200 « facturiers de laine » emploient plus de 5 000 ouvriers et produisent annuellement plus de 25 000 pièces de drap.

Ils fabriquent alors des « Sommières » utilisées pour les doublures, mais aussi des molletons, des Calmouks, des tricots et des étames que les actifs et puissants négociants protestants sommiérois et gardois vont commercialiser dans la France entière mais aussi dans toute l’Europe.

Au début du XIXème siècle, l’arrivée de la vapeur provoque des concentrations et la création de ces premières fabriques, que seuls les négociants fortunés peuvent construire en provoquant la disparition d’une multitude de moulins et de petites fabriques.

Face à cette crise quelques négociants prêts au changement et aux fabrications nouvelles sauront s’adapter. Pour quelques décennies encore, certains se dirigeront vers le cuir, d’autres vers « l’industrie des essences » (plantes aromatiques) bien avant la Côte d’Azur, deux autres, aux fabriques d’importance très inégale, se tourneront (après 1870) vers la très rémunératrice fabrication des sucs de réglisse ; ce sont celles de Louis CAUSSE et de Marc CAIZERGUES.

La réglisserie CAUSSE

C’est dans les toutes premières années du 1700 que François CAUSSE (originaire de St Gilles du Gard) et son épouse Simone CAPION, attirés par l’importance des travaux de la laine viennent se fixer à Sommières comme modestes « facturiers de laine ». L’évolution sociale s’amorce rapidement puisque Claude (né en 1704) un de leurs nombreux enfants, qualifié de facturier en 1724 est déjà « marchand facturier » en 1737.

La génération suivante annonce la fortune. François (né en 1729) époux de Marie Ducros, fils aîné de Claude, devient facturier et négociant. Cinq enfants naissent de cette union dont quatre fils qui, en se répartissant les tâches et les fonctions, vont donner une grande importance à l’affaire familiale.

L’aîné, Claude (né en 1759) fabricant et négociant en laines, épouse Jeanne ROUSSET qui lui donne trois enfants dont seule, Suzanne, l’aînée, survit.

François (né en 1761) est propriétaire terrien et fabricant de molletons. En premières noces, il épouse Marie Sophie MEJAN qui décède rapidement en couches. Il se remarie avec Jeanne PELADAN. En épousant David PENCHINAT leur fille Henriette va engendrer des unions avec les grandes familles de Nîmes et de Marseille (PENCHINAT, CORDESSE, ROUSSY) .

Pierre (né en 1766) demeure célibataire mais vient se fixer à Paris où il exerce le fructueux négoce des draperies de laine et devient un des principaux fournisseurs de drap pour les armées de la République, puis de l’Empire. Associé à ses frères c’est lui qui dirige le négoce familial. Redoutable en affaires, entreprenant, courageux, excellent cavalier, il n’hésite pas, en ces temps troublés, à entreprendre à cheval et sans « débotter », la longue route de Sommières afin d’arriver en province avant les nouvelles.

En fonction des victoires et des défaites des armées, subodorant hausse ou baisse avant tout le monde, il donne dès son arrivée, des ordres d’achat ou de vente. Ce n’est qu’ensuite qu’il fait panser son cheval puis soigner les plaies de ses fesses, consécutives à plusieurs jours de course effrénée.

Ayant réalisé une très importante fortune, il achète de nombreuses terres dans le sommiérois avant d’en échanger une partie pour acquérir en 1804, le superbe domaine de Massereau (sur les bords du Vidourle) qui appartient encore à la famille.

Louis (né en 1768) dix ans après son aîné s’occupe essentiellement du négoce local. Très apprécié de son frère Pierre (dont il devient l’héritier) il est son véritable adjoint. En 1806, âgé de trente huit ans, il épouse sa jeune nièce Suzanne (âgée de vingt ans), fille de son frère aîné Claude.

Dans ces familles de négociants actifs et âpres au gain, contrats de mariages, testaments et partages sont des puzzles parfaitement construits qui ne laissent rien au hazard.

Suzanne et Louis CAUSSE, négociants fortunés résident à Nîmes dans le très bel immeuble du début du chemin de St Gilles (actuelle Banque de France, square du 11 Novembre). Un seul enfant naît de cette union, François Pierre Louis (en 1821) ; c’est lui qui devient fabricant de réglisse, après avoir épousé en 1845, Alix NEGRE, fille de Prosper NEGRE et de Mélanie BERGERON, puissants négociants et banquiers à Nîmes.

La famille NEGRE, originaire de Saint Jean du Bruel (Aveyron), un gros bourg industrieux de la haute vallée de la Dourbie (affluent du Tarn à Millau), aux confins du Gard, a connu un cheminement tout à fait identique à celui des CAUSSE.

Louis NEGRE (né en 1743), père de l’arrière-grand-père d’Alix (épouse CAUSSE) est négociant en laines, à Saint Jean du Bruel, mais aussi fournisseur des armées. C’est son frère Joseph (né en 1750) qui vient très jeune se fixer à Nîmes où il crée un commerce de draperies, rue des Marchands. Sans enfants, il appelle auprès de lui son neveu Louis François (fils de son frère Louis), l’associe à ses affaires et lui fait épouser sa belle-sœur (sœur de sa femme) un peu comme les CAUSSE, un génération plus tard.

Marchand en gros, négociant, banquier, Louis François NEGRE est obligatoirement en relations d’affaires avec les CAUSSE. Le mariage entre Louis CAUSSE et Alix NEGRE n’est donc probablement pas dû au seul hasard.

Ces familles ambitieuses, curieuses de tout et attentives aux idées nouvelles sont prêtes à tous les changements. Sensibilisé par les prodigieux bénéfices réalisés par la fabrication des sucs de réglisse, Prosper NEGRE (un des fils de Louis François et père d’Alix, épouse CAUSSE) entreprenant gérant de la banque NEGRE-BERGERON, ne va pas manquer de pénétrer ce milieu particulièrement clos. Fin 1874, à Uzès, Alphonse FOUSSAT fabricant de réglisse, est mis en difficultés par la banque nîmoise ARNAUD-GAIDAN.

Supplantant sa rivale, la banque NEGRE-BERGERON fait acheter par Louis CAUSSE, plus propriétaire terrien qu’industriel, la fabrique uzétienne en faillite.

Sachant parfaitement s’entourer, il conserve l’ancien régisseur Pierre DAVID et fait revenir auprès de lui un contremaître de grande réputation qu’il subtilise à la fabrique « DELEUZE Frères » de Moussac.

Dans ce milieu totalement inconnu, le génie des affaires des CAUSSE s’affirme rapidement en orientant la production vers « le pastillage », produits nouveaux, à la présentation plus soignée.

Pour ce faire, Louis CAUSSE améliore les techniques de fabrication et participe à la création de nouvelles machines (dont il dépose les brevets) tendant à la production en supprimant une partie du travail à la main.

L’épopée réglisserie de Louis CAUSSE sera assez brève. Trop dispersé par ses multiples occupations, il revend sa fabrique sept ans plus tard en réalisant néanmoins un coquet bénéfice de 50%.

Achetée par Alphonse PERDRIX, ancien directeur de la première fabrique de Moussac, l’usine de la « Lauze » poursuivra avec bonheur ses activités durant un demi siècle.

Les cinq enfants de Louis CAUSSE, deux filles et trois garçons, vont s’unir à la grande bourgeoisie gardoise. Un fils André, partira aux USA et y deviendra le numéro un des fruits secs. Pierre, époux de Pauline VERDIER, aura comme gendre Paul DEFERRE (père de Gaston) mais aussi Charles LEFEVRE (des grands travaux).

La réglisserie CAIZERGUES

Bien plus mystérieuse que celle de la « Lauze » à Uzès, la fabrique CAIZERGUES, fixée « Faubourg du Pont » n’a hélas laissé que peu de traces.

Sans remonter de nombreuses générations, la famille CAIZERGUES (dont l’orthographe connaît de multiples variantes) est fixée dans le sommiérois au XVIIIème siècle. Dans le premier quart du siècle suivant, Paul CAIZERGUES époux de Catherine BROUSSE est cultivateur à Aspères. Plusieurs enfants naissent de cette union dont Marc (né en 1821) qui devient « charron » et le restera toute sa vie. En 1846, à Sommières, il épouse Eléonore Marie BOURGUET ( fille de David, propriétaire) puis le jeune couple part s’installer à Salinelles où naissent plusieurs enfants dont Marc ( né en 1853) futur fabricant de réglisse. A partir de 1857, le couple quitte ce village sans laisser de traces puis réapparaît à Sommières en 1865 où il vient se fixer définitivement. Possédant quelques biens, Marc CAIZERGUES installe sa forge rue du « Faubourg du Pont » où il va demeurer une vingtaine d’années.

Assez mystérieusement, son fils Marc aménage une fabrique de réglisse sur la propriété familiale.

En 1876, il fait installer une machine à vapeur pour entraîner ses machines et sécher ses sucs ; en 1875, puis en 1877, il dépose deux brevets d’invention tendant à améliorer la fabrication des sucs de réglisse. L’année suivante (1878), il sollicite l’autorisation de participer à l’Exposition Universelle (de Paris) pour y présenter ses produits.

D’autre part, le « dénombrement » de 1876, confirme bien que Marc CAIZERGUES réside auprès des siens, rue du Faubourg du Pont et il y est déclaré « fabricant de réglisse ».

La multiplication de ces divers documents, tous incontestables, nous laisse, néanmoins, perplexes.

Aussi doué, courageux et entreprenant soit-il, le jeune Marc CAIZERGUES à peine âgé de vingt ans a bien appris quelque part les secrets de la fabrication des sucs de réglisse. Chez quels fabricants a-t-il été employé pour acquérir un tel savoir ?

Pour imaginer des machines capables d’améliorer les conditions de fabrication, il doit parfaitement connaître ce milieu si particulier et s’y être initié longuement.

Pour créer une fabrique même modeste, installer machine à vapeur et machines, il faut disposer de capitaux importants. Ce n’est ni lui (à vingt ans), ni son père, modeste charron, qui ont avancé les fonds. Quels sont alors ses commanditaires qui ne peuvent prêter sans quelques garanties ?

Si la fabrique du « Faubourg du Pont » est assez éphémère il est certain que le jeune et génial Marc CAIZERGUES est ensuite appelé vers quelques fabricants trop heureux de pouvoir profiter de ses connaissances et de ses talents. Vers où, chez qui se dirige-t-il ?

La famille du charron sommiérois compte sept enfants, probablement décédés entre 1920 et 1950 ; il serait étonnant que personne ne puisse apporter quelques précisions sur eux afin de pouvoir compléter utilement l’histoire de cette fabrique. Tel est au moins notre souhait.

N.D.L.R. : Claude MARZEAU a publié début 1990 : « Il était une fois la réglisse » volume I ; le volume II fin 1991.

Nous souhaitons vivement que les lecteurs du Bulletin de Sommières et son Histoire puissent répondre aux questions de Claude MARZEAU, faire avancer et enrichir profitablement ses recherches. Nous contacter.